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Laure Bataillon (Traducteur)
EAN : 9782070358649
112 pages
Gallimard (30/11/-1)
3.34/5   71 notes
Résumé :
Dans un vieil hôtel de Montevideo, Petrone est réveillé toutes les nuits par les pleurs d'un enfant qu'il entend à travers la porte qui communiquait jadis avec la chambre voisine. Pourtant le gérant lui assure qu'il n'y a pas d'enfant à l'étage, ni même dans l'hôtel... Lorsque la banalité du quotidien prend soudain une dimension aussi inattendue qu'inquiétante, Julio Gortazar nous fait basculer dans son étonnant univers.
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Les quatre nouvelles m'ont enchantée. Julio Cortazar (1914-1984) est un maître de la nouvelle fantastique. Un enchanteur de première catégorie. Je me suis ré-ga-lée !
Déjà il vous embarque en quelques lignes dans un univers apparemment banal et intéressant à observer. Ensuite doucement il vous fait entrer dans un univers parallèle par une porte magique dont il se garde bien de vous donner la clé. Il vous laisse en suspens, troublé, bouleversé, ou effrayé mais aussi ravi de l'expérience. Et il vous laisse libre d'interpréter le texte à votre guise.
Les quatre nouvelles, extraites de Fin d'un jeu (1956), sont très variées et n'ont pas pris une ride.

1. Les poisons
La nouvelle est d'inspiration autobiographique. Elle est simple, intense, subtile, colorée, suggestive et vous transporte dans le monde de l'enfance durant lequel un rien vous émeut profondément.
le narrateur est un jeune garçon qui joue encore aux cow boys et à la marelle avec sa soeur dans le quartier de Banfield à Buenos Aires. Son oncle Carlos arrive avec une machine à exterminer les fourmis qui ravagent le jardin. Il faut injecter un poison violet à l'intérieur et après enfumage, le gaz se répand dans les galeries jusque dans les jardins des maisons voisines, tuant les fourmis. Et avant qu'elles n'empoisonnent leurs fleurs, le jeune narrateur doit reboucher les trous fumants avec de la terre. C'est une affaire de garçons. Nous faisons connaissance avec tout le petit monde du narrateur : les parents, l'oncle Carlos, la grand-mère mais surtout sa petite idiote de soeur, les trois petites voisines niaiseuses Negri toutes amoureuses de son cousin Hugo. Celui-ci un peu plus grand que le narrateur va rentrer au lycée à Buenos Aires et il fait rougir Lila, l'autre petite voisine dont le narrateur est secrètement amoureux…

2. La porte condamnée
Petrone est un homme d'affaires qui séjourne à l'hôtel Cervantes de Montevideo. Un endroit calme, ombragé, presque désert qui lui convient bien car il est très fatigué. Il essaye de dormir mais c'est impossible à cause des pleurs d'un petit enfant dans la chambre voisine. Or le gérant un homme gentil apparemment fiable lui a bien spécifié que dans l'unique chambre contiguë vit une femme célibataire, employée quelque part, qui ne rentre que la nuit. La deuxième nuit après s'être rendu dans un cabaret qui l'ennuie, il découvre que l'armoire bloque une porte condamnée menant à la chambre voisine. Les pleurs de l'enfant s'intensifient. Pourtant le gérant jure qu'il n'y a pas d'enfant à l'étage.
Il est difficile de parler de cette nouvelle sans dévoiler la fin, énigmatique. Petrone est un type assez désagréable, il méprise la femme qu'il trouve insignifiante et puis le narrateur suggère qu'il n'est pas très fiable. Les pleurs de l'enfant le déstabilisent, on s'imagine des choses, des perversions, on se demande ce qu'elle cache et aussi ce qu'il cache.

3. Les ménades
La nouvelle repose sur une métamorphose.
Le narrateur se prépare à assister à à un concert de musique classique variée, de bon ton et sans surprises dans une ville de province. le public bourgeois est calme et bien disposé. A sa gauche Madame Jonathan qu'il ne connaît pas très bien, lui parle de sa passion sans bornes pour le Maestro qui fête cette nuit là son cinquième anniversaire à la tête de l'orchestre. Les filles du Docteur Epiphanie sont elles aussi enthousiastes comme beaucoup d'autres femmes. le narrateur se sent exclu de ce petit monde fraternel et admiratif. Il y a seulement un aveugle qui n'applaudit pas beaucoup. Au milieu du public, il aperçoit une femme en rouge qui accourt sur la scène en battant des mains et qui se jette aux pieds du Maître. Il entend alors des cris et des convulsions. le Maître les ignore. le public se lève et se précipite vers la scène….
Les Ménades, dans la mythologie grecque, sont des femmes disciples de Dionysos, le dieu du vin, de l'ivresse qui organisait des rituels orgiaques. Ce sont des femmes sauvages qui apparaissent dans les festivités en extase et viennent dévorer leurs victimes. L'excitation du public monte au rythme du programme musical de plus en plus frénétique. La foule devient incontrôlable. La nouvelle me semble très moderne.

