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Stéphane Carn (Traducteur)
EAN : 9782709623551
400 pages
J.-C. Lattès (24/04/2002)
4.26/5   91 notes
Résumé :
L'histoire vraie de la plus folle et de la plus cruelle des mutineries. Jusqu'à quel degré la perversité d'un homme peut-elle aller ?

Jusqu'à quelle limite un homme peut-il accepter l'humiliation ?
En 1629, affrété par les marchands hollandais, le Batavia file vers l'île de Java.

A son bord, plus de 300 passagers, hommes, femmes, enfants et une cargaison équivalent à 20 millions de dollars ; et comme subrécargue, Jeronimus Corn... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Le récent roman « Torrentius » résulte de la lecture par Colin Thibert du texte de Simon Leys « Les naufragés du Batavia », lui-même préface de « l'archipel des hérétiques », chef d'oeuvre de l'historien Mike Dash qui décrit la naissance d'Amsterdam, la création de la Compagnie des Indes Orientales, son développement, le commerce des épices au XVII siècle, la colonisation de l'Indonésie ... et le drame du Batavia.

Cet ouvrage mit en lumière Torrentius et son disciple Jeronimus Cornelisz qui en 1629 épura les naufragés du Batavia en assassinant plus de cent personnes sur l'archipel des Abrolhos à l'Est de l'Australie.

Passionnante étude historique pour qui s'intéresse aux navigateurs et fine analyse du totalitarisme qu'un psychopathe peut développer en quelques semaines à la tête d'une secte ou d'un état.

Excellente introduction au roman de Colin Thibert pour qui souhaite maîtriser le contexte historique et idéologique de l'époque.
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L'archipel des hérétiques est une superbe lecture historique , c'est un must absolu qui intéressera les amateurs d'histoire des marines européennes au 17e siècle et ceux , plus ciblés qui comme moi sont des afficionados de l'histoire des Pays-Bas ( Geschiedenis van het Nederlanden ) . Un texte qui ne manquera pas aussi de pousser la réflexion sur les terres de la curieuse fragilité de la nature humaine et de celle non moins fragile de l'éthique , face aux brusques ruptures des sociétés organisées et de leur structures répressives et pourvoyeuses de nécessités nécessaires .

Deux choses :
- Cet évènement hyper documenté est aussi l'objet d'une publication sympathique mais assez succincte de Simon Leys ( le naufrage du Batavia ) qui évoque en introduction cet ouvrage : « L'archipel des hérétiques « , en disant de lui : que c'est le livre qu'il aurait voulu écrire sur ce thème .
- Ensuite , avec : le radeau de la méduse ( chez folio ) et Les naufragés de l'aventure de Guillaume Lesquin , c'est un des récits de naufrages parmi les plus spectaculaires , les mieux documentés et les plus édifiants pour ce qui est de la densité de leur valeur historique , et pour ce qui est aussi du caractère fascinant , très attractif et très vivant que procure leur lecture ...

Le Batavia , est un « indiaman « , c'est un vaisseau de la compagnie néerlandaise des indes orientales ( Vereenigde Oost-Indische Compagnie ) . C'est-à-dire que c'est un des plus gros navires qui ai jamais vogués sur l'océan . C'est un monstre armé de 30 canons , il fait dans les 1200 tonnes avec 3 mats et il embarque 350 passagers ( les deux tiers étant des marins et des soldats de la compagnie ) .

Une des rares choses capables d'arrêter sa course aux épices et son élan vers la rentabilité financière ( il n'embarque pas moins de 250000 florins lourds ) , c'est un naufrage .
Dans la nuit du trois au quatre juin 1629 , le navire heurte un haut fond dans l‘archipel des Abrolhos , à 80 kilomètres de la cote australienne alors encore inconnue des marins et des géographes , en direction de laquelle les navires en route pour l'actuelle Indonésie exécutaient traditionnellement , une sorte de Volte , pour remonter de ces parages , vers l'ile de Java , au nord-est .

Littéralement encastré , le bateau ne parviendra pas à se dégager . Il sera disloqué par le ressac en quelques jours , mais les passagers et l'équipage seront débarqués sur l'archipel , qui est une suite de bancs de sable sans végétation significative plus que un ensemble de véritables iles et ilots paradisiaques ...

