Dieu existe.
C'est une certitude, des preuves irréfutables ont été trouvées par un homme de foi. Dès ce document lu, le lecteur en est aussitôt convaincu. Mais que faire ? le révéler à tout le monde ou le garder pour quelques élus. L'équilibre de la planète ne s'en trouvera-t-il pas menacé ?
Que l'on soit croyant ou pas, ce document fait l'effet d'une bombe. le premier ministre lui-même ne sait que faire, pareil pour Rome. Personne ne veut prendre le risque de perdre son petit pouvoir, son autorité sur son entourage.
Un livre qui se lit très vite mais qui pose la réflexion : comment serait notre société si Dieu en était le dirigeant ? Y aurait-il une quelconque opposition ? Quid des pouvoirs que certains s'arrogent ? Etcetéri … Etcétéra …
Tant que nous sommes dans l'expectative nous pouvons conserver notre libre arbitre.
Commenter  J’apprécie         200
La certitude, quel que soit son bord, engendre le fanatisme. Elle n'engendre pas que lui, mais elle l'engendre immanquablement. Voyez les Croisés, les Inquisiteurs, aussi bien que les révolutionnaires athées : tous ont haché menu, brûlé, guillotiné, sûrs de bien faire. Au fond, le doute est le seul contrepoids aux folies humaines. C'est la raison, le doute.
“ Qu’est-ce que ça change, au fond, d’avoir la preuve de l’existence de Dieu?”
Le Dangeolet prit un air excédé, et d’autorité la parole:
“ Père Waldenhag, est-ce bien le moment de plaisanter? Je vous en prie! L’heure est grave, et il n’est pas question de divulguer la preuve avant d’avoir fait le tour de tous les effets que cela pourrait avoir sur le monde. Car une chose est sûre, le monde en serait bouleversé. Et une autre beaucoup moins sûre: que nous ayons a y gagner tant que ça.
“ Il n’y a pas de temps à perdre. Je ne sais comment, certains à Paris sont au courant de l’existence de la preuve. Dieu merci, ce ne sont pas des journalistes, mais des membres du gouvernement, ou tout comme. Leur sens de l’État devrait les empêcher de parler à tort et à travers. Mais enfin, l’information est lâchée. Si nous voulons l’arrêter dans sa course, il nous faut faire très vite.
“J’ai eu tout à l’heure un entretien avec notre ministre de l’Intérieur. Mes compagnons de voyage ici présents en ont été témoins, le malheureux n’avait pas pu me voir avant notre départ, et il a fait des pieds et des mains pour m’immobiliser au sol à Roissy avant le décollage de l’avion. Il tenait mordicus à me parler.
“Le gouvernement est terriblement inquiet de savoir la preuve établie. Et plus encore de l’imaginer diffusée. Il a fait plancher ses experts pour avoir une idée de ce que pourraient devenir nos sociétés, informées de la chose. Les prévisions sont alarmantes. Le premier effet serait évidemment le chaos.
“Nos économies si complexes et fragiles vont se trouver sens dessus dessous. Les hommes, éblouis par Dieu, n’auront plus de raison de continuer à travailler pour faire tourner comme avant la machine. Le primat de l’économique s’effondrera Quatre-vingt-dix pour cent des entreprises humaines apparaîtront dérisoires. Le publicitaire, l’esthéticienne, tous les marchands de rêve et d’évasion fermeront boutique. A fortiori les marchands de canons. Le seul comportement tenable sera peu ou prou celui des Contemplatifs: oraison et frugalité. Je ne vois pas qu’aient encore la moindre importance la recherche en général et la théologie en particulier, mes bien chers. Une économie archaïque s’instaurera Du coup, ce sont les salles de change qui fermeront, les Bourses du monde entier, les chaires de finance internationale, les écoles de commerce. Frugalité et oraison.
“ Nous avons eu assez de mal à mettre un peu d’ordre sur terre, depuis vingt siècles. Et c’est l’ordre qui va être sapé à la base! L’ordre des priorités, le calendrier des urgences, le départ entre l’essentiel et l’accessoire... Les valeurs fondatrices des sociétés modèles en ce bas monde seront déboulonnées: la valeur travail, la valeur enrichissement, développement, la valeur organisation sociale. Finie, l’acceptation de l’autorité! Terminé, le respect des hiérarchies!
“ À plus long terme, un monde voué au bien n’a rien pour rassurer. Je conçois que le paradoxe vous choque. Mais croyez-vous vraiment qu’un monde d’orants soit vivable? Je reprends l’expression du ministre, elle-même empruntée aux experts de Matignon, ‘‘il faut imaginer la France comme un grand monastère”. La France, et l’Italie, et le Liechtenstein, et les autres. Ne parlons même pas des conséquences sur la démographie: elles pourraient régler le problème par l’extinction de l’espèce humaine. Non, posons que le monde se survit. Nous avons assez tonné contre l’esprit de lucre et l’exclusion sociale, on ne peut pas nous accuser d’avoir pactisé. Mais de là à jeter le bébé avec l’eau du bain... L’humanité ne s’est pas mal trouvée de l’électricité, des vaccins, du nucléaire, disons-le: de la bombe atomique. L’ivraie s’est toujours mêlée au bon grain, indissociablement, et au total on était à peu près à l’équilibre. Ça tournait. Pourquoi vouloir tout déséquilibrer?
“ Le bien, le bien pur: on sait où ça mène. On les a vues à l’œuvre, les communautés idéalistes, les Cathares, les Vaudois, les Anabaptistes à Münster. Tôt ou tard, le sectarisme l’emporte, avec le fanatisme, l’éloignement du réel et la tentation du suicide. Le refus de la vie et de son ambiguïté, de sa féconde ambiguïté, conduit, excusez la tautologie, à la préférence pour la mort.
“Croyez-moi, cette preuve est lourde de menaces. Un ange est passé: qui sait si ce n’est l’Exterminateur?”
- Vous allez lire ces pages ?
- Je vais essayer. Ne croyez pas que ça me sera facile. Je ne suis pas un saint, moi non plus. Je m'accommodais d'un certain flou. Et je redoute autant que vous de me perdre. Mais j'ai une raison intime de lire ce texte. Je veux savoir pourquoi, comment, et selon quelle économie supérieure le Dieu bon et omnipotent de l’Évangile laisse les peuples s'étriper, la terre se fendre au milieu des villes et les enfants mourir de faim. Je l'ai "expliqué" mille fois, au moyen de ces arguments hérités du thomisme et prodigieusement sophistiqués que vous connaissez comme moi, et avec tant de fermeté que j'ai du convaincre, parfois. Mais moi, le mystère du mal me reste en travers de la gorge.
Il n'y avait plus de succès : la mer, la neige ont-elles des succès ? Plus d'échec : un arbre connaît-il l'échec ? Plus de hiérarchie entre les hommes : la nuit est-elle supérieure au fleuve ?
Il voyait comment, en quelques semaines, la preuve de l'existence de Dieu peut ruiner l'équilibre laïc. Car l'équilibre tient à l'incertitude de l'existence de Dieu. L'absence de preuve de l'existence de Dieu oblige à respecter les incroyants ; mais l'absence de preuve de l'inexistence de Dieu à respecter les croyants
Laurence Cossé vous présente son ouvrage "Le secret de Sybil" aux éditions Gallimard. Rentrée littéraire janvier 2023.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2671562/laurence-cosse-le-secret-de-sybil
Note de musique : © mollat
Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
Visitez le site : http://www.mollat.com/
Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux :
Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/
Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts
Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat
Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/
Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat
Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/
Vimeo : https://vimeo.com/mollat
+ Lire la suite