4. La nuit face au ciel
Cette nouvelle à chute repose sur une inversion entre le cauchemar et la réalité. C'est la nouvelle la plus angoissante des quatre.
Un motard distrait ne peut éviter une vieille dame qui croise sa route. Il perd connaissance. Lorsqu'il se réveille à l'hôpital, il est encore sous le choc et fébrile. Un homme en blanc s'approche de lui souriant et tient à la main quelque chose qui brille. le blessé s'endort et rêve qu'il est membre de la tribu des Moltèques, poursuivi dans un sombre marais bourbeux par une tribu aztèque ennemie qui fait la chasse à l'homme. Il faut fuir car "cela sent la guerre" et il s'assure que son poignard de pierre est bien passé dans sa ceinture de laine tressée…

Bien évidemment je dégusterai le recueil fin d'un jeu en entier.
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Je referme ce court recueil de nouvelles, La porte condamnée et autres nouvelles, quatre nouvelles extraites d'un autre recueil plus fourni de Julio Cortázar, Fin d'un jeu et je me pose encore cette question lancinante qui me taraudera peut-être le coeur à jamais : qui avait-il au juste derrière la porte condamnée ?
Une invasion de fourmis dont les nids prolifèrent dans les jardins des voisins ? Une mystérieuse jeune femme seule dans sa chambre d'hôtel d'où la nuit viennent les pleurs d'un enfant ? Un orchestre symphonique dont le final se termine en bacchanale ? Un accident de moto qui plonge la victime dans un monde onirique ?
Chaque nouvelle est une histoire ordinaire arrachée à un quotidien désopilant... Mais chacune d'entre elles est une porte qui déchire le réel et s'ouvre brusquement sur le fantastique, mais un fantastique qui dit à peine son nom. Il y émane quelque chose d'étrange, d'inquiétant, d'envoûtant, de presque dérangeant.
Ce sont tour à tour les yeux d'un enfant, ceux d'un insomniaque, d'un mélomane, d'un blessé qui nous invitent à venir au devant de l'imaginaire... La force de chaque récit est de savoir nous plonger en dedans d'un tableau tout en continuant de le contempler comme je devenais à la fois sujet et objet d'une contemplation.
Il y a dans chacune de ces histoires une force d'évocation insoupçonnée qui traverse de manière souterraine les pages qui deviennent sables mouvants, séismes, plongées abyssales en un univers brusquement irrationnel où la raison perd pied peu à peu...
C'est une porte sur l'humanité où les chemins s'égarent pour revenir à la réalité.
J'étais là justement dans cette chambre d'hôtel à tenter d'écrire mon billet sur ce livre qui m'avait envoûté et ému, lorsque les pleurs se firent de nouveau entendre de l'autre côté de la cloison. Je m'approchais de la porte, la porte condamnée, qui me séparait de cette autre chambre de l'autre côté du décor... Elle était verrouillée et quand bien même en aurais-je possédé la clef, je ne suis pas sûr que j'aurais eu le courage de l'ouvrir, franchir le pas.
Le gérant de l'hôtel m'avait affirmé que la jeune femme était seule, qu'aucun enfant ne l'accompagnait. Pourtant, à ce moment-ci j'aurais juré que ce n'était pas vrai...
Nous étions au milieu de la nuit. Un enfant continuait de pleurer de l'autre côté de la porte... Alors je ne sais pas ce qui m'a pris, je décidai brusquement de descendre à la réception, je descendis sur la pointe des pieds, muni d'une lampe-torche. Je balayai du faisceau de ma lampe le comptoir de l'accueil, le mur, le tableau des clefs... Une seule y était encore fixée, comme si elle m'attendait. Il y avait une petite étiquette accrochée à celle-ci. Je savais qu'il était déjà trop tard pour faire machine arrière, mais j'étais comme happé dans un élan vers l'impossible. Sur la petite étiquette étaient écrits ces trois mots : la porte condamnée...
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Etoiles Notabénistes : ******

