Roman très intéressant pour le feru d'histoire politique et de la troisième République que je suis.
Daudet un patronyme qui parle forcément aux français.
Dans la famille il y a Alphonse le grand père écrivain célèbre pour ses lettres, Léon le fils pamphlétaire et homme politique d'extrême droite, membre très influent de l'Action Française mouvement royaliste, nationaliste et antisémite sous la troisième République et il y a... Philippe le petit fils qui malgré sa courte existence défraya de sombre manière la chronique dans les années 1920.
C'est à cet adolescent rêveur, original et fragile et à son destin tragique que s'intéresse ce roman touchant.
"
Je partirai pour les terres lointaines" un titre aux accents poétiques qui résume parfaitement l'état d'esprit au début des années vingt de ce grand enfant-poète mal dans sa peau, adolescent fugueur car trop à l'étroit dans le carcan idéologique extrémiste familial des Daudet.
Philippe ne supporte plus le monde dans lequel il a grandi rempli de haine, de violence,de préjugés...
A un âge où il construit sa personnalité et où sa personne est sujette à bien des influences Philippe étouffe sous le joug parental et aspire à rompre avec des parents castrateurs,il rêve d'un monde différent, meilleur, plus égalitaire.
Il fuguera plusieurs fois revenant toujours penaud au foyer familial jusqu'à une tentative mieux préparée à l'automne 1923 où rêvant de rejoindre les terres lointaines du Canada il quitte définitivement la maison parisienne dans laquelle il a été élevé.
S'il ne traversera pas l'Atlantique faute dun passeport il rompra pourtant définitivement avec son passé en se réfugiant dans les bras des opposants politiques absolus de sa famille,la sphère anarchiste parisienne gravitant autour du journal le Libertaire.
Pendant quelques jours dans l'anonymat le plus complet le garçon va chercher à se rassurer en essayant de faire sa place dans une organisation nouvelle se battant pour un monde nouveau.
Pas complètement rasserene dans sa quête d'idéal, cherchant toujours sa voie dans un monde réel trop décevant il ne trouva vraiment d'appui qu'auprès d'une fille de joie Marie Sarah,enfin ça c'est l'auteur qui l'imagine pour faire de la prostituée celle qui nous narre ici les dernières heures de Philippe Daudet.
Car oui c'est bien de la plus tragique des manières que le jeune garçon mettra fin à sa dérive psychique et à sa fugue en se donnant la mort le soir du 23 novembre 1923 à l'arrière d'un taxi parisien.
Une version officielle entretenue par ce récit à mi chemin entre le roman et le réel que Marie Sarah mettra dix ans à écrire suivant la promesse qu'elle avait faite à Philippe Daudet dans sa chambre d'hôtel.
Un récit touchant, troublant autour d'un fait divers fort qui ne manqua pas de provoquer de sombres remous dans la sphère politique française de l'époque.
Le récit ici est plus apaisé rempli tout à la fois de noirceur,d'angoisse mais aussi d'une vraie lumière de ton qui accompagne parfaitement la mémoire de Philippe Daudet ici en partie réhabilitée.