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Nicolas Richard (Traducteur)
EAN : 9782070493814
281 pages
Gallimard (06/09/1995)
4.07/5   66 notes
Résumé :
A Enigma, Georgie, les routes n'ont pas l'habitude des Cadillac. Pourtant, depuis des mois, alors que la canicule suce la terre, on guette l'arrivée d'une certaine Cadillac pour qu'enfin tombe la pluie et que le miracle advienne. On attend le chanteur de gospel. Il a fait le tour du monde, n'empêche qu'il est né à Enigma et que tout le monde attend qu'il revienne au pays pour chanter en souvenir de Mary Bell qui s'est fait poignarder soixante et une fois et violer a... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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“Enigma, Géorgie, était un cul-de-sac”.
Enigma, prototype du trou du cul de l'Amerique, de ces petites agglomerations du Sud isolees, un Sud profond et defait ou proliferent, au debut du 20e siecle, l'analphabetisme et l'ignorance, le fanatisme religieux, la haine raciale.
Enigma, une culture de micro-pourritures dans une boite de Petri.
Enigma, ou bataillent des reformes de l'entendement dans les marecages de la mauvaise fortune.

C'est la que Crews fait coincider, pour deux jours fatidiques, un noir qui a tue la plus belle jeune fille blanche du lieu a coups de piolet (j'ai du laisser le politiquement correct a la consigne, bien qu'il n'y ait pas de gare dans le coin), un chanteur de gospel celebre, natif du lieu mais qui ne pense qu'a le fuir, un cirque exhibant des “freaks” (pour qui n'aurait pas vu le celebre film eponyme de 1932, des personnes de constitution anormale, des monstres), un precheur avide de gain qui a plante un enorme chapiteau pour un “revival” religieux ou doit se produire le chanteur.

Ce chanteur est repute pour ramener son public vers Dieu, sauver des ames, et meme faire des miracles. Mais il n'est en fait qu'un pecheur invetere, pour qui “chanter les évangiles c'était un moyen de gagner du pognon, un moyen de s'échapper d'Enigma, un moyen de ne pas passer sa vie à barboter dans le purin. Il n'avait pas prévu que Dieu viendrait glisser son nez là-dedans. Lui qui n'était pas particulièrement porté sur la religion, il perdait un peu les pédales et prenait peur quand quelqu'un venait lui raconter qu'il avait sauvé une âme”.

Ca ne peut que mal finir. Tres mal finir. C'est du Crews. Apres avoir developpe longuement les tenants il nous mene vers les aboutissants en un crescendo oppressant, ou le lecteur, affole, panique, asphyxie, attend la catastrophe qu'il subodore sans pouvoir la spécifier exactement.

C'est le premier livre de Crews. Son premier jet. Je l'ai trouve un peu moins abouti que les prochains que j'ai lus. La fin est un suspense angoissant mais il tarde beaucoup a se mettre en route.
Et pourtant la marque de fabrique qui va caracteriser Crews est deja la. Les freaks pour lesquels il a une enorme compassion, meme de la tendresse. Et les autres, les paumes oublies de la civilisation, abandonnes a eux-memes par la societe environnante, objets de la rapine de precheurs vereux, qui ne peuvent se rebeller contre leur destin que par la violence, ou la folie.
Beaucoup de ce qu'on trouvera dans ses ecrits ulterieurs est deja la. La mauvaise distribution des opportunités, les mecanismes affligeants de la renommee, l'absence de veritable justice, qui amene les gens a la prendre en mains, les perversions de ce qu'on presente comme la morale, le vice et sa penitence, et autour de cela sa critique a l'influence de la religion. le theatre d'un monde decadent, dans lequel les freaks jouent les maitres de ceremonie. Ou comme toujours il semble nous jeter à la figure sa sempiternelle question: qui sont les vrais freaks? Les veritable monstres?