Il y aura très vite deux groupes de réfugiés sur deux iles éloignées l'une de l'autre de 10 kilomètres , Une chaloupe est parti vers Java ( au moins deux mille cinq cents kilomètres d'océan ) .
Une mutinerie était en cour de réalisation avant le naufrage dont elle la cause indirecte d'ailleurs . Cette situation d'insubordination larvée et la supposée trop forte densité de naufragés sur l'ile , causeront un hallucinant carnage qui comprendra des meurtres , des combats entre refugiés et la souscription de certains à une prédication d'essence protestante mais dans la mouvance de la réforme radicale .

Pendant que sur l'archipel les rescapés se livraient à la guerre , à la passion religieuse et aux pathologies les plus spectaculaires , et qu'ils reconstituaient dans une violence hallucinatoire et rationnelle ( fonction des acteurs et des moments ) un véritable microcosme de l'histoire de l'humanité , les voyageurs en route pour Java , marins experts , parviendront à rejoindre les indes néerlandaises et donc à faire lancer une expédition de secours destinée à récupérer florins et naufragés .

Je me suis lancé dans ce petit résumé pour vous convaincre de ce que c'est un récit très vivant , riche en rebondissement et assez spectaculaire . Mais voici encore le petit résumé du dénouement :
Lorsque les navires de secours seront rendus , le groupe des mutins tentera de s'emparer d'un des navires ce sera un échec et Pelsaert ( le premier du Saerdam) , officier du second navire de secours ,
Fera juger sur l'archipel selon une enquête et un procès dans les règles et dans les formes , les différents auteurs de débordements en rapports avec les massacres initiés par le groupe des mutins .

L'équipage et les passagers sont véritablement un microcosme des Pays-Bas de l'époque . du fait des nécessités du jugement et de la qualité des passagers on connaît assez en profondeur les profils sociaux culturels et psychologiques de certains passagers . C'est ce qui permet à l'auteur de se lancer dans une des meilleures études historiques que j'ai jamais lu .

Dans un texte hyper détaillé qui tient du récit vivant et du minutieux récit circonstancié , l'auteur dégage du sens en faisant vibrer l'époque et l'histoire . L'histoire avec un grand H , telle que celle des indes néerlandaises , l'histoire religieuse très spécifique des Pays-Bas au siècle d'or , les univers de marins et ceux des grandes navigations spectaculaires , la géographie politique de l'époque , la structuration sociale et socio-économique « der nederlanden « , des pays bas , du grand siècle hollandais , sans oublier la faiblesse de l'illettrisme dans ces territoires et la complexité des formes financières des sociétés en parts , des comptabilités de l'époque et des lieux , comme des règles du mariage et j'en passe....

En historien brillant et au plus près des documents , auxquels il se réfère constamment de manières habiles , pour le plus grand plaisir du lecteur exigeant , L'auteur donne une étude époustouflante et vibrante , qui nous transporte à la fois dans l'océan indien et dans un passé révolu et dépaysant .

