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EAN : 9782844120366
177 pages
Joëlle Losfeld (22/02/2000)
4.29/5   73 notes
Résumé :
Ce roman a pour cadre une ville du Proche-Orient gouvernée par un tyran grotesque. Un petit groupe de contestataires a décidé de le combattre avec pour arme principale la dérision. Ils orchestrent donc, à son insu, une subtile campagne d'affichage qui provoque l'hilarité de la population. Cette fable, contée avec un humour souvent féroce, illustre un des thèmes privilégiés d'Albert Cossery : la force des hommes libres contre l'idiotie des nantis.

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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Albert Cossery, génial chroniqueur de cette « comédie pleine de fureurs dérisoires » qu'est la société humaine, offre avec ce roman un très savoureux moment de littérature.
Avec une plume d'une grande justesse, il nous plonge dans une société orientale pré-fondamentaliste et despotique, sans éléments folkloriques pouvant nuire au caractère universelle de cette fable.
Les personnages sont construits comme de fines caricatures; bien identifiables dans leurs aspirations, ils incarnent les facettes d'une résistance plus ou moins « active » face cet oppresseur informe, jusqu'à interroger la responsabilité de chacun dans cet état de fait.
La réponse par la dérision et l'ambivalence, de ce cynisme non encore totalement résigné, permet d'ouvrir les pensées vers une nécessaire complexité, le tout dans une grande légèreté.
Doutes parfumés… Dangereux conspirateurs ou facétieux cabotins ? Elévation féminine ou petite misogynie ? A vous d'y répondre, si vous le voulez…
L'originalité, ainsi que la qualité de lecture proposée, garantissent à cet Egyptien d'expression française une place de choix dans notre paysage littéraire. On l'imagine ricanant intérieurement de ses histoires où rien n'est véritablement établi…
Indispensable.
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La violence et la dérision est un récit incisif et drôle. Il a été publié en 1964 et n'a rien perdu de sa force subversive, grâce à une langue française magnifique qui mêle narration très classique et dialogues savoureux recréant le parler cairote. Mais ce récit n'est en aucun cas réaliste. Il s'agit davantage d'un conte philosophique.
Dans une ville indéfinie aux accents orientaux, un gouverneur grotesque veut nettoyer les rues des mendiants qu'aucun conquérant n'a réussi jusqu'alors à exterminer. Comment s'opposer à cette infamie ?
En ouverture du livre, nous assistons à une bonne farce aux dépens d'un gendarme venu déloger avec brutalité un mendiant. Karim l'auteur de la bouffonnerie vit sur la terrasse stratégique d'un immeuble et travaille dans l'aéronautique. Il confectionne des cerfs-volants pour les enfants. Il néglige Amar la jeune prostituée qui semble l'aimer sincèrement. Karim a d'autres préoccupations excitantes en tête. Ancien révolutionnaire repenti, il doit rejoindre son mentor Heykal maître ès dérision qui par la seule force du mépris railleur se fait fort de destituer le dictateur. Karim a un plan secret qui demande des compétences particulières que lui fourniront des amis hauts en couleurs. Celle de l'illettré richissime Khaled Omar qui a découvert en prison le secret du négoce juteux. Et puis celle du lettré Urfy qui alphabétise les petits au sous-sol de sa maison grâce à une pédagogie tout à fait singulière. Urfy est accablé par une mère folle dont il a la charge. Cette dernière tourmente son fils et fascine Heykal à tel point qu'il lui offre des fleurs. Heykal est un dandy aussi cynique que séducteur. Il reçoit également l'aide de Soad une jeune rebelle espiègle, fille gâtée d'un ami du gouverneur qui le renseignera. Leur principal ennemi n'est pas le gendarme mais un ancien camarade de Karim, poseur de bombes fanatique...
Je suis contente. J'ai encore quelques Cossery à découvrir !