Ce livre est un noir de noir, dur de dur, qui finit en orgie psychotique, aux accents tristement sudistes. Mais Crews a eu pitie de nous, ses lecteurs. Il a accole a cette fin un epilogue. Comme une legere brise d'esperance. Ou serait-ce son ultime pied de nez? Tout n'est peut-etre pas perdu. Comme le dit la pancarte: “NOUS ON NE PISSE PAS DANS VOS CENDRIERS – ALORS NE JETEZ PAS DE MÉGOTS DANS NOS PISSOTIÈRES”.
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Eh, eh, le chanteur de gospel est arrivé sans s'presser, avec sa cadillac rutilante, avec sa belle gueule et sa voix d'ange,
son vieux banjo et son nouveau impresario...
Son retour à Enigma en Georgie ne passe pas inaperçue.
Tout le bled des bouseux est de sortie pour accueillir l'enfant prodigue convié à chanter pour Mary Bell, son ancienne dulcinée trucidée par un illuminé..On l'accueille comme une star au son des guitares, des braillements et des cris de gorets.
Sûr que c'est un saint, qu'il peut faire des putains de miracles. Ils sont tous là, les paralytiques, les sourd-muets, les freaks à lui tourner autour comme des mouches.
Le chanteur n'est pas une vache, il ne peut pas les chasser d'un coup de ...fouet. Alors que va t-il faire ? Ben, chanter un gospel d'enfer !
Le premier Harry Crews est sorti en 1968 en pleine période psychédélique. Il a dû manger des champignons hallucinogènes et écouter en boucle Purple Haze de Jimmy Hendrix pour voir des freaks partout comme leur chef surnommé Pied qui a le plus grand panard du monde...
Avec Harry Crews, on plonge les pieds dans le purin puritain de l'Amérique profonde en compagnie de Redneck, de monstres de foire et d'allumés de premières, ses frères de sang. Et on assiste à un revival gospel déjanté inoubliable.
Un beau pied de nez à tous les prédicateurs et les idoles en toc.
Le chanteur de gospel, c'est le genre noir très spiritual !
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The Gospel Singer
Traduction : Nicolas Richard

ISBN : 9782070389902


Un roman noir dansant avec grâce sur le fil d'un funambule, telle pourrait être la définition parfaite de ce roman lancinant dont l'action se situe dans le Sud des Etats-Unis et traite essentiellement deux thèmes : la ferveur religieuse si particulière - et disons-le si dérangeante à plus d'un titre - propre à tant d'Américains et le phénomène, inexpiable aux yeux de trop de gens, de la différence. Ce sont ces deux thèmes qui créent le troisième : le meurtre d'une jeune fille blanche, poignardée soixante-et-une fois par un Noir qui ne se souvient pas de la raison qui l'a poussé au crime.

Bien que publié en tant que polar et/ou roman noir, "Le Chanteur de Gospel" pourrait à bon droit avoir son fil dans notre rubrique "Littérature made in USA." Sans avoir la puissance et les subtiles ramifications du "Sanctuaire" de Faulkner, il le rappelle tout comme, par moments, il fait songer non sans malaise à l'univers baroque et sinistre des "pauv' Blancs" de Caldwell. Et puis, au-delà la traduction, on perçoit un style travaillé, alliant la réflexion la plus aiguë et le vocabulaire qui va en général avec, au langage infiniment plus fruste et brut de décoffrage de personnages qui, dans l'ensemble, ont dû quitter l'école à la fin du primaire. le découpage enfin ne compte aucun temps mort. Sachant que ce roman constitue le premier de son auteur, c'est du bel art.

Nous sommes en Géorgie, à Enigma, une agglomération des plus modestes qui tient plus du hameau que de la ville mais dont les habitants ne seraient vraiment pas satisfaits si on le leur faisait remarquer. Au moment où s'ouvre le roman, un drame vient d'assombrir ces cieux pourtant d'habitude si paisibles qu'on en vient à détester leur immuable placidité : Mary Bell carter, à peine âgée de vingt ans, a été assassinée de soixante-et-un coups de pic-à-glace par un prédicateur noir de la région, Willallee Bookatee, lequel l'aurait aussi violée. Forcément : un Noir ne tue une Blanche que pour la violer. Pour les gens d'Enigma, c'est l'évidence même.

Mais avant de procéder à l'inhumation et maintenant que l'assassin a été traîné en prison, tout Enigma attend la venue de l'Enfant prodigue du pays : le Chanteur de Gospel. Surtout que le Chanteur de Gospel, il l'aimait bien, Mary Bell. On pensait même que ces deux-là se marieraient. Alors, il est normal qu'on attende le retour du Chanteur de Gospel afin qu'il puisse chanter une dernière fois pour Mary Bell. Comme, de toutes façons, un grand revival est prévu dans le même temps à la sortie de la ville, on sait que le Chanteur de Gospel viendra.

De fait, il arrive.

Et plus rien ne sera plus jamais pareil, ni pour Enigma, ni pour le Chanteur de Gospel.