La Puerta Condanada
Traduction : Laure Bataillon pour Gallimard

ISBN Inconnu pour la nouvelle mais 9782070358649 pour l'édition "La Porte Condamnée et Autres Nouvelles Fantastiques" chez Gallimard/Folio

ATTENTION : RISQUES DE SPOILERS

Julio Cortázar, c'est un personnage. Né à Bruxelles, où son père occupait les fonctions d'ambassadeur d'Argentine, le 26 août 1914, il est de ces écrivains du Nouveau-Monde qui n'ont jamais renié ce qu'ils devaient à l'Ancien. Si vous voulez en savoir un petit peu plus sur cet auteur qui, trois ans avant sa mort et en guise de protestation contre la dictature argentine, se fit naturaliser français, voyez ici. Mais c'est très sommaire et l'homme, comme l'écrivain, méritent mieux que cette microbiographie.

Si ce fut un roman, "marelles", qui lui apporta la célébrité, Cortázar reste, sur le plan littéraire mondial, un maître de la nouvelle. Si son style se réfère en droite ligne aux grands écrivains européens et nord-américains comme Edgar Poe, pour ne citer que celui dont le nom revenait souvent dans ses préférences, sa technique, en tout cas dans la nouvelle fantastique, rappelle indéniablement Richard Matheson dont vous trouverez d'ailleurs sur cette rubrique la nouvelle sans doute la plus célèbre, "Born of Man and Woman", que les traducteurs français ont eu l'idiotie de rebaptiser "Journal d'Un Monstre.." :O (

En tous cas, au coeur de l'oeuvre de Cortázar, l'onirisme est roi, qu'il fasse son entrée en scène dès le début ou s'installe peu à peu dans le texte. C'est dire que nous sommes loin du gothique très réaliste et, de façon générale, du genre fantastique qui, sauf peut-être chez les Symbolistes à la Jean Lorrain, dominèrent le XIXème siècle. (Et cela explique en partie la prédilection de l'Argentin pour Poe à qui sa nature de poète alcoolique, qui ne dédaignait pas d'autres drogues de temps à autre, ouvrit très tôt cette "Porte de l'Enfer" que le grand Rodin imagina pour l'Enfer de Dante.)

Très souvent, Cortázar part d'un fait tout ce qu'il y a de plus banal pour nous développer une nouvelle souvent brève et qui, à la première lecture, risque de laisser beaucoup sur leur faim. Avec cet auteur atypique, il faut chercher, il faut plonger dans son rêve, l'y suivre et s'y abandonner. Il faut avant tout en imaginer la nature en ne perdant pas de vue que nos propres rêves ou, à tout le moins, des bribes personnelles peuvent s'y mêler. Il en est ainsi avec cette "Porte Condamnée" qui, au premier abord, ne débouche sur rien.

Plus exactement, elle peut déboucher sur ce que vous voulez - ou sur ce que vous rêvez, vous.

Au point de départ, un homme d'affaires qui descend à Buenos Aires, dans un hôtel correct mais qui n'est pas un palace. On apprendra par la suite que la tradition immobilière de la ville veut que beaucoup de vieille maisons familiales, devenues trop chères à entretenir, ont été transformées en hôtels. Et cet hôtel-là, le narrateur-héros ne s'en rend pas compte sur le champ, mais uniquement le second soir qu'il passe dans sa chambre, appartient à cette catégorie. Ce qui, d'ailleurs, ne le dérange en rien.

Ce même soir, il constate également que sa chambre est séparée d'une pièce voisine par une porte condamnée, dissimulée plus ou moins par une vieille armoire-à-glace. Rien de mystérieux ni dans le mur, ni dans la porte, qui dépasse encore le toit de l'armoire, ni dans le meuble lui-même. Rien de mystérieux dans la chambre d'ailleurs. Avant de se coucher, le narrateur s'observe un bref moment dans la glace, songe distraitement à cette porte, désormais condamnée et qui a peut-être conservé dans son bois vieilli la vie que les habitants du passé - un passé peut-être proche après tout, pourquoi pas ? - lui conféraient en l'ouvrant, la refermant, la claquant parfois, etc ... Et puis, il se couche. Et il s'endort. Pourtant, il n'est pas fatigué. Mais le silence de l'hôtel et celui d'une rue qui n'est guère passante la nuit encouragent à l'assoupissement.

