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EAN : 9782844120700
144 pages
Joëlle Losfeld (11/10/2000)
3.94/5   73 notes
Résumé :
Un voleur doué et intelligent dérobe le portefeuille d'un promoteur, véritable escroc, qui serait directement responsable de l'effondrement d'un immeuble où une dizaine de gens a péri. Pour faire passer l'envie aux crapules en tous genres d'agir en toute impunité à l'avenir, une association, 'les voleurs philosophes', met au point un plan... Ce dernier roman du 'mendiant philosophe' a pour lieu Le Caire où se trament de nombreux épisodes, où l'on prône la haine des ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Apres Mendiants et orgueilleux j'ai eu envie de relire un autre Cossery. Encore une pepite, relativement courte cette fois.

Albert Cossery, le plus francais des egyptiens, le citoyen de St Germain des pres, l'homme qui n'a jamais voulu posseder quoi que ce soit, nous offre un texte hilarant, et se sert de l'humour pour faire passer sa critique de la societe.

Ca se passe au Caire, ville ou la chaleur n'a de concurrent que la poussiere. Cossery peint le paysage: "La vetuste de ces habitations evoquait l'image de futurs tombeaux et donnait l'impression, dans ce pays hautement touristique, que toutes ces ruines en suspens avaient acquis par tradition valeur d'antiquites et demeuraient par consequent intouchables". Il evoque la population qui y deambule: " Ouvriers en chomage, artisans sans clientele, intellectuels desabuses sur la gloire, fonctionnaires administratifs chasses de leurs bureaux par manque de chaises, diplomes d'université ployant sous le poids de leur science sterile, enfin les eternels ricaneurs, philosophes amoureux de l'ombre et de leur quietude".
C'est une histoire de resistance. Resistance et debrouillardise du petit peuple, ici incarne par un voleur a la tire, face au "systeme". Cossery nous le presente: "Ossama etait un voleur; non pas un voleur legaliste tel que ministre, banquier, affairiste, speculateur ou promoteur immobilier; c'etait un modeste voleur aux revenus aleatoires, mais dont les activites – sans doute parce que d'un rendement limite – etaient considerees de tous temps et sous toutes les latitudes comme une offense a la regle morale des nantis".

Ossama est un hedoniste. Son pays peut tourner au desastre, mais lui, bien habille pour ne pas se faire arreter a chaque coin de rue sur sa mise, est convaincu que "rien sur terre ne peut etre tragique pour un homme intelligent". Il rode dans les beaux quartiers, humant ses proies. Par un heureux hasard, il s'empare du portefeuille d'un gros bonnet. Qui ne contient pas que de l'argent, mais comme son nom l'indique, une feuille aussi, une lettre qui compromet le gros bonnet (un promoteur vereux) et des membres du gouvernement.

Comment Ossama va tirer parti de la lettre comprommettante? Pour le savoir il faut lire le livre. J'ai promis aux manes de Cossery de ne rien devoiler. Un indice quand meme: c'est hilarant. Bon, ce n'est pas vraiment un indice, tout le livre est hilarant.

Et je ne peux m'empecher de penser que Cossery s'est mire dans la glace de son hotel pour decrire Ossama: un homme qui ne possede rien, mais toujours tire a quatre epingles.
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Coup de coeur pour ce court roman plein de malice. Ossama, jeune voleur malin et décontracté, sapé comme un prince, dépouille les riches de leur argent, faisant ainsi circuler la monnaie. Voilà que dans un portefeuille il trouve une lettre qui fait le lien entre un ministre et un promoteur immobilier véreux. Que va-t-il en faire ? L'intrigue de ce court roman est simple et efficace. L'auteur a réussi à écrire une histoire très contemporaine en lui donnant des airs de conte traditionnel oriental : Ossama va en effet rencontrer son maître qui l'oriente vers une sorte de « vieux sage » qui n'est autre qu'un journaliste d'opposition qui n'a plus un sou et vit dans son caveau familial au cimetière. La ville du Caire, grouillante d'un petit peuple miséreux mais débrouillard, est remarquablement dépeinte, les personnages sont malicieux, ironiques et inventifs, tous, même quand ils sont secondaires (une prostituée, une femme de ménage, le père aveugle du héros, une étudiante), remarquablement croqués. Ce texte plein d'ironie et d'humour est une jolie mise en lumière de l'état de corruption et de cynisme des dirigeants et des puissants, et le lecteur rit avec Ossama et Karamallah du tour joué au promoteur après lui avoir fait dévoiler toutes les couleurs de son infamie. le promoteur m'a fait penser à cet autre promoteur, turc, qui avait construit à Antakya une résidence de luxe et aux normes antisismiques, quasiment sans fondations ! La plume d'Albert Cossery est élégante, voire raffinée et le résultat est un régal, une délicieuse petite pâtisserie orientale à déguster.
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Sit and see...