Bref : de Texel à l'océan indien via le Cap de Bonne Esperance au 17e siècle , un récit de mer et de tempête , haut en couleur .
PS : Faites une petite recherche internet à : Naufrage du Batavia , pour découvrir le paradisiaque lieu de ce naufrage en enfer où les hommes furent pires que la nature , et où finalement , ils furent tels que eux seuls savent l'être .
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Livre lu dans le cadre d'une masse critique.
Une bonne surprise d'abord, puisque, tout en profitant d'une écriture plaisante, j'ai appris grâce à cet ouvrage pas mal de chose. Au niveau de la situation maritime et commerciale du début du XVIIe siècle, au niveau de l'histoire des Pays bas et de leur fonctionnement (si je connais bien l'histoire de France et d'Angleterre de cette époque, ce n'était pas le cas des Pays Bas), la route des épices vers les Indes...
J'aurais cependant quelques retenues concernant la forme. A vouloir rendre les documents historiques accessibles en leur prêtant une forme romanesque, on ne sait pas toujours bien ce que l'on lit. Ne pas se contenter d'un style abrupt et ajouter un brin d'ambiance au factuel, pourquoi pas, mais ici, c'est parfois excessif (descriptions ou réactions des personnages extrapolées, par exemple). de même, l'accroche est celle d'un roman, in media res. Elle veut poser de l'ambiance et de la tension. Mais, du coup, on se retrouve avec un passage court «d'action» (si l'on peut dire) avec des personnages qu'on ne connaît pas, pour revenir ensuite sur ces mêmes personnages et sur l'explication de comment ils sont arrivés dans cette situation par de longues, très longues analepses. Autant ce fonctionnement marche bien pour un roman, autant je suis plus mitigée quand il s'agit d'un document historique. Je trouve (ça reste un avis tout personnel) que cette tendance à transformer ainsi les doc historiques (comme les docu-fictions à la télé) entretient une confusion des genres (Histoire/fiction), et, en tant que lecteur, je me pose toujours la question de ce qui relève d'éléments historiques connus et avérés et ce qui relève de l'imagination extrapolative de l'auteur. Et quelque part, ça me dérange un peu et m'empêche de lui attribuer cinq étoiles.
Cette digression étant fait, ce livre reste un fort bon livre, facile à lire, documenté, et sur des sujets qui ne manquent pas d'intérêt, allant du fonctionnement de la navigation commerciale, à la folie meurtrière dans des conditions de survie extrême.
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Dans son livre, Les naufragés du Batavia, Simon Leys prétend que le livre de Mike Dash, L'Archipel des hérétiques, serait le meilleur livre et le plus complet relatant le naufrage du Batavia, un navire commercial de la République des [Sept] Provinces-Unies (= les actuels Pays-Bas), en 1629, au large de l'actuelle Australie.

Personnellement, le livre de Mike Dash ne m'a pas convaincue. La traduction française plus qu'approximative y est sans doute pour beaucoup. L'emploi du terme hérétique » (qui ne souscrit pas à la doctrine d'un groupe) laisserait penser à un épisode des guerres de religions à la Renaissance en Europe, alors que le titre original «Batavia's Graveyard» (le cimetière du Batavia) fait directement référence au navire et au nom donné à une des îles de l'archipel par les rescapés du naufrage. le titre anglais prête également à confusion pour certains : un magazine anglophone à Jakarta l'a présenté comme un livre de référence sur les cimetières coloniaux de l'actuelle capitale de l'Indonésie.

Je n'ai pas pu (encore) me procurer la version originale anglaise du livre de Mike Dash pour vérifier si les erreurs et approximations qui rendent si pénibles la lecture de ce livre, sont l'oeuvre de l'auteur et/ou du traducteur. La synecdoque systématique de l'emploi de « hollandais » pour « néerlandais » - la Hollande étant la province la plus riche et la plus peuplée des sept Provinces-Unies - est une erreur courante en France, alors que le terme anglais « dutch » est beaucoup plus général. On se demande comment des phrases comme « Il venait d'Anvers, la grande rivale d'Amsterdam, sise dans le sud du Nederland … » (page 23) [au lieu de Pays-Bas méridionaux ou Pays-Bas espagnols] et page 96 « Les sept provinces, qui devaient par la suite se fédérer pour constituer la République de Hollande, … » ont pu être imprimées.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas l'histoire, voici un bref résumé. le Batavia, un navire marchand de la Compagnie des Indes Orientales (Verenigde Oostindische Companie - VOC) des Provinces-Unies a coulé lors de son voyage inaugural en direction de Batavia, le port de l'île de Java qui était le comptoir de la VOC et des Provinces-Unies pour l'approvisionnement en épices (poivre, cannelle, girofle, muscade, …), qui faisait la richesse de la compagnie maritime. le bateau était parti avec plus de 300 personnes à bord (marins, mais aussi militaires et passagers). En pleine nuit, le navire a heurté des récifs au large de l'Australie. Une grande partie de l'équipage et des passagers ont pu se réfugier sur les récifs, mais sans parvenir à sauver nourriture et eau potable en suffisance. le capitaine, une partie des marins et les officiels de la VOC sont partis avec les deux chaloupes pour tenter de rejoindre Batavia pour y chercher du secours et surtout récupérer l'or et l'argent destinés à payer les épices et la solde de la garnison de Batavia. Ils parviendront à rejoindre l'île de Java en un mois, après un périple de plus de 3000 km, sans perdre un seul passager.
Pendant ce temps, le second de la VOC, Jeronimus Cornelisz, devint le chef des survivants de l'archipel. Malgré les pluies qui amenèrent de l'eau douce et la présence d'otaries et de langoustes, il devint rapidement évident que les vivres ne suffiraient pas pour tous. S'il voulait, avec l'aide de quelques comparses, s'emparer d'un bateau à l'arrivée des secours pour fuir avec l'or et l'argent récupérés dans l'épave du bateau, il conviendrait d'éliminer le plus de personnes possibles ...