Au milieu de la nuit, un sentiment bizarre, celui qu'il s'est passé dans son sommeil quelque chose de désagréable, le pousse à se réveiller. Il tend l'oreille et l'impression qu'il avait eue le matin précédent, lorsque, sortant du sommeil, il s'était vaguement rappelé avoir rêvé des pleurs d'un bébé, se confirme. Oui, dans la pièce voisine, très faible et pourtant bien audible, derrière l'armoire et la porte condamnée, il y a bel et bien un enfant, assez jeune, pense notre héros et probablement un garçon - pourquoi un garçon ? Rappelons que le père de l'écrivain abandonna sa famille et voulut s'opposer par la suite, lui qui se prénommait aussi Julio, à ce que son fils signât ses livres de son nom : la réponse est peut-être là, ou pas très loin - qui pleure. Malade sans doute ou victime d'un cauchemar.

Sur le moment, notre héros est assez satisfait de constater que, la nuit précédente, il n'avait pas rêvé. Puis, bien sûr, il s'agace un peu. D'autant qu'il entend la mère de l'enfant se déplacer tout doucement pour venir calmer l'enfant. Or, le gérant de l'hôtel lui avait assuré que l'occupante de la chambre voisine, qui vivait en cet hôtel depuis longtemps, était célibataire. le lendemain-matin d'ailleurs, après avoir été réveillé deux fois dans la nuit, le narrateur - j'ai oublié de vous préciser qu'il se nomme Petrone - ne se gêne pas pour faire la réflexion qui s'impose au gérant. Mais celui-ci s'étonne et jure ses grands dieux que la voisine de la chambre de Petrone n'a pas d'enfant.

La journée se passe en rendez-vous d'affaires et, évidemment, le troisième soir, à nouveau le réveil dans les ténèbres, les pleurs de l'enfant et la voix anxieuse, que Pétrone juge "théâtrale", de la mère cherchant à le consoler. Un moment, Petrone est tenté de faire constater la chose par le veilleur de nuit et puis, il abandonne cette idée qu'il juge finalement aussi inutile que peu flatteuse pour son amour propre, et se laisse aller à un sommeil périodiquement interrompu.

Le lendemain, c'est un gérant un peu étonné - cela faisait tout de même vraiment longtemps que la dame vivait à l'hôtel - qui lui annonce que, la nuit suivante, il n'aura plus de problème de sommeil. Et il montre du doigt la grosse malle et les deux grandes valises déposées dans le hall : la voisine de Petrone, cette célibataire sans enfant qui en a pourtant un - sinon comment expliquer ces pleurs puérils dans la nuit ? - s'en va à midi. Comme ça. Elle n'a donné aucun motif et s'est contentée de payer sa note ...

La quatrième nuit, et la dernière que l'homme d'affaires doit passer à l'hôtel, arrive donc. Dans la chambre voisine, plus personne. Petrone est certes plutôt satisfait mais sa satisfaction a un goût quelque peu amer. Il se sent un peu lâche de s'être plaint ainsi ... Après tout, il eût été plus simple, et beaucoup plus logique, que ce fût lui, et non cette cliente installée depuis longtemps dans la place, qui quittât l'hôtel ...

Maintenant, allez-y et dites ce que vous pensez qu'il se passa cette dernière nuit ... ;o)

Je le répète, plusieurs explications logiques aux faits sont à votre disposition, face à une seule qui relève vraiment du fantastique. Laquelle choisirez-vous ?

C'est tout l'art de Cortázar de mêler ainsi, à une réalité bien solide, qu'on ne peut contester, un fantastique tout aussi fortement campé sur ses pattes et prêt à résister à tous les assauts de la Raison. Ajoutons que la solution fantastique, tout aussi valable, celle qui ne fasse basculer ni Petrone, ni le lecteur, dans l'incohérence, voire la folie, est tout aussi vraisemblable que les solutions matérialistes.

A moins, bien sûr, que, dès le départ, Petrone ne soit fou ? ...

Lisez "La Porte Condamnée" et réfléchissez bien à toutes les hypothèses éventuelles. Cela vous introduira dans le monde étrange et labyrinthique de Julio Cortázar et de savoir si, réellement, vous vous sentez l'envie - et le courage - d'aborder le prochain tournant que vous apercevez au loin, dans la nouvelle qui suit. Ce tournant vous mènera-t-il à une autre porte condamnée ? Ou à ...

