Le thé, c'est-à-dire celui qui est fourni en briques au Tibet et en Mongolie, est bouilli pendant un assez long temps. Le liquide est ensuite versé dans une baratte; on y ajoute du sel, du beurre [de yak] et un peu de soude, celle-ci donne au thé une couleur rosée agréable. Le tout est vigoureusement baratté, puis passé à travers une passoire en bambou afin qu'aucune feuille de thé ne demeure dans le liquide. Celui-ci est alors versé dans de grandes théières qui sont posées sur de la cendre chaude ou bien tenues près du feu afin que le thé qui s'est refroidi pendant le barattage se réchauffe doucement sans arriver au point d'ébullition. Les Tibétains préfèrent boire leur thé tiède.
Des coutumes barbares et des bandits pittoresques ne sont pas les seuls côtés curieux de l’Extrême-Occident chinois. Depuis des siècles, le pays de Kham qui y touche a été le foyer de la magie, de la sorcellerie en même temps que celui des plus remarquables intellectuels tibétains. Une partie seulement du Kham a été annexée à la Chine, mais du territoire resté purement tibétain et, par-delà celui-ci, du Tibet propre, l’écume de la mer profonde de l’occultisme déborde dans le Sikang et le Ching-Hai. Les Lolos et certains aborigènes du Yunnan y apportent aussi leur contribution.
Ces prédécesseurs des Chinois s’appelaient Is. Se donnaient-ils eux-mêmes ce nom ? – Ce n’est point certain. Les anciennes chroniques chinoises les désignent ainsi et I signifie « sauvage ». Mais peut-être est-ce que c’est parce que ces indigènes moins civilisés qu’eux se dénommaient Is que les Chinois ont fait de ce nom le synonyme de « sauvage » ?
Ces Is sont décrits comme étant de haute stature, ayant le teint brun, de longs cheveux noirs, les pommettes saillantes et le nez droit. Leurs grands yeux non bridés leur donnaient une physionomie très différente de celle des individus d’origine mongole. En fait, ils ressemblaient aux Indiens Peaux-Rouges de l’Amérique.
Un renseignement nous est pourtant fourni par les vieilles chroniques chinoises. Quels qu’aient pu être les lointains ancêtres des Chinois, qu’ils aient été des aborigènes du bassin du fleuve Jaune ou bien des immigrants venant de l’Asie Centrale ou de régions du Sud avoisinant la Birmanie actuelle, la Chine n’était point déserte à l’époque de leurs pérégrinations. Au cours de celles-ci, ces anciens Chinois rencontrèrent des hommes d’une autre race que la leur. Nous basant sur les chroniques chinoises, nous pouvons croire que ces « sauvages », comme les Chinois les dénomment, étaient établis en Chine 2 700 ans avant Jésus-
Christ.
Vidéo de Alexandra David-Néel