J'ai terminé l'année avec les couleurs de l'infamie.
Je ne dois pas être le seul. Enfin, me concernant, c'est – surtout - du livre d'Albert Cossery (1913-2008) que je parle. Cela faisait un petit moment que je voulais me plonger dans l'oeuvre du “Voltaire du Nil” et j'ai compris – mais pas immédiatement – pourquoi on surnommait ainsi cet écrivain égyptien francophone.
Mon premier “Cossery” aura donc été son dernier jet littéraire, paru en 1999. Il est peut-être maladroit, voire incohérent, d'entrer dans une oeuvre par sa fin, si l'on en veut saisir le cheminement intellectuel. Mais c'est que je n'ai pas de plan de travail, mes bons amis ! Et d'ailleurs, lire n'a jamais été un travail pour moi. Ce que je lis, je le trouve par le fait du hasard, une curiosité inopinée ou une opportunité, et si je décide de chroniquer, c'est un peu au débotté. Et après tout ce livre, s'il ne résume pas une vie entière, il la ponctue. Ce qui est autrement plus édifiant.
Livre ponctuant donc. Court et vite lu. Livre bien peu révolutionnaire, en fait. C'est la certitude qui m'a accompagné jusqu'à la moitié du roman. Jusqu'à cette drôle de visite (ou cette visite drôle) dans un cimetière - tiens ?
Le personnage principal s'appelle Ossama, qui s'extrait à la troisième page de la « multitude humaine » du Caire et qui, en réalité la « contemple » passivement d'une hauteur de la ville. Personnage en-dehors ou en-dedans ? La question n'est pas sotte. En tout cas, la sienne de question à Ossama, celle qui perturbe sa caboche de Robin des Bois désinvolte et roublard habillé « avec élégance à la manière des détrousseurs patentés du peuple », paraît plus prosaïque et ne se révélera pas moins existentielle : que faire d'une lettre compromettante qu'on a dérobée à un individu qui incarne à lui tout seul tout un système pourri ?
Ben, c'est pareil pour moi : je me demande assez vite ce que je vais faire d'un tel roman qui me laisse une impression si mitigée après quelques dizaines de pages : une écriture un chouïa trop explicative sans interstice pour l'imagination du lecteur, une enfilade verbeuse avec des mots-piliers le long desquels on n'a plus qu'à se promener et concevoir que tout cela est fort joliment dit, une écriture sans réelle densité où se sent l'application d'un écrivain soucieux de ne pas faire de répétition. Un registre soutenu, académique même, qui fait honneur à la langue française mais ne retranscrit pas la vie anarchique et illettrée des ruelles cairotes. Un décorum de pays pauvre a été installé avec ces gravats de carton-pâte. On aurait aimé – si l'on peut dire - des cassures de rythme dans le récit, des libertés de style, avec ce qu'il faut de relents de merde et de gasoil, bref du foutoir, du bazar, encore du bazar ! Une réalité plus dérangeante, quoi – car la réalité est dérangeante. Cossery croit-il dénoncer la misère, le veut-il même ? le doute est là, il semble la polir, la justifie même puisqu'elle s'accompagne de bonne humeur.
À moins que Cossery n'échappe ainsi à « l'image ordinairement pittoresque et sombre de la misère ». Oui, Peut-être.
Sapé comme un prince des temps modernes, Ossama marche dans la ville, cette ville presque désincarnée en dépit – ou à cause - des efforts de description ci-dessus évoqués, désincarnée et par là-même sans âme, alors que l'auteur ne cache pas son empathie pour ces petites gens. Ossama donc marche, s'assied, et discute. le palabre ne s'arrête jamais vraiment, il relie une série de figures parfois prévisibles : Safira, la jeune prostituée enamourée ; le vieux Moaz, au visage évidemment pétri de sagesse ; Nimr, le pickpocket pédagogue pour gamins miséreux…
