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Critique de Woland


Woland
28 septembre 2008
The Red Badge of Courage
Traduction : Francis Viellé-Griffin & Henry D. Davray

Où que l'on aille, ce court roman est toujours présenté comme traitant de la Guerre de Sécession. Peut-être le créneau est-il porteur. Mais dans le cas de "La Conquête du Courage", cet étiquetage est erroné. Certes, l'action met bien en scène des soldats de l'Union combattant ceux de la Confédération mais la chose n'est mentionnée que de très rares fois, par la couleur d'un uniforme ou les termes "rebelle" et "Yankee" utilisés çà et là.

En fait, "La Conquête du Courage" parle surtout de la guerre et plus encore de la terreur qui accable le combattant lorsque sonne pour lui l'heure du corps à corps. Car la guerre, même à notre époque hautement technologique, cela reste le corps à corps : l'égorgement de certains soldats français par les talibans, l'a encore récemment prouvé en Afghanistan.

Stephen Crane utilise ici une intrigue et des personnages minimalistes : une ligne de front, dont on ne sait pas très précisément où elle se trouve et qui est d'ailleurs si mouvante que le héros, Henry Fleming, le plus souvent désigné sous le nom de "le jeune homme" comme pour bien souligner et son caractère banale et l'universalité paradoxale de sa quête du courage, se perd pour commencer parmi les rangs confédérés ; et quelques personnages qui, y compris les généraux, tiennent plus de la silhouette et de l'ombre que du héros solidement charpenté.

A maints endroits, "La Conquête du Courage" évoque ces films qui, documentaires ou fictions, ont cherché à fixer sur la pellicule les brumes hantées de la Grande guerre. Une silhouette se dresse, comme sortie de nulle part, elle dit ou balbutie sa peur, sa détresse, son refus de la Mort, et puis elle disparaît. A Henry de faire avec leurs blessures, leur hébétude, leurs radotages - leur dissolution. A Henry - et au lecteur - de leur survivre.

D'abord hébété, puis bien près de prendre ses jambes à son cou et de déserter sans autre forme de procès, Henry est stoppé net dans son élan lorsque l'un de ses camarades, avisant du sang sur son uniforme, s'imagine à tort qu'il a été blessé dans le feu de l'action. La honte alors l'accable et son poids s'accentue au fil des rencontres après la bataille, tous ces hommes qui saluent son prétendu courage ou pire, qui passent à son côté sans le voir, comme si le choc reçu au combat les avait privés de toute raison. Parce qu'ils ne lui ont pas tourné le dos, au combat : ceux-là y sont allés ...

Et c'est cette honte qui va provoquer chez Henry un retournement complet du caractère. Il va s'exciter, se pousser lui-même à la colère, déchaîner la violence en lui afin de pouvoir retourner au front et parvenir, cette fois, à se conduire en guerrier. Voilà comment il finit par conquérir le courage qui lui a fait si gravement défaut et, comme l'indique le titre, plus précisément, "l'insigne rouge", la blessure qui prouve son courage.

Minimaliste jusque dans son style et sa technique, Crane emploie des mots simples et des personnages réduits à une ou deux émotions essentielles pour analyser les différentes étapes par lesquelles passe son héros. Celui-ci étant lui-même une nature simple, l'effet obtenu est encore plus impressionnant.

Pas de charges, pas de grandes scènes de bataille à la Tolstoï, donc. Margaret Mitchell fait mieux dans son "Autant en emporte le vent." "La Conquête du Courage" est, à bien y regarder, un roman plus abstrait qu'on ne le pense - qu'on ne le définit. ,o)
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