De nouveaux ouvrages consacrés aux naufragés du Batavia ne cessent de paraître. En français, La tragédie du Batavia de Philippe Godard, Massacre des Innocents de Marc Biancarelli, ou la bande dessinée en trois tomes : Jéronimus, de Christophe Dabitch et Jean-Denis Pendanx.
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C'est un naufrage qui aurait pu ressembler à tant d'autres. Une nuit de juin 1629, le Retourschip Batavia, nouveau fleuron de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, vient s'empaler à pleine vitesse sur une ligne de récifs méconnue au large des côtes australiennes. Impossible de se dégager, le navire est vite considéré comme perdu et, bravant tant bien que mal la mer démontée sur les brisants, équipage et passagers trouvent refuge sur quelques îlots de corail aride, sans abri, ni eau, ni végétation, ni autre gibier que ceux apportés par le ciel et la mer. Réunis sur une simple yole, capitaine et officiers tentent alors ce qu'on pourrait croire impossible : remonter les quelque 3200 km qui les séparent encore de Java pour y quérir de l'aide (l'Australie toute proche est encore inconnue des Européens).
C'est alors que les choses, déjà plutôt mal barrées, versent pour de bon dans l'horreur. Mais pour comprendre, il faut revenir un peu en arrière...

Sur le Batavia, avait embarqué comme officier un certain Jeronimus Cornelisz, ex-apothicaire ruiné bien décidé à se reffaire un semblant de fortune en trafiquant avec les Indes, homme de belle faconde et de moralité assez douteuse, influencé par les hérésies anabaptiste, gnostique et antinomiste. Sur le Batavia, étaient aussi deux caractères antagonistes, dépendant l'un de l'autre mais ne pouvant qu'à peine se supporter: Ariaen Jacobsz, capitaine vieillissant, colérique, pas très satisfait de son sort, et François Persaert, subrécargue, véritable maître à bord puisque représentant les intérêts de la compagnie. Sur ce navire, étaient enfin une belle jeune femme dont nos trois gaillards se disputaient sans succès les faveurs - ainsi qu'un très convoitable trésor, investit par la Compagnie pour s'attirer la bienveillance des potentats indiens.
Autant dire que dame Discorde en presonne se trouvait à bord, avec une pomme grosse comme un iceberg.
Et ce qui devait arriver arriva : parti des belles cabines de la poupe pour gangrener jusqu'à l'entrepont des soldats, mené par Cornelisz avec la complicité du capitaine en personne, un grand projet de mutinerie se développa. Son but ? Rien de moins que s'emparer du navire, du magot, se débarrasser des remprésentants de la Compagnie, de l'équipage resté loyal et des passagers, pour aller couler entre deux océans la grande vie des pirates. Les choses semblaient s'organiser pour le mieux en ce sens quand... vlam ! pas de bol, le rocher.