Le roman bavard s'emplit de personnages qui ne sont pas loin de l'être aussi, bien que chaque mot soit pesé. le francophone Cossery utilise cette langue d'emprunt et de choix avec une minutie d'orfèvre. C'est sûrement moi, le barbare intolérant.
Tout n'est qu'illusion. Chaque personnage se fabrique un monde, ou se le réinvente, ignorant - par mépris ou par erreur – la brute réalité. Chacun – et peut-être l'auteur lui-même - est un être assis et satisfait, y compris dans son dégoût des choses, sa répugnance du système en place (brutalités policières, corruption politique…) ; assis en spectateur qui se demande comment – et surtout pourquoi – être acteur, et ne devient acteur que par l'écoulement de son texte à réciter. Comme Ossama s'adressant à Nimr : « L'école ne m'a appris qu'à lire et à écrire. Cette mince instruction fut pour moi le chemin le plus sûr pour mourir de faim dans l'honnêteté et l'ignorance. C'est toi qui le premier m'as ouvert les yeux sur la pourriture universelle. Avoir compris que le seul moteur de l'humanité était le vol et l'escroquerie, c'est ça la vraie intelligence. Pourtant tu n'es pas allé à l'école. » Pourtant le style de Cossery est scolairement irréprochable, infiniment respectable. La non-instruction est vantée par la plume de l'instruit qui use de l'outil linguistique avec l'aisance de celui qui sait. Cossery le dandy ne serait-il pas Ossama, le filou tiré à quatre épingles, filant au milieu de la cohue puante, la regardant in fine quelque peu de haut, d'où cette écriture soignée, presque manucurée, qui transmute le sordide en descriptions élégantes, laissant ainsi la révolution physique à ceux qui échoueront inévitablement. Tel Moaz, ancien ouvrier rendu aveugle par le coup de matraque d'un flic, suspendu aux échos de la rue qu'il traduit à son tour, à sa manière, en espérances d'un monde qu'il croit changé par son sacrifice.
Jusqu'à ce que les murs s'écroulent, définitivement, ramenant tout à la poussière.
Tout cela manque de furie, de colère - trop occidental comme concept ? -, même si bien sûr cette écriture tenue et infiniment maîtrisée sert aussi – probablement – à révéler la dignité du peuple des pauvres, de ce peuple qui cherche à surnager dans le chaos social. Manque de rage, certes, mais à quoi bon s'enrager ? Mieux vaut sourire.
La discussion va se poursuivre dans la Cité des Morts. C'est là que nous attend Karamallah, le philosophe de la dérision, l'homme du refus des conventions et des idéologies, l'homme de la marge, des marges, jusqu'à accepter de vivre au milieu des tombes.
Justement, c'est à ce moment-là que je me suis assis, moi aussi, avec les protagonistes. C'est qu'il semble intéressant, cet homme-là : « le seul temps précieux, ma chère Nahed, est celui que l'homme consacre à la réflexion. C'est une des vérités indécentes qu'abominent les marchands d'esclaves » dit-il à l'étudiante venue l'interroger. Kamallah apparaît comme un chantre de l'irrévérence, partisan de la « guerre joyeuse » contre les impostures et le matérialisme, et je comprends qu'il est là, l'auteur ; c'est lui Cossery, l'observateur amusé, compatissant dans l'ironie. Pas étonnant qu'il s'entende avec Ossama qui a compris lui aussi qu'il fallait jouer avec les codes de ses ennemis. Jouer, oui.