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Un merveilleux petit roman du grand Albert Cossery, écrivain d'origine égyptienne et d'expression française. Ce petit livre qui date de 1964, retrouva récemment une nouvelle jeunesse fort légitime en circulant de manière plus ou moins clandestine parmi la jeunesse révoltée de Tunisie, d'Égypte et de quelques autres pays fatigués de leurs tyrans ubuesques. Si bien qu'il n'est pas exagéré d'estimer qu'il participa vaillamment à précipiter leur chute. Ses armes, l'humour et la dérision employés "stratégiquement". Ceci n'empêchera nullement d'apprécier la légèreté et la verve du style de Cossery, écrivain parfaitement atypique au regard de l'intellectualisme parisien; Paris où il vécut pourtant plus de 60 ans dans une chambre d'un petit hôtel de Saint-Germain, loin des médias et de toute ostentation.
Si vous ne connaissez pas encore Cossery, partez vite à la découverte de son oeuvre: il n'est pas du tout impossible qu'elle vous aide à affronter la vie avec un peu plus de bonheur et d'intelligence.
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Une ville du Moyen-Orient. Un gouverneur, moitié bouffon, moitié dictateur. Et des opposants. Certains sont organisés dans la rébellion armée. Taher est un concepteur de bombes qui sort de prison. Karim quant à lui est un jouisseur qui aime séduire et s'amuser. Des liens d'amitié les lient, du moins tant qu'ils ne parlent pas politique.

Karim se met en relation avec Heykal, Urfy et Omar, qui partagent son amusement face au gouverneur. Il faut savoir rire de ce tyran pitre, se moquer de lui, le faire mousser, le faire gonfler comme la grenouille de la fable et ainsi arriver à s'en débarrasser. Leur idée... vanter les mérites du gouverneur, à tel point que cela confine à l'excès. Il faut faire croire que le gouverneur ou ses partisans sont à la manoeuvre de cet excès de battage. A tel point que le gouverneur ne peut manquer d'être plus ridicule encore. En alliant amusement, libre pensée et pacifisme, Karim et ses amis en sont sûrs, ils arriveront à se débarrasser de l'importun.

Mais qui lui succédera? Vient l'instant du doute chez les rebelles quand ils sont prêts de la réussite... Et si le successeur se révélait plus cruel, ou moins bouffon? L'auteur pose ainsi les bases d'une résistance non armée, à l'instar du faux Soir, ce journal belge que les Allemands avaient volé lors de la Seconde Guerre mondiale, qui reste un exemple incontournable de résistance pacifique mais néanmoins efficace.

Avec un style impeccable, une langue française précise, de l'ironie et une belle sensualité, Albert Cossery nous envoûte, nous charme. Il apporte à Beckett ou Kafka la dose de sensualité, de désir, de soleil méditerranéen qui fait passer toutes les dictatures et les absurdités qu'elles engendrent.
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Une ville non identifiée, mais qui ressemble à une ville égyptienne. le nouveau gouverneur fait du zèle, fait pourchasse les prostituées, interdit les mendiants. Un groupe se dresse contre ses agissements. Mais ses armes sont ceux de la dérision. Des mannequins imitant des mendiants, des lettres aux journées chantants la gloire du gouverneur d'une façon tellement outrée, qu'il est ridiculisé, des affiches à sa gloire tellement exagérés que les passants sont pliés de rire, et enfin le lancement d'une souscription pour une statue du tyran.
Derrière ce complot de la moquerie se cachent quelques jeunes gens, qui ont choisi de refuser de prendre la vie au sérieux. Mais les révolutionnaires professionnels veillent, outragés par cette façon de faire la guerre, et bien décidés à provoquer des actions sanglantes.
Albert Cossery creuse la veine de la dérision et du rire comme arme suprême. Ses héros choisissent les plaisirs simples de la vie et la moquerie des puissants. Ceux qui veulent occuper le pouvoir en se prenant au sérieux, sont renvoyés dos à dos, les révolutionnaires idéalistes arrivés au pouvoir seront aussi féroces pour la population que les tyrans d'aujourd'hui. Alors la seule arme des faibles est l'amour de la vie, la capacité à apprécier les petites choses de la vie et surtout à se délecter du ridicule sous toutes ses formes.