Les autres officiers partis chercher de l'aide, capitaine et subrécargue inclus, c'est Cornelisz qui se retrouva à la tête des naufragés. Et parce qu'il y avait trop de bouches inutiles à nourir, pour préserver ses projets de mutinerie auxquels il ne renonçait décidément pas, pour conserver la mainmise sur ses hommes, par ennui, par goût bientôt, Cornelisz se mit à organiser le massacre de tous ceux qui ne lui avaient pas fait allégeance. Hommes, femmes, enfants, bébés. Sous de fumeux prétextes d'abord, puis au hasard de l'humeur et sans plus se chercher d'excuses.
Et bientôt, nous voici dans la configuration suivante : un troupeau de malheureux sous la coupe d'une bande de brutes armées menées par un demi psychopathe ; une bande de soldats désarmés dont on avait cru se débarrasser en les envoyant sur un îlot aride mais qui avaient survécu, menés par un homme bien décidé à organiser coûte que coûte la résistance... et là-bas au loin, bien loin, une petite embarcation surchargée qui vogue vaillamment vers Java, la colonie de Batavia, l'autorité du gouverneur.

Ce qui ressemble au scénario d'un film d'aventure, tendance thriller, est bel et bien arrivé, et le livre de Mike Dash, étroitement basées sur les archives de la Compagnie, n'a rien d'un roman. Il se lit comme tel en revanche, et fait partie de ces ouvrages historiques qu'on aimerait trouver plus souvent : précis, documenté, argumenté, agréablement écrit, capable de ménager un certain suspense par les choix de narration et d'élargir son sujet à tout ce qui permet de mieux le comprendre (de l'historique de la Compagnie des Indes à l'itinéraire personnel des personnages impliqués, de la construction du navire à la redécouverte de son épave dans les années 1960, le tout mêlé d'éléments prudents de théologie et de psychologie criminelle pour tenter de cerner le caractère de Cornelisz).
Une lecture aussi riche que passionnante, à laquelle manque juste une bibliographie pour étoffer et appuyer le propos.

Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Parmi ceux qui survécurent à Jacob Pietersz et à ses compagnons de mutinerie, rares furent ceux qui connurent une fin heureuse.
Ce fut pourtant le cas de Johannes Van der Beeck. Torrentius, au nom duquel Jeronimus fut accusé du meurtre de cent
quinze personnes des deux sexes et de tous les âges, ne purgea que deux des vingt années de prison auxquelles il avait été condamné pour hérésie - et encore, dans des conditions de détention plus que confortables, puisqu'il disposait d'une bonne ration de vin et pouvait recevoir des visiteurs dans sa cellule. Sa femme Cornelia, dont il était pourtant séparé depuis quatorze ans, fut parmi les plus assidus de ses convives. Elle avait l'autorisation de venir lui tenir compagnie jusqu’à deux semaines d'affilée.

Torrentius pouvait compter sur des alliés puissants, en Hollande comme en Angleterre. Parmi ses relations figurait le prince Frederik Hendrik d'Orange en personne, stadholder de la République de Hollande, qui tenta sans succès d'obtenir la libération du peintre peu après sa condamnation. Le roi Charles Ier d'Angleterre, un autre illustre admirateur de Van der Beeck, semble n'avoir pas été trouble outre mesure par ses hérésies. En 1630, il écrivit en Hollande pour demander que Torrentius soit envoyé à la cour d'Angleterre. Contre l'avis des bourgmestres de Haarlem, Frederik Hendrik accepta de lui accorder son pardon et, en retour, Charles promit que dans son royaume le peintre «serait autorise a exercer son art, mais pas sa langue impie». Sir Dudley Carleton, l'ambassadeur d'Angleterre qui fut chargé d'escorter Van der Beeck pour le ramener à la cour royale, s'en fit une opinion relativement favorable, puisqu'il le décrivit comme n’étant « certes pas aussi angélique que le prétendent ses amis, mais pas aussi diabolique qu'au dire de ses ennemis». La grâce de Torrentius fut signée le 11 juillet 1630, quatre jours après l'arrivée des premiers vaisseaux de la flotte des Indes à Rotterdam, et bien avant que la nouvelle du naufrage du Batavia - et donc le rôle qu'avait pu y jouer le peintre, en tant qu'inspirateur de Cornelisz - ait eu le temps de s’ébruiter. On peut se demander si la décision de gracier Torrentius eût été maintenue, au cas où la flotte serait arrivée une semaine plus tôt.