Me revient une des tirades d'Ossama, prononcée à un moment de la longue discussion où elle ne m'enthousiasmait guère, ce gredin lucide Ossama jouait alors son rôle d'entourloupeur bien sapé : « Moi je ne suis qu'un voleur. On ne torture pas ceux qui vous font vivre. le salaire des policiers dépend des gens de mon espèce. Je n'ai jamais envisagé de renverser le pouvoir établi et je suis content de tous les gouvernements. Aucun régime politique ne m'empêchera de voler. Je suis sûr d'exercer toujours mon métier. Et cette assurance n'existe dans aucune autre catégorie de travailleurs. As-tu jamais vu un voleur au chômage ? »
Cette tirade m'apparait maintenant comme une profession de foi, celle de l'écrivain dandy, écoeuré par les accommodements du monde, de tout le monde, et qui a choisi de se décaler pour trouver le bon poste d'observation, de se mettre en marge de l'effervescence humaine – une terrasse de café est une marge bien suffisante - pour l'à la fois vomir et moquer, faire ainsi de son inutilité sociale une utilité quasi ontologique.
Nous voici dans un autre café des quartiers populaires d'al Qahira. Atef Suleyman, pourriture absolue, s'assoit avec nous, et l'on croit encore mieux comprendre l'esprit cosseryen, teinté d'humour malicieux. Deux récits se croisent sans croiser le fer, donc sans manichéisme caricatural : il y a celui de Suleyman, un énorme mensonge qui nourrit l'ignorance, la propagande, la soumission… La justification, par le biais des pyramides antiques, de l' “obsolescence programmée” des immeubles qu'il fait construire est un modèle d'abjection absurde ; et il y a cet autre, sûrement ambigu, celui du parti-pris de rire devant la vanité des pouvoirs et l'amoralité du monde.
Pas sûr que le roman soit au final très optimiste. Ou plutôt si, il l'est, puisqu'il n'y a pas grand-chose à faire pour améliorer tout ce cloaque. La crapule est ridiculisée mais perd peu, puisque d'honneur elle n'a jamais eu, et que l'honneur de toute façon n'a guère d'importance : « Sache que l'honneur est une notion abstraite, inventée comme toujours par la caste des dominateurs pour que le plus pauvre des pauvres puisse s'enorgueillir d'un avoir fantomatique qui ne coûte rien à personne », dixit Karamallah.
L'ultime ouvrage d'Albert Cossery serait donc comme une fable désabusée mais rieuse. Un conte philosophique plus honnête que ceux du roué François-Marie Arouet.
C'est évident, Cossery m'interpelle, et je sais que je vais continuer d'errer dans ces autres livres. M'asseoir et voir le monde avec la distance qu'il faut.
Et qu'on me pardonne l'anglais fashionable du titre de cette inutile bafouille - Karamallah doit en sourire. Il faut bien jouer avec les codes de ce bas monde.
Allez, bonne année à chacun/e
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Le Caire, la cité d'al Qahira et sa "multitude humaine" et Ossama, jeune voleur doté d'un sens du monde assez fascinant, puis Safira, jeune fille perdue et qui ne fera qu'une brève apparition. Puis Atef Suleyman, promoteur véreux, et plat principal de l'ouvrage, qui va perdre, une missive très compromettante, de la part de son frère, à l'aura pourtant honnête s'il en est dans ce monde infâme ! Puis le vieux Moaz, son père, qui refuse de quitter ce taudis où il semble couler des jours heureux malgré sa cécité, auprès de Zakiya, jeune femme de ménage imposante mais rapidement effacée elle aussi. On rencontre ensuite Nimr, maitre des voleurs, maitre et sauveur d'Ossama à une époque. Nimr qui nous conduira au révolutionnaire tranquille vivant à la cité des morts, dans un mausolée, seul bien qui n'a pu lui être enlevé : Karamallah.
C'est lui qui va nous conduire à la découverte progressive et oh combien délectable de l'infamie, sous toutes ses formes et ses couleurs dans cette Egypte corrompue.