Comment dire la fascination - le mot n'est pas trop fort - que j'ai éprouvée à lire ce roman d'une noirceur irrécupérable ? Crews nous dépeint un héros qui, depuis l'enfance, se sent différent non seulement des membres de sa famille mais aussi de tous ceux qui l'ont vu grandir, à Enigma. Certes, il aime les premiers et il appelle toujours les seconds par leur prénom. Mais beau, blond, avec une voix offerte par Dieu et une intelligence correcte, le Chanteur de Gospel n'a qu'un rêve : quitter Enigma pour toujours, sans jamais avoir besoin d'y revenir. Et pourtant, les sentiments - très ambigus - qu'il porte à Mary Bell l'ont toujours contraint à revenir. En apprenant sa mort, il se sent enfin libéré. Mais ayant commis l'erreur de rendre visite à Willalee, qui fut l'un des copains de son enfance, il prend conscience que, même s'il ne l'a pas commis directement, il est le seul responsable du drame. Alors, il veut fuir mais pas sans sauver la peau de Willalee. Or, enlever leur proie aux amateurs de lynchage, surtout en plein état sudiste, relève de la folie suicidaire. le Chanteur de Gospel finit par renoncer. Mais son Destin - Dieu pour certains - ne l'entend pas ainsi ...

Autour de l'axe central, une stupéfiante galerie de portraits : le shérif obèse qui ne tente que pour la forme de s'opposer au lynchage, le croque-morts qui réclame au Chanteur de Gospel la faveur d'autoriser sa petite fille de trois ans, aveugle, à lui toucher le visage afin de le "voir", la mère de la défunte, son bonnet noir et ses pleureuses, l'incroyable famille du Chanteur de Gospel - ne ratez ni son frère, Mirst, ni sa soeur, Avel : avec eux, comique garanti mais comique complètement frappadingue et qui laisse un goût d'amertume - Didymus, son imprésario, persuadé que sa propre mère siège à la droite du Seigneur et que lui-même est venu sur terre pour sauver l'âme du Chanteur de Gospel, Pied, le directeur de la foire aux freaks qui suit comme une ombre avide l'itinéraire du Chanteur de Gospel, et bien sûr, monstrueuse, épouvantable, dénuée du moindre atome d'empathie, ne pensant qu'à satisfaire ses besoins de vampire, la Foule se pressant, s'étouffant, s'étalant, se gonflant, se propulsant, pour assister au revival - comme à tout spectacle supplémentaire tel un bon vieux lynchage.

Fascinant je le répète, émouvant, authentique et noir, résolument noir parce que noir rime avec sans espoir, "Le Chanteur de Gospel" est un grand livre. Vérifiez donc par vous-même. ;o)
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A Enigma, au fin fond de la Géorgie, on attend avec une impatience non dissimulée le retour de l'enfant prodigue. Né dans la bourgade, le chanteur de Gospel est devenu une star adulée dans tout le pays. A chacune de ses apparitions sur scène, le public est transporté par sa voix d'ange. Une idole qui retourne chez lui le temps d'un revival en plein champ, sous un chapiteau géant. Une idole qui va chanter pour Mary Bell, la plus jolie fille du coin, violée et poignardée plus de soixante fois avec un pic à glace. Une idole qui, si elle savait ce qui l'attend, aurait pris ses jambes à son cou…

Premier ouvrage d'Harry Crews publié en 1968, le chanteur de Gospel est un roman aux incontestables accents faulknériens. Reconnu comme l'un des chefs de file du Souther gothic (un mouvement littéraire combinant une atmosphère gothique avec des éléments culturels propres au sud profond), Crews, né en 1935 (et décédé le 28 mars 2012), a été élevé à la dure et s'est engagé à dix-sept ans dans les Marines. Il fera de la prison, sera tabassé par un Indien unijambiste et ne cessera de croiser des destins hors du commun, notamment en partageant pendant un long moment la vie d'une de ces foires aux monstres qui ont longtemps sillonné les États-Unis jusqu'au milieu du 20e siècle. Abandonnant femme et enfant pour se retirer dans une cabane au bord d'un lac, c'est dans ce décor d'ascète, stimulé par la drogue et l'alcool, qu'il débutera sa carrière d'écrivain. Un écrivain totalement atypique, souvent féroce avec les gens normaux et tendre avec les « freaks » qui peuplent chacun de ses textes.

Ce que j'en ai pensé ? Un vrai régal. Tout ce que j'aime, cette ambiance totalement barrée, ces personnages mal dégrossis, ces dialogues saupoudrés d'argot local et cette tension qui monte crescendo jusqu'au final cataclysmique. Une Amérique de bleds paumés peuplés de rednecks, hantée par la misère, la déchéance et des croyances populaires aussi saugrenues qu'indéracinables. Une Amérique perpétuellement en quête de rédemption, prompte à sombrer en quelques instants dans la plus abominable des sauvageries. Il y a peut-être quelques longueurs et un certain déséquilibre entre une mise en route assez laborieuse et une fin que l'on dévore avec le plus grand plaisir, mais ce n'est après tout qu'un premier roman.