A quoi, ma foi ? ... ;o)
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Petit recueil de nouvelles soit-disant fantastiques de Cortazar dont le seul vrai mérite est de nous donner "La nuit face au ciel" qui est à mon sens un des chefs-d'oeuvre de la littérature fantastique mondiale. Une lente progression de l'angoisse à l'épouvante, une alternance très équilibrée (au début en tout cas) entre réel et rêve, un crescendo qui s'emballe et une chute parfaite. A relire pour déterminer à quel endroit on s'est fait piéger...
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Pas totalement convaincue par ce premier contact avec Cortazar, à dire vrai.

J'ai apprécié la première et la dernière nouvelle, moins la seconde et la troisième, donc je donne la moyenne.
Le style est très sympa, même si, sans doute, la traduction lui enlève pas mal de saveur.

Les poisons est une jolie métaphore au ton enfantin mais au sujet très mature sur la jalousie et ses ramifications. Vraiment un bon moment, à la fois dans le style (c'est un jeune garçon qui est le narrateur), adapté et la matière.

La seconde, La porte condamnée, m'a plus laissée perplexe, sans doute est-ce le but, mais ce n'est pas franchement ma tasse de thé. Ni début ni vraie fin, c'est une tranche de vie bizarre sans beaucoup de suspens, en fait.

Les ménades, si j'ai bien aimé le traitement au début, m'a vite gonflée, parce que; contrairement à ce que laisse justement présager ce début, finalement il ne s'y passe rien de bien fantastique ni spectaculaire. Déception...

La dernière, "la nuit face au ciel", c'est la meilleure, à mon sens. Un très bon mélange entre les brumes du rêve qui devient réel et de la réalité qui s'estompe, avec un véritable enjeu, et un bon suspens !

Bref, j'ai entr'ouvert la porte condamnée, et si ce n'était pas aussi bien que je l'espérais, au moins j'ai découvert un auteur sud-américain que je ne connaissais pas !
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
[...] ... Avant de se coucher, Petrone mit en ordre les papiers qu'il avait utilisés dans la journée et parcourut son journal sans grand intérêt. Le silence de l'hôtel était presque excessif et le bruit des rares tramways qui descendaient la rue Soriano ne l'interrompait que pour mieux le laisser retomber. Sans être inquiet, il se sentait un peu nerveux ; il jeta le journal à la corbeille et se déshabilla, tout en se regardant distraitement dans la glace de l'armoire. C'était une vieille armoire placée devant une porte qui communiquait avec la chambre voisine. Petrone fut surpris de découvrir cette porte qu'il n'avait pas remarquée le premier jour. Il avait cru au début qu'il était dans un immeuble conçu pour être un hôtel mais il s'apercevait à présent que, comme beaucoup d'hôtels modestes, celui-là avait été installé dans une vieille maison familiale. A y bien réfléchir, dans presque tous les hôtels qu'il avait fréquentés au cours de sa vie - et ils étaient nombreux -, les chambres avaient une porte condamnée, parfois de façon franche et visible mais le plus souvent dissimulée derrière une armoire, une table ou un portemanteau, ce qui leur donnait, comme à celle-là, une certaine ambiguïté, le désir honteux de se faire oublier, comme une femme qui croit se cacher en mettant ses mains sur son ventre ou sur ses seins. Quoi qu'il en soit, la porte était là, dépassant du haut de l'armoire. Autrefois, les gens avaient dû entrer et sortir par elle, la faisant claquer, l'entrebâillant, lui communiquant une vie qui était encore présente dans son bois, si différent du mur. Petrone se dit qu'il devait y avoir aussi une armoire de l'autre côté et que sa voisine devait penser la même chose de la porte.

Il n'était pas fatigué mais il s'endormit avec plaisir. Il devait dormir depuis trois ou quatre heures lorsqu'une sensation de malaise le réveilla, comme s'il venait de se passer quelque chose, quelque chose de gênant et irritant. Il alluma sa lampe, vit qu'il était deux heures et demie et éteignit. C'est alors qu'il entendit pleurer un enfant dans la chambre d'à-côté. ... [...]
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Le samedi à midi, oncle Carlos est arrivé avec la machine à tuer les fourmis. Il avait dit la veille qu'il nous l'apporterait le lendemain et ma sœur et moi attendions la machine en nous imaginant qu'elle était énorme, qu'elle était terrible. nous connaissions bien les fourmis de Banfield, les fourmis noires qui dévorent tout, qui font leur fourmilière sous-terre, dans les plinthes ou dans cette partie mystérieuse de la maison qui s'enfonce dans le sol, elles font là de petits trous, bien à l'abri des regards, mais elles ne peuvent pas cacher leurs noires processions qui transportent des brins de feuilles et comme ces feuilles sont celles des plantes du jardin, maman et oncle Carlos ont décidé d'acheter la machine et d'en finir avec les fourmis.
(incipit de Les poisons)
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[...] ... Il était plus de dix heures lorsqu'il passa devant la réception. Dans un demi-sommeil, vers huit heures, il avait entendu la voix du garçon d'étage et celle d'une femme. Quelqu'un avait marché dans la chambre d'à-côté, traînant des choses. Il vit une malle et deux grandes valises près de l'ascenseur. Petrone trouve au gérant l'air un peu dérouté.

