Les contes d'horreur "l'homme contre la nature" dans lesquels Mère Nature montre son côté sombre en cherchant à se venger de l'humanité pour ses nombreux préjudices à son encontre - ont toujours été populaires dans la littérature, car ils jouent sur une peur qui n'a jamais suffisamment été,
et ne sera jamais apaisée, peu importe à quel point les humains ont essayé : la peur que notre place dans le monde naturel soit non seulement éphémère, mais nous ait, en effet, totalement bien dépassé.
Tout comme par exemple, les dinosaures et plusieurs millions d'autres espèces dans l'histoire de la Terre, l'humanité a perdu son utilité. Nous sommes proches de l'extinction. Nous sommes juste dans un total déni, purement et simplement.
La littérature du 19ème et du 20ème siècles, en particulier, regorge d'histoires de la nature folle et vengeresse. Ce n'est pas un hasard si l'augmentation du nombre de ces histoires est directement proportionnelle à l'essor de l'industrialisation et aux avancées presque imparables de la technologie puis notamment, de la science.
"
Dracula" (de
Bram Stoker) et "Frankenstein" (de
Mary Shelley) sont sans aucun doute des exemples des romans d'horreur les plus populaires de leur époque et les premiers vrais romans "traditionnels" du genre d'horreur - duquel la narration de ses deux grands classiques est principalement sur des hommes dont l'orgueil à défier la nature et leur crimes contre la nature,
entraînent des conséquences non seulement désastreuses, mais aussi et surtout, mortelles et tragiques.
Dans "
Dracula", le personnage titulaire, dont les perversions contre la nature sont si viles que la nature le punit essentiellement en le transformant en vampire : une créature avec une soif insatiable de sang, destinée à ne plus jamais aller à sa guise où elle désire à la lumière du jour.
Dans "Frankenstein", le protagoniste est un scientifique qui, en se prenant pour Dieu, renie sa propre création et invite la créature à se venger avec justice d'un monde dans lequel il n'a pas demandé à être introduit.
Les deux romans sont des fables morales sur les dangers et les conséquences mortelles du manque de respect envers la nature, mais là encore, tous les autres romans d'horreur jamais écrits le sont
également.
Dans le genre Horreur (avec un grand "Hache"), la nature est souvent une force insensible et sans compassion envers l'humanité. Mais déterminer à savoir qui est le "bon" et le "méchant" dans les histoires d'homme contre la nature, n'est pas toujours aussi simple et facile.
Nous sommes une menace permanente pour la survie de la nature en raison de notre dévastation écologique rampante, de la montée de l'industrialisation et du soi-disant "progrès". La nature, qui est par nature dépourvue de qualificatifs moraux, est néanmoins toujours (et ironiquement) personnifiée comme "l'incarnation" du Mal. On fait toujours de la nature : une antagoniste, que ce soit sous la forme d'un oiseau ("Les Oiseaux" de Daphné du Maurier), du grand requin blanc ("
Les Dents de la mer" de
Peter Benchley) ou aussi bien, d'un chien (le Saint-Bernard enragés dans "
Cujo" de Maestro
Stephen King).
Mais la nature, est-elle réellement cruelle et malveillante ? Même dans notre quotidien, les animaux sauvages sont toujours les coupables désignés, qu'il s'agisse d'un gorille dans un zoo ou d'un alligator sur une plage de Floride. Quand un enfant ressent le poids de l'indifférence de
la nature, c'est toujours de la faute à la nature, mais le gorille et l'alligator font simplement ce qu'ils font depuis toujours : marquer leur propre territoire, protéger leur troupeau, s'attaquer aux faibles. le résultat est néanmoins tragique pour l'enfant blessé ou tué, mais il est presque universellement inacceptable de laisser entendre que la destruction d'un
gorille ou le meurtre d'alligators est tout aussi tragique.
Le romancier
Martin Cruz Smith, surtout connu pour sa série policière : le détective moscovite, Arkady Renko, avait rédigé un bon petit roman d'horreur, fonctionnant passablement comme un thriller, avec quelques moments de frayeurs et une légère petite pointe de fantastique, intitulé "
Le vol noir" en surfant certainement sur la vague de popularité du roman "
Les dents de la mer" (1974) du regretté
Peter Benchley, ou peut-être parce qu'il a simplement eu un petit faible pour les chauves-souris ? En tout cas, l'auteur n'y est naturellement pas allé de main morte, il n'avait pas froid aux yeux pour être aussi généreux graphiquement avec ses descriptions sur les énormes chauves-souris vampiriques déchirant la chair et les muscles de ses victimes.
De fil en aiguille, page
après page, beaucoup de bonnes choses fascinantes mais Ô combien globalement divertissantes impliquant des légendes indiennes, les Hopis et des créatures mythiques surnaturelles peuplent au coeur cet ouvrage, principalement en raison de son lieu d'emplacement au Nouveau-Mexique sur une réserve Hopi. C'est une tentative indéniable du romancier d'ajouter un élément mystique à son histoire, un élément délibérément miné par le vrai message.
Les attaques de chauves-souris vampires sont brillamment écrites et terrifiantes, mais la véritable horreur réside dans la plausibilité scientifique de la narration. Car juste au moment où les survivants se croient en sécurité, ils tombent comme des mouches et succombent à une souche
virulente de peste bubonique, dont les chauves-souris sont involontairement porteuses.
La morale de ce récit n'a guère besoin d'être formulé. C'est exactement la même chose pour toutes les autres histoires : de "
Moby Dick" (de
Herman Melville) à "
Jurassic Park" (de
Michael Crichton) : respecter la nature tout simplement. Il faut apprendre à vivre avec (et non pas contre !) la nature et de cesser de jouer dangereusement avec l'environnement, ou l'environnement nous bottera le cul bien comme il faut, sans aucun sentiment.
Mais malheureusement, c'est une valeur qui a été et qui continuera d'être ignorée par l'humanité jusqu'au jour où, de manière fataliste, nous rendrons tous notre dernier souffle.
En guise de conclusion, "
Le vol noir" est un très bon roman, diablement efficace sur un essaim de chauves-souris vampiriques meurtrières. À bien des égards, la lecture de ce bouquin (paru aux éditions Pocket Terreur) est très divertissante et en même temps, haletante, mais servie avec une chute
d'action finale précipitée et un peu trop prévisible à mon goût. Cela dit, je ne pourrais aucunement le qualifier comme étant un grand chef-d'oeuvre, mais ça a vraiment le mérite d'être lu.