De 1630 à 1641 ou 1642, Van der Beeck vécut à la cour d’Angleterre où il semble avoir «fourni plus de motifs de scandale que de satisfaction » selon la formule de Horace Walpole. Il peignit relativement peu. Finalement, la pension qu'il recevait du roi fut supprimée pour cause de guerre civile et le peintre regagna discrètement la Hollande. N'ayant plus un sou vaillant, il dut se faire entretenir par sa vieille mère jusqu’à sa mort, qui survint en février 1644. Les autorités calvinistes l'avaient soit oublié, soit pardonné, car le célèbre hérétique de Haarlem fût enterré en terre consacrée, dans les murs de l'église nouvelle d'Amsterdam.
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La plupart de ses tableaux avaient été confisqués et brûlés par l'exécuteur des hautes œuvres, pendant ou après son procès, et les quelques toiles qu'il peignit en Angleterre ont été perdues. On a longtemps pensé qu'aucune de ses œuvres n'avait survécu, mais juste avant la Première Guerre mondiale, une toile fut redécouverte. Il s'agit d'une nature morte ayant appartenu à Charles Ier et représentant une bonbonne et une cruche près d'un verre de vin et d'une bride. La toile avait disparu en 1649, après la mise aux enchères de la collection royale. On ne sait trop comment, on la vit réapparaître en Hollande, aux environs de 1850. On avait perdu toute trace de ses origines. Elle fut acquise par un certain J.F. Sachse, épicier à Enschede, et survécut par miracle au grand incendie qui ravagea la ville en 1862. Elle fut finalement retrouvée et identifiée en 1913 - à l'époque les héritiers de Sachse s’en servaient comme couvercle, pour protéger un baril de raisins secs. Après sa restauration la toile rejoignit les collections du Rijksmuseum d'Amsterdam, où elle est actuellement exposée.
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Si Jeronimus était un familier et un disciple du peintre, et s'il essayait vraiment d'accorder sa propre conduite à ses enseignements, force est de constater qu'il en a donné une interprétation monstrueuse. Nous ignorons tout des véritables opinions de Torrentius si ce n'est qu'elles s'écartaient résolument de l'orthodoxie dominante et qu'il avait probablement certaines idées épicuriennes et gnostiques. Il serait certainement abusif d'assimiler le peintre à la confrérie de la Rose-Croix ou aux Libertins. Torrentius ne croyait peut être pas de façon littérale aux mythes que relate la Bible, et tout comme Cornelisz il réfutait sans doute l'existence de l'enfer, mais rien ne nous permet d'en conclure qu'il partageait sa conviction d’être inspiré par Dieu dans le moindre de ses actes, et jusque dans le meurtre. Il serait donc injuste de lui faire assumer la responsabilité du carnage des Abrolhos.
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Simon Leys, liminaire des Naufragés du Batavia.

Enfin Mike Dash vint. Avec son Batavia's Graveyard, cet auteur-ci a vraiment mis dans le mille - et il ne me reste plus rien à dire. Dash démêle et organise clairement les fils complexexes des personnages et des événements; il les situe dans leur contexte historique, et surtout, il a accompli un prodigieux travail de détective dans les archives hollandaises de l'époque. Après avoir lu et relu cette synthèse définitive, j'ai remisé une fois pour toutes la documentation et les notes, photos et croquis que j'avais glanés sur cette affaire dans les bibliothèques et sur le terrain : je n'en aurai plus jamais besoin. Et maintenant, en publiant les quelques pages qui suivent, mon seul souhait est qu'elles puissent vous inspirer le désir de lire son livre.
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Les anabaptistes s'étaient révélés de dangereux révolutionnaires ne craignant pas de s'opposer activement aux autorités laïques et déniant toute allégeance aux pouvoirs terrestres, qu'ils soient féodaux ou fédéraux. A Münster, ils avaient renversé les valeurs et l'ordre établis au point de mettre toutes leurs possessions en commun, et de partager les vivres et les biens entre tous, en fonction des besoins de chacun. Vers la fin du siège, comme les femmes se trouvaient nettement majoritaires, les chefs avaient même institué un système de polygamie.
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