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Les premiers mots du texte nous font entrer de suite dans la prose très travaillée de cet auteur ...
Je vous laisse seul juge !!

" La multitude humaine qui déambulait au rythme nonchalant d'une flânerie estivale sur les trottoirs défoncés de la cité millénaire d'al Qahira, semblait s'accommoder avec sérénité, et même un certain cynisme, de la dégradation incessante et irréversible de l'environnement. On eût dit que tous ces promeneurs stoïques sous l'avalanche incandescente d'un soleil en fusion entretenaient dans leur errance infatigable une bienveillante complicité avec l'ennemi invisible qui sapait les fondements et les structures d'une capitale jadis resplendissante."

Bon, d'accord, lu, cela semble un peu aride ! Mais il faut aller plus loin que cela et se régaler de cette écriture si riche, tant pour la construction des phrases que pour la richesse d'un vocabulaire trop peu utilisé et tellement beau !

En plus de l'aspect engagé très intéressant que cette lecture présente, cela permet de lire enfin quelque chose de super bien écrit, et ça fait plaisir !

Pour le côté engagé (et la prose cynique à souhait de Cossery, dénonçant l'infamie du monde) :
"L'effondrement prématuré de sa dernière production s'était révélé d'un modernisme particulièrement faste, car parmi les gravats et la poussière gisait les cadavres d'une cinquantaine d'humains arrivés au bout de leur médiocre existence sans le moindre préavis. Bien que peu enclin aux superstitions, Suleyman n'oubliait jamais, en élaborant ses devis défiant toute concurrence, l'intrusion de la fatalité. Cette catastrophe désastreuse pour sa réputation l'avait intrigué par sa soudaineté. de quel genre était donc cette fatalité qui se comportait avec une telle précipitation sans se soucier des ravages occasionnés par son intempestive maladresse ? Ne pouvait-elle attendre une durée convenable avant de s'attaquer perfidement à un immeuble aux peintures encore fraiches, inauguré par un ministre il y a à peine trois mois ?"

Pour toucher de près à cette infamie annoncée dans le titre :
"Il était suffoqué d'admiration pour le cynisme inventif de l'homme à l'immeuble foudroyé. Cette trouvaille d'un séisme sélectif prenant son immeuble pour cible méritait d'être noté comme un progrès décisif dans la longue histoire de l'abjection humaine ... ce festin de l'esprit"
"Sa jeunesse enflammée l'incitait à ne plus retarder ce moment et il se demandait si Karamallah avait assez appris de ce dignitaire d'un ordre scélérat, ou bien s'il voulait se repaitre de toutes les couleurs de l'infamie"

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J'ai lu avec beaucoup de plaisir ce roman, accru par le hasard de la découverte, après lecture du résumé : « Un voleur habile, intelligent, élégant et ironique (tout un programme pensais-je) – de ceux qu'affectionne particulièrement Albert Cossery – trouve dans le portefeuille d'une crapule de promoteur une lettre qui prouve sa responsabilité dans l'effondrement d'un immeuble qui provoqua la mort de dizaines de pauvres gens. Aussitôt une association de voleurs philosophes (intéressant me disais-je) met au point une stratégie pour faire passer l'envie aux escrocs officiels d'abuser de leur pouvoir » et sans que je puisse définir pourquoi, je n'ai pas résisté et ai-je cédé à la tentation livresque. Bien m'en a pris !

Je ne connaissais rien d'Albert Cossery avant de lire ce roman, Les Couleurs de l'infamie. Cet homme né au Caire en 1913 écrit en français et vit en France. Il pratique avec un talent fou l'humour, tendance fortement ironique, dans la droite lignée de Voltaire.