J'ai du mal à comprendre pourquoi ce texte se retrouve en Folio policier. Il n'a strictement rien d'un polar. le chanteur de Gospel est un roman inclassable qui a à l'évidence influencé nombre d'auteurs contemporains tels que Joe R. Lansdale ou William Gay. Quoi qu'il en soit, Harry Crews fait une entrée fracassante dans ma bibliothèque. J'ai déjà prévu de continuer ma découverte de cet auteur avec La foire aux serpents. Tout un programme !

Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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A peine arrivé au milieu de la 2e page, je suis obligé de refermer le bouquin. Il ne s'est rien passé. C'est juste un noir nommé Willalee Bookatee qui guette de sa cellule l'arrivée d'une voiture. C'est juste quelques phrases toutes simples sur Enigma, un trou-du-cul-du-monde comme il en existe tant en Géorgie ou ailleurs, un ploucville acculé au néant, survivant grâce à un unique cordon ombilical de bitume que l'on suppose branché à la civilisation, quelque part au loin. Mais voilà, submergé par une émotion mystérieuse, j'arrête tout et je me demande : la dernière fois que j'ai lu un Harry Crews, c'était quand ? Et puis je me dis que depuis tout ce temps je n'ai rien lu qui s'apparente de près ou de loin à du Harry Crews. Et puis enfin je me retrouve habité par cette évidence que j'avais oubliée : ce type est vraiment unique.

Le chanteur de gospel, jeune homme blanc à la voix d'or, est né à Enigma. le chanteur de gospel (que personne n'appelle plus par son nom) rentre à Enigma environ deux fois par an pour revoir sa famille – dont tous les membres sont plus ou moins tarés, ainsi que la splendide Marybell avec qui il entretient une étrange idylle en pointillés. L'histoire démarre donc dans une cellule de la prison d'Enigma, occupée par un noir accusé du meurtre de la blonde et pure Marybell : de sa cellule, il scrute la seule route reliant Enigma au reste du monde, tout son espoir résidant maintenant dans l'arrivée de la Cadillac du chanteur de Gospel. Car tout le monde à Enigma sait que sa visite est imminente.

Mon introduction n'était peut-être pas suffisamment explicite, je vais donc mettre les points sur les i : ce premier roman (publié) de Harry Crews est du même niveau que ceux qui vont suivre. Ne cherchez pas un défaut de jeunesse, des longueurs, maladresses, incohérences ou je ne sais quelle autre marque d'immaturité. Harry Crews débarque en 1968 avec sa cohorte de miséreux, les plus normaux en apparence étant les plus déviants à l'intérieur. le Chanteur de gospel est un roman terrible, comme tous les romans de Crews. D'une humanité renversante, combinant une morale édifiante à une imparable logique. Piégé dans un rôle de Messie qui l'effraye de plus en plus, le chanteur de gospel se dirige tout droit vers un destin qui n'offre aucune alternative. Ce n'est pas un mauvais bougre dans le fond, mais après avoir suivi la pente la plus facile, celle qui l'a mené au succès et à une illusoire omnipotence, après avoir sali petit à petit, sans réaliser vraiment, ce que l'être humain a de plus beau en lui, l'irréparable se produit, comme une fatalité.

On ne referme pas le chanteur de gospel complètement assommé parce que tout ce qui arrive à la fin est presque naturel, sans grande surprise, conforme au châtiment divin. Mais tous ces personnages, on les emporte avec soi. Peut-être vous suivront-ils longtemps, sans pourtant vous hanter ; peut-être, un instant, vous rendront-ils meilleur.

Traduction formidable de Nicolas Richard.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
[...] ... - "On va jamais s'en sortir," fit Didymus [= l'impresario du Chanteur de Gospel].

En guise de réponse, le Chanteur de Gospel piqua droit dans la foule. Didymus enfouit son Cahier de Rêve à l'intérieur du manteau et le suivit. Atteindre la Cadillac revenait à endurer le supplice des baguettes. Des mains se tendaient pour malaxer, frotter, caresser le Chanteur de Gospel, mais il y avait tant de mains qu'ils devaient se presser, et du coup, les caresses devenaient gifles, puis claques et carrément coups de poing. C'est du moins l'impression qu'ils eurent. Un mur étouffant de chair se referma sur eux. Didymus essaya de l'aider, il essaya de se rebiffer, mais la foule le refoula et le Chanteur de Gospel dut se débrouiller tout seul. Une poche de son manteau fut déchirée. Des gueules enfiévrées et humides scandaient des hymnes au-dessus de sa tête. D'autres chuchotaient d'impossibles requêtes à ses oreilles. Entre deux supplications on distinguait parfois un juron.