- "Vous avez bien dormi, cette nuit ?" lui demanda-t-il sur un ton professionnel qui cachait mal l'indifférence.

Petrone haussa les épaules. Il ne voulait pas revenir là-dessus puisqu'il ne lui restait plus qu'une nuit à passer à l'hôtel.

- "De toute façon, vous serez plus tranquille à présent," dit le gérant en regardant les valises. "La dame nous quitte à midi."

Il attendait un commentaire. Petrone l'encouragea d'un coup d'œil.

- "Il y avait longtemps qu'elle était là et elle s'en va comme ça, tout d'un coup. On ne peut jamais savoir avec les femmes.

- Non, en effet," répondit Petrone.

Dans la rue, il se sentit pris de nausées, de nausées qui n'étaient pas physiques. Il avala un café sans sucre et se mit à ruminer cette histoire, oubliant ses affaires, indifférent au soleil splendide. C'était sa faute si cette femme quittait l'hôtel, folle de peur, de honte et de rage. Il y avait longtemps qu'elle était là ... C'était une malade peut-être, mais inoffensive. Ce n'était pas elle mais lui qui eût dû quitter l'hôtel. Il était de son devoir de lui parler, de s'excuser et de lui demander de rester en lui jurant une entière discrétion. Il revint vers l'hôtel et à mi-chemin s'arrêta. Il avait peur de faire un faux pas, peur que la femme n'ait une réaction imprévue. Et puis, il était déjà l'heure de son rendez-vous, il ne voulait pas faire attendre ses deux associés. Qu'elle aille se faire fiche. Ce n'était qu'une hystérique, elle trouverait bien un autre hôtel où soigner son fils imaginaire. ... [...]
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[...] Le seul ennui, dans ce rêve, c'est que je rêvais que j'étais éveillé et que je volais pour de vrai, je rêvais que j'avais déjà rêvé une chose pareille mais que cette fois c'était vrai, et quand je me réveillais c'était comme si je tombais du haut d'un mur, c'est si triste de marcher ou de courir en se sentant toujours tellement lourd, obligé de retomber à chaque pas.
(Dans "Les poisons")
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Entre deux clameurs de l'orchestre, j'entendis crier une troisième fois ; le cri venait, cette fois, d'une corbeille de droite. Et avec lui, par-dessus la musique, les premiers applaudissements, incapables de se retenir plus longtemps, comme si, dans ce halètement amoureux qui unissait le corps masculin de l'orchestre à l'énorme femelle de la salle tout entière livrée, cette dernière n'avait pas voulu attendre la jouissance virile et s'abandonnait à son plaisir avec des gémissements, des convulsions et des cris d'une insupportable volupté. Incapable de bouger de ma place, je sentais croître dans mon dos comme une avancée de forces, une progression parallèle à celle de la femme en rouge et de ses suivants qui atteignirent le bord de la scène au moment précis où le Maître, tel un matador qui enfonce son épée dans le taureau, plongeait sa baguette dans le dernier mur sonore et se laissait retomber en avant, épuisé, comme si la vibration de l'élan final lui avait porté un coup de corne.
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Vidéo de Julio Cortázar
Auteur de nombreux recueils de nouvelles qui ont fait de lui le maître de la littérature fantastique, Julio Cortázar a laissé une oeuvre où les convictions côtoient l'onirisme et l'humour, s'imposant ainsi parmi les plus grands écrivains de la littérature latino-américaine moderne.
Lire Cortázar, c'est plonger dans un univers littéraire à la fois captivant et déroutant, où la réalité se mêle à l'imaginaire avec une habileté saisissante.
Tous les livres de Cortázar publiés chez Gallimard : https://www.gallimard.fr/Contributeurs/Julio-Cortazar
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