L'intrigue est simple mais ô combien efficace : au Caire, un jeune voleur, Ossama, dépouille sans état d'âme les riches, comme le lui a appris son professeur en la matière Nimr. L'élève a depuis longtemps dépassé son maître lorsqu'un jour, il trouve dans un portefeuille subtilisé une lettre susceptible de révéler un scandale d'Etat : le frère d'un ministre refuse de poursuivre sa collaboration avec Suleyman, un entrepreneur immobilier dont le dernier immeuble, défectueux par économie, vient de s'effondrer, provoquant la mort de cinquante personnes. Ne sachant comment procéder, Ossama demande conseil à Nimr qui l'oriente vers Karamallah, « écrivain et journaliste réputé ». Ce dernier, réfugié dans le mausolée de ses parents, pour fuir ses créanciers et ses persécuteurs, est un personnage somptueux, revenu de tout. Un sage parmi les fous de ce monde.

Les Couleurs de l'infamie est un texte court mais brillant, par l'esprit, par la verve de l'auteur, par l'ironie douce amère qui se dégage des pages.

Un livre court certes mais qui m'a donné envie d'approfondir l'oeuvre d'Albert Cossery.

Lien : http://blogs.lexpress.fr/les..
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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
- J’aimerais rencontrer ce Suleyman, dit-il (Karamallah parle). Il me semble même qu’une conversation avec cet homme serait d’un intérêt plus que réjouissant. Une vraie fête de l’esprit.

- Que veux-tu dire ? s’inquiéta Nimr.

- Un homme capable d’anéantir une cinquantaine de personnes en fraudant sur les matériaux de construction, rien que pour accumuler plus d’argent, ne te paraît-il pas quelqu’un de fréquentable ?

- Maître, tue-moi, mais par Allah ! explique-toi.

- Ecoute, cet homme représente toute l’infamie universelle. Jusqu’à présent je ne connaissais de lui que son portrait dans les journaux. Avec cette lettre providentielle, j’ai peut-être l’occasion de le voir de près. On apprend toujours quelque chose en côtoyant l’infamie
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Il était vrai que les voleurs faisaient circuler l’argent, lequel sans leur industrie resterait toujours dans les mêmes poches. Une situation déplorable dont souffrirait gravement le commerce d’un pays. En déplaçant l’argent d’une poche à l’autre, le vol permettait par ce transfert unilatéral de ranimer un marché en plein marasme.
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— Je l’ai connu en prison. Ça peut te sembler incroyable, mais il y a beaucoup d’hommes cultivés qui croupissent en prison pour délit d’opinion. Ce sont des révolutionnaires qui veulent changer la société.
— Je me méfie de la plupart de ces révolutionnaires. Ils finissent toujours en politiciens assagis défendant cette même société qu’ils vilipendaient dans le passé.
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Si tu construis des immeubles qui doivent durer éternellement, il arrivera un moment où il n’y aura plus de terrains libres pour en construire d’autres. Regarde les pyramides. Il ne viendrait à personne dans ce pays l’idée de construire une pyramide. La place est prise depuis quatre mille ans.
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Personne n'ignore que les pauvres sont capables de tout. Depuis des temps immémoriaux, c'était là le seul principe philosophique admis et cautionné par les classes possédantes. Pour Ossama ce principe outrageant procédait d'une imposture car, si les pauvres étaient capables de tout, ils seraient riches à l'instar de leurs calomniateurs. D'où il découlait que, si les pauvres persistaient dans leur état, c'était tout simplement qu'ils ne savaient pas voler.
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Vidéo de Albert Cossery
L'écrivain égyptien Albert Cossery a accepté de rencontrer le journaliste Pierre-Pascal Rossi à Saint-Germain-des-Prés, où il vit dans une modeste chambre d'hôtel, et de retourner au Caire, sa ville natale, pour un reportage exceptionnel diffusé dans Hôtel, le 30 mai 1991 sur la TSR.
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