Après un long moment pendant lequel le Chanteur de Gospel se demanda s'il allait s'en sortir, il finit par arriver à la Cadillac. Il ouvrit la portière d'un mouvement brusque et se précipita à l'intérieur. Il appuya sur un bouton qui bloqua immédiatement toutes les issues. Il resta haletant sur la banquette. Sur les vitres et le pare-brise se pressaient des tronches aplaties,
des gueules tordues et des yeux écarquillés. Au loin, un groupe de
petites nanas miaulait son nom sur un air qui passait à la radio. Le
visage de Didymus apparut enfin à la vitre. Il avait les yeux vaguement
dans le vide, ce qui donnait l'impression de le voir dans un miroir
déformant. Il était tout rouge et en nage. Le Chanteur de Gospel ouvrit une des portières. Une gamine tenait Didymus par les guiboles et le Chanteur de Gospel dut l'aider à s'en défaire pour qu'il pénètre dans la voiture. Didymus referma à clé derrière lui.

- "Déchaînés, sont déchaînés dans ce patelin !" fit-il quand il put reprendre sa respiration.

La Cadillac tanguait légèrement. ... [...]
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- Et vous ?
- Une tasse d'eau chaude, répondit Didymus.
- On vend pas d'eau chaude, mon gars, dit-elle tandis que ses sourcils se rejoignaient comme des chenilles et que ses mâchoires s'en prenaient à son chewing-gum avec une violence inouïe.
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[...] ... La porte du salon mortuaire était fermée. Gerd [= le frère du Chanteur de Gospel] l'ouvrit et entra. L'intérieur était plongé dans la pénombre, il y faisait plus frais que dehors. Une tête de Christ était clouée au mur d'en face - cheveux bruns flottants, et yeux noisette éteints. Sous le Christ, en lettres rouges comme une légende de bande dessinée, on pouvait lire : LES MEILLEURS ENGRAIS SONT A LA GRAINETERIE HARVEY D'ENIGMA. Juste en dessous, il y avait un calendrier vieux de deux ans.

MaryBell était allongée au fond de la pièce exiguë, le buste légèrement relevé dans un cercueil en pin blanc aux charnières cuivrées, à plat sur un catafalque de planches recouvertes d'un velours noir suranné, entre deux chevalets de scieurs de bois. Trois dames, dont une coiffée d'un bonnet noir, étaient assises à la tête du cercueil, sur des chaises au dossier en barreaux d'échelle. Elles tenaient des mouchoirs gris et humides. A leurs pieds gisaient deux chrysanthèmes jaunis et moribonds dans des boîtes de conserve Pure Oil. Une unique ampoule nue brûlait au plafond.

Une mouche aux ailes bleues en descendit en cercles et vint se poser sur le nez de MaryBell. Sans bouger la tête ni détourner son regard, la dame à la coiffe noire fouilla dans les plis de sa robe, attrapa un éventail cartonné en forme de coeur représentant le visage de Jésus, et l'agita dans l'air pesant. La grosse mouche aux ailes bleues regagna le plafond en ronronnant. ... [...]
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Elle claqua la porte et le chanteur de Gospel resta planté à reluquer la porte du placard. Il ôta ses vêtements, les suspendit délicatement sue les portes manteaux et rangea le tout dans le placard. Puis il les rejoignit nu dans le placard, et referma la porte. Il s'agenouilla entre sa pelisse et son pantalon. Il ouvrit la bouche et sa voix s'écouta. Le son s'enroula autour de lui comme un serpent onduleux. Mais de manière harmonieuse, suave.
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Vidéo de Harry Crews
Le grand James Ellroy poursuit son tableau wagnérien de Los Angeles dans la tourmente de la seconde guerre mondiale. Et Harry Crews brosse un portrait saisissant des péquenots du sud dans les années 70. En contrepoint, un regard subtil sur l'Inde occupée par les Anglais au lendemain de la grande guerre par Abir Mukherjee, jeune auteur à suivre.
"La tempête qui vient" de James Ellroy (Rivages/Noir) "Péquenots" de Harry Crews (Finitude) "L'attaque du Calcutta-Darjeeling" de Abir Mukherjee (Liana Lévi)
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