AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de vibrelivre


Autorisation de pratiquer la course à pied
et autres échappées
Franck Courtès, JC Lattès


C'est le titre qui m'avait arrêtée, et finalement ce sont les autres échappées qui m'ont retenue.
Autorisation de pratiquer la course à pied est un recueil de 19 nouvelles, et le premier livre, de Franck Courtès, photographe de son état. le personnage du photographe est récurrent dans ce recueil, ainsi qu'un personnage nommé Romain, qu'on voit deux fois en couple, ou trois en face de Bastien, en ami bourgeois, en amant dont la maîtresse est lasse, en adolescent qui connaît le premier amour. le personnage de Pauline est là deux fois, personnage rédempteur, et gardien de l'enfance, ou de l'être véritable. Ce qui revient aussi, c'est le drame de l'adolescent/e de 16 ans dont le père meurt brutalement, ce qui fut le drame de Franck Courtès.
La première nouvelle donne son titre au recueil, sans mentionner la précision importante, "en compétition". Il s'agit d'une dame mal dans sa peau, qui trouve dans l'alcool comme une euphorie, et qui s'est mis en tête à 46 ans de faire un marathon. Sa préparation à l'épreuve la coupe des gens, bien qu'elle découvre en courant sur un chemin de halage une partie de la misère humaine, et des siens qui ne s'y intéressent pas. Elle cache au médecin qu'elle a consulté pour obtenir l'autorisation, la douleur, l'ennui, qu'elle éprouve pendant ses séances de course, et aussi la diarrhée qui l'afflige. Elle veut connaître le "mur" des 32 kilomètres, l'effet qu'il produit.
A la fin de la nouvelle, des marathoniens témoignent de l'importance de l'accompagnement.
Les personnages des nouvelles semblent vouloir être à la hauteur. A la hauteur de ce qu'il leur paraît qu'on attend d'eux. Ils se sentent ou se montrent impuissants, lâches, différents, faussement supérieurs. Il est question de sexe, de jeune âge, d'amour -et d'amour qui dure, " celui dont on entend parler depuis tout petit et qui se met en travers de votre route un jour", de bonheur. Il montre la fragilité des êtres. Et c'est sans doute cette fragilité qui fait leur humanité, ou leur trop d'humanité. Une nouvelle est bouleversante qui donne à lire le journal d'un enfant qui se suicide, et qui écrit au tout début: "Pour mon anniversaire, mes douze ans (douze ans, ça fait bizarre, j'ai l'impression d'avoir toujours onze)"; ces lignes prennent une résonnance particulière.
le style de Franck Courtès est pur de toute affectation. L'auteur est dans la mesure, le re-tenu. Il est juste, il a de l'humour, il pratique l'ironie, ses mots font touche, comme le brochet qui mord dans la perche goujonnière; c'est un poète. Il a le sens de la formule, j'en offre quelques exemples: "A peine au maquis, et déjà collabo; Sa beauté lui avait ouvert tous les cercles, son sérieux les lui avait aussitôt refermés; Il n'avait pas fait médecine pour autoriser les gens bien portants à aller se faire du mal."
Il a également le sens de la construction. Toutes ses nouvelles entretiennent la tension, tiennent en haleine. Il est astucieux dans la disposition de ses trois "Chroniques de mon restaurant japonais favori", dans lesquelles on savoure toute l'autodérision du narrateur, et on reprend souffle. La dernière nouvelle fait office de "concetto" ou de coda. Il n'a pas non plus négligé les titres: j'aime bien "Une dent contre lui" qui ne laisse pas du tout deviner de quoi il s'agit, et "Elle est partie et je l'ai quittée", phrase qui a dû plaire à Franck Courtès qui l'utilise comme un leit-motiv.
Ces nouvelles, qui sont de la belle ouvrage, content poétiquement les choses de la vie. La nôtre, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre .

Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}