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Citations et extraits (40) Voir plus Ajouter une citation
Il n’avait pas d’argent ni rien de précieux qui pût exprimer les sentiments de gratitude qu’il ressentait pour elle. Alors l’idée de fabriquer un cerf-volant à son intention, un cerf-volant qui ne fût pas à vendre, mais une œuvre d’art désintéressée, l’avait fait bondir du lit et se mettre au travail. Il avait choisi ses matériaux avec soin, comme s’il s’agissait de construire un palais pour la femme de ses rêves.
Maintenant il attendait que le cerf-volant fût parvenu à son apogée, bien fixe dans le ciel, pour appeler la jeune fille afin qu’elle vienne le contempler.
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Aucune violence ne viendra à bout de ce monde bouffon, répondit Heykal. C'est justement ce que recherchent les tyrans: que tu les prennes au sérieux. Répondre à la violence par la violence, c'est leur montrer que tu les prends au sérieux. C'est croire en leur justice et en leur autorité, et ainsi tu contribues à leur prestige; tandis que moi je contribue à leur perte.
(...) En suivant les tyrans sur leur propre terrain; en devenant encore plus bouffon qu'eux. Jusqu'où iront-ils ? Et bien, j'irai toujours plus loin qu'eux. Je les obligerai à se dépasser dans la bouffonnerie. Pour ma plus grande joie.
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On croyait encore dans le quartier que la perte prématurée des cheveux était l’apanage de la sagesse et du savoir, et Urfy entretenait cette illusion en portant souvent la main à son crâne lorsqu’il était en présence de parents sceptiques qui avaient l’audace de le traiter comme un jeune éphèbe sans avenir. Mais là ne s’arrêtaient pas les marques extérieures de son génie intellectuel. Urfy était aussi très myope. Il portait des lunettes à monture d’acier munies de verres d’une grosseur respectable à travers lesquelles son regard laissait filtrer une sévérité de bon aloi. Un maître d’école chauve et affligé de myopie, c’était plus qu’il n’en fallait pour forcer la confiance d’une population illettrée, imbue de cet axiome suivant lequel un aveugle ne peut faire du mal.
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-Tu m'aimes ?
Dans sa bouche de gamine, cette question banale prenait une signification poignante. Heykal en fut assombri; il refusait de se laisser engloutir dans ce marécage affligeant de l'amour. Ce qu'il ressentait pour elle n'avait rien en commun avec cette passion farouche qu'elle semblait exiger de lui. Elle confondait un médiocre élan sentimental, fait de platitudes et de routine, avec l'incomparable complicité qui les liait. Mais comment lui expliquer la différence ?
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Urfy avait besoin d’aimer sans arrière-pensée, sans détours, sans chicanes, et surtout pouvoir pardonner. Mais comment pardonner à un adulte ? Trop d’égoïsmes, de bêtises, de brutalités, d’ambitions déçues et aigries le séparaient de ses contemporains. L’ambition ! Ils étaient tous tenaillés par l’ambition. Arriver ! Arriver à quoi ? Et quand ils étaient enfin arrivés – au faîte de la gloire ou de l’argent – cela faisait d’eux d’épaisses brutes sanglantes, des monstres répugnants d’arrogance, incapables de ressentir la moindre parcelle d’un sentiment humain.
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Vidéo de Albert Cossery
L'écrivain égyptien Albert Cossery a accepté de rencontrer le journaliste Pierre-Pascal Rossi à Saint-Germain-des-Prés, où il vit dans une modeste chambre d'hôtel, et de retourner au Caire, sa ville natale, pour un reportage exceptionnel diffusé dans Hôtel, le 30 mai 1991 sur la TSR.
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