DOMITIAN : N’avez-vous pas un absolu pouvoir,
Seigneur ?
TITE : Oui ; mais j’en suis comptable à tout le monde :
Comme dépositaire, il faut que j’en réponde.
Un monarque a souvent des lois à s’imposer ;
Et qui veut pouvoir tout ne doit pas tout oser.
TITE ET BÉRÉNICE : Acte IV, Scène 5.
Première certitude à abandonner au seuil de l'acte 1, premier ébranlement, et non des moindres: le texte d'une tragédie classique pourrait bien apparaître aujourd'hui, pour tout lecteur amateur de lecture, pour tout rêveur désireux d'autres mondes, comme un texte illisible. Grande est la difficulté de la langue: de sa cadence (l'alexandrin) mais aussi de sa complexité grammaticale, de sa sophistication syntaxique. En nous forçant à nous arrêter, à reprendre, à relire, à articuler, la tragédie classique exhibe en quelque sorte les opérations inhérentes à toute lecture: d'abord l'appropriation physiologique du texte par la voix et le regard, puis la maîtrise intellectuelle du sens, enfin la conquête fantasmatique de l'univers fictionnel.
(Extrait de la "Présentation")
(Tite et Bérénice, Acte II, scène VI)
DOMITIE
Seigneur, faut-il ici vous rendre votre foi?
Ne regardez que vous entre la reine et moi,
Parlez sans vous contraindre, et me daignez apprendre
Où porte votre coeur ce qu'il sent de plus tendre.
TITE
Adieu, madame, adieu. Dans le trouble où je suis,
Me taire, et vous quitter, c'est tout ce que je puis.
(Suréna, Acte II, scène 3)
PALMIS
Entre amants qu'un changement sépare,
Le crime est oublié sitôt qu'on le répare,
Et bien qu'il vous ait plu, seigneur, de me trahir,
Je le dis malgré moi, je ne puis vous haïr.
(Rodogune, Acte III, scène V)
ANTIOCHUS
Hélas! C'est ainsi qu'on traite
Les plus profonds respects d'une amour si parfaite!
Lecture par l'auteur
Rencontre animée par Marie-Madeleine Rigopoulos
« Ce livre est un ensemble de nouvelles autobiographiques, classées par âge de la vie, de la petite enfance à aujourd'hui. Ces nouvelles sont souvent, pas toujours, des mésaventures dans lesquelles j'éprouve peur et honte, qui me sont assez naturelles et me donnent paradoxalement l'énergie d'écrire. Scènes de gêne ou de honte, scènes de culpabilité, scènes chargées de remords et de ridicule, mais aussi scènes, plus rares forcément, de pur bonheur, comme celle qui donne son nom au livre, Célidan disparu : personnage à la fois pusillanime et enflammé d'une pièce de Corneille que j'ai jouée à mes débuts d'acteur, dont je découvris lors de l'audition pour l'obtenir, qu'il me révélait à moi-même, et faisait de moi un acteur heureux. »
Denis Podalydès
À lire – Denis Podalydès, Célidan disparu, Mercure de France, 2022.
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