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EAN : 9782070280612
296 pages
Gallimard (18/04/1972)
4.32/5   11 notes
Résumé :
René Daumal (1908-1944), poète (Le Contre-Ciel), conteur (La Grande Beuverie, Le Mont Analogue), a laissé une œuvre importante d'essayiste, enfin réunie en deux volumes.

L’Évidence absurde et Les Pouvoirs de la Parole mettent à la disposition du lecteur, dans un ordre chronologique, l'essentiel des spéculations philosophiques et des réflexions poétiques de cet écrivain d'une richesse de pensée peu commune. A travers l'ouvre de l'essayiste - car ce so... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
René Daumal connaît la nature du rire absurde en sa qualité de pataphysicien et il sait que ce n'est pas drôle. C'est pourquoi on peut en rire tout le temps, avec force et méchanceté, jusqu'à sentir passer sur sa peau « le granuleux hérissement du sublime ».


L'essai consacré à Spinoza (« le non-dualisme de Spinoza ou la dynamite philosophique ») nous aidera à mieux comprendre cette position limite, menaçante comme une crise épileptique. Il suffit de se souvenir que Spinoza a écrit : « L'âme en effet éprouve la Joie lorsqu'elle agit, c'est-à-dire lorsqu'elle connaît, et la Tristesse lorsqu'elle pâtit ». La joie ne doit pas être confondue avec le plaisir. La joie naît dans les souffrances de la connaissance. Elle est absurdement voulue malgré les souffrances mais se révèle savoureuse à un degré extatique que jamais les plaisirs subis ne sauraient égaler. Voilà ce qu'est la joie : la souffrance dans le but de connaître. Ce n'est pas une joie drôle, c'est le rire terrible qui veut faire éclater le scandale : l'humanité a appris le langage pour dissimuler ses angoisses. Oui, le langage ne serait qu'un lénifiant sans valeur, dévitalisé, abandonné aux bavards ensommeillés :


« Et si à nous autres pataphysiciens le rire souvent secoue les membres, c'est le rire terrible devant cette évidence que chaque chose est précisément (et selon quel arbitraire !) telle qu'elle est et non autrement, que je suis sans être tout, que c'est grotesque et que toute existence définie est un scandale. »


Lui, René Daumal, joue au « Grand jeu » sans règles et danse avec toute l'énergie flamboyante non de son corps -perdu à ses origines animales- mais de sa poésie, qui devrait être à l'image de ce déchaînement primaire. Forces tribales qui ne représentent pas la sympathique et naïve enfance des civilisations, ainsi qu'ont voulu nous le faire croire certains critiques d'art lorsqu'ils ont découvert les objets nègres, mais la violence sans mots de la vie.


« […] fourrez donc seulement la tête dans cette tête en viande d'arbre et en ficelle, pour voir du point de vue des millénaires ici présents, pour voir du point de vue du bout de bois, du dedans du dedans, du dehors du dehors […]. »


René Daumal donne le tournis et à la fin de la voltige, lumière : quelques réseaux de compréhension se seront retrouvés. La sauvagerie devient véritablement sublime, peuplée de ses arbres tortueux, de ses animaux charognards et de ses peuplades primitives, et nous fait regretter de n'être qu'un animal domestiqué.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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Citations et extraits (80) Voir plus Ajouter une citation
Ses mains ont été tranchées pour qu'il ne puisse y cacher son visage.
Après s'être jeté la tête contre les murs, puis avoir éclaté du rire inévitable de la folie, il parvient à ce suprême renoncement : ne pas se tuer.

http://wp.me/p5DYAB-1oB
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Une autre opposition qui s’évanouit dans l’œuvre de Spinoza, c’est celle de la Joie et de la Vertu. La doctrine dite « chrétienne » a solidement implanté dans l’opinion du monde occidental le préjugé que la souffrance est bonne par elle-même, et la Joie mauvaise : l’homme doit souffrir sur cette terre, pour gagner […] un bonheur perpétuel dans le ciel. […] Mais ce que le monde chrétien a oublié, c’est que la souffrance n’est pas celle de l’être qui progresse ; mais de ce qu’il dépasse, surmonte et brise dans son progrès. Et sa Joie essentielle est à la mesure même de cette souffrance.
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Forage. Le puits étant polarisé par une intense attention, on en fera jaillir la science en le frappant au bon endroit avec un objet de valeur opposée, retournant violemment l’attention centripète vers la direction centrifuge du sujet. […] Reprenons notre exemple ecclésiasteux. Chaque acolyte, tour à tour, vient se placer dans la sulpiçottière, et, d’une voix vibrante le premier crie : « Simon dit Pierre, un ! », le second : « Jacques ben Zébédée, deux ! » et ainsi jusqu’au onzième. Lorsque les acolytes ont remarqué, sur le mufle du gibier, la terrible et inévitable interrogation, tous éclatent sinistrement de rire et, tendant onze bras accusateurs vers la trogne, crient : « Judas Iscariote, douze ! ». Le renversement attentionnel est accompli. Le puits est foré. Nos gens, qui attendaient, cachés dans le bassin qui orne la place, ce moment décisif, accourent avec des seaux, des cuves, des outres, des hanaps, des bocaux, des fioles, des wagons-citernes, des cruches, des soupières, des tombereaux, des sarcophages, des flûtes, des pipe-lines, des pelles, des écumoires, des pincettes, et tout ce qu’il faut, enfin, pour recueillir la science théologique qui ne cesse de couler par la tonsure béante du prélat. […]
La science ainsi recueillie (le jaillissement peut continuer jusqu’au dimanche suivant) va prendre la place qui lui est due sur les rayons de chair vivante de notre pataplosthèque.
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Mais l’existence de chaque chose, de toutes les choses, du monde ; la présence de quelque chose qui n’est pas toi-même, l’existence de personnes et de consciences distinctes de soi, ta propre existence, enfin, comme être individuel et fini, tout cela doit, si tu t’éveilles vraiment, t’apparaître comme intolérablement absurde.
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Vous croyez peut-être que [les objets nègres] sont beaux, les bonshommes, vous croyez peut-être qu’ils sont drôles, et qu’ils ont le génie et la fraîcheur de la jeunesse et le charme si particulier (tatsim ! tatsim !) des « peuples-enfants », et bien au goût du jour, pas vrai, morveux de la cervelle, civilisés, mais regardez-les, ces bouts de bois, ils se foutent de vous. Si vous saviez à combien de déluges d’eau, de vent, de feu ils ont survécu avec leur rire d’au-delà toutes les voûtes crâniennes et célestes, qui est de chaque instant, qui est de chaque battement de ta tempe, monsieur, rire au fil de rasoir au ras de l’artère gonflée de ton sale sang de fausse brute !
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Vidéo de René Daumal
[RARE] René DAUMAL – Une Vie, une Œuvre : La traversée des apparences (France Culture, 1992) Émission "Une Vie, une Œuvre" par Jacqueline de Roux, sous-titrée "la traversée des apparences", diffusée le 10 décembre 1992 sur France Culture. Invités : Pascal Sigoda, André Coyne, Nadine Nimier, Jean-Marie Turpin, Geneviève Lieff et Jean Bies. Lecteurs : Catherine Laborde, Serge Renko, Sandrine Romel et Patrick Liegebel.
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