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Citations sur L'Inde où j'ai vécu (20)

"En ce temps-là, le musée Guimet était un temple.

C’est ainsi qu’il se dresse, maintenant, au fond de ma mémoire.
Je vois un large escalier de pierre s’élevant entre des murs couverts de fresques. Tout en gravissant les degrés, l’on rencontre successivement un brahmine altier versant une offrande dans le feu sacré ; des moines bouddhistes vêtus de toges jaunes s’en allant quêter, bol en main, leur nourriture quotidienne ; un temple japonais posé sur un promontoire auquel conduit, par-delà un torii rouge, une allée bordée de cerisiers en fleur. D’autres figures, d’autres paysages de l’Asie sollicitent encore l’attention du pèlerin montant vers le mystère de l’Orient [...].
A droite, est une toute petite salle de lecture où les fervents de l’orientalisme s’absorbent en de studieuses recherches, oublieux de Paris dont les bruits heurtent en vain les murs du musée-temple, sans parvenir à troubler l’atmosphère de quiétude et de rêve qu’ils enclosent.
Dans cette petite chambre, des appels muets s’échappent des pages que l’on feuillette. L’Inde, la Chine, le Japon, tous les points de ce monde qui commence au-delà de Suez sollicitent les lecteurs... Des vocations naissent... la mienne y est née.
Tel était le musée Guimet quand j’avais vingt ans".
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[...] ... Pas mal d'erreurs ont été répandues au sujet de la lutte que Gandhi mena en faveur des "intouchables*" qu'il dénommait euphémiquement : Harijan - enfants de Dieu. Il a été dit que Gandhi se plaisait à vivre avec les "intouchables" ; c'est tout à fait inexact.

Il existe dans l'Inde, des hommes appartenant par hérédité à l'une ou l'autre des castes "intouchables" et qui sont ou riches, ou distingués par leur savoir comme le Dr Ambedkar, possesseur de grades universitaires de plusieurs universités occidentales et qui occupe un poste de ministre dans le gouvernement de l'Inde. L'ostracisme qui frappe la masse des "intouchables" est passablement atténué à leur égard. Quant à la tourbe des parias, Gandhi ne se plaisait certainement pas à partager leurs taudis infects et il serait absurde de lui en faire un grief.

Les conditions dans lesquelles s'est effectué le séjour spectaculaire que Gandhi voulut faire dans le quartier des "intouchables" (en majorité des balayeurs de rue) à Delhi, en 1946, sont peu connues en dehors de l'Inde. Gandhi ne s'installa pas bonnement comme commensal d'une famille de parias. Une maisonnette fut construite spécialement pour lui sur une parcelle de terrain soigneusement nettoyée et, pour en éloigner tout voisinage déplaisant, l'on déplaça un certain nombre d'"intouchables", guenilleux et pouilleux, considérés comme "voisinage déplaisant."

Ce contre quoi Gandhi s'insurgeait, ce n'était pas, précisément, la condition matérielle de la masse (environ 60 millions) d'individus relégués hors de la vie sociale et voués héréditairement à des besognes répugnantes et malsaines ; il s'affligeait, en premier lieu, de l'interdiction faite à ces parias d'entrer dans les temples pour y adorer les dieux. Il lui semblait que, si l'accès des temples leur devenait permis, le reste ne comptait guère. Pour ce reste, c'est-à-dire pour toutes leurs nécessités matérielles, ils pouvaient, eux, les Harijan - les enfants de Dieu - s'en remettre à leur Père.

Nehru était loin de partager ses vues. Il écrivait :

"Derrière le mot, "le Seigneur des pauvres" (Daridranarayan, un terme que Gandhi employait), il semblait y avoir une glorification de la pauvreté. Dieu était spécialement le Dieu des pauvres. Ils étaient son peuple élu. Je suppose que telle est partout l'attitude religieuse. Je ne l'apprécie pas, la pauvreté me semble, au contraire, être une chose haïssable qui doit être combattue et extirpée et non point encouragée de quelque manière que ce soit.

Cela conduit inévitablement à attaquer un système qui tolère et produit la pauvreté et ceux qui reculent devant cette nécessité doivent justifier l'existence de la pauvreté d'une façon ou d'une autre (= en Inde, cela se fait par les théories de la réincarnation). Ils ne peuvent que penser en termes d'insuffisance des produits et ne peuvent imaginer un monde abondamment pourvu de tout ce qui est nécessaire à la vie. Probablement, d'après eux, "il y aura toujours des riches et des pauvres avec nous."

Chaque fois que j'avais l'occasion de discuter ces questions avec Gandhi, il insistait sur le principe que les riches devaient se considérer comme les administrateurs de leurs biens pour le bénéfice du peuple. C'est là un point de vue qui remonte à une haute antiquité ; on le rencontre souvent dans l'Inde comme dans l'Europe du Moyen-Age."


* : l'on se rappellera que, d'après l'antique système des castes, il existe quatre castes : brahmines, kshatryas, vaishyas et soudras. Il ne faut pas confondre les soudras avec les "intouchables". Les soudras ne sont nullement "intouchables". Mais en-dehors des quatre castes, il existe une grande masse d'individus qui n'appartiennent à aucune d'elles (les hors-castes). Ceux-ci se subdivisent encore en plusieurs fractions et ce sont les individus appartenant à l'une de celles-ci qui sont tenus pour "intouchables." ... [...]
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Je ne suis pas allée dans l'Inde en touriste; tout au long des nombreuses années que j'y ai passées je me suis cantonnée dans une unique recherche : l'étude des aspects profonds de la mentalité religieuse des Indiens. Cela m'a amenée à me mouvoir presque exclusivement parmi ce monde de mystiques et de pesudo-mystiques qui s'étend des très doctes pandits interprètes des Védas à des sannyâsins altièrement agnostiques et des sadhous extatiques.
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Cette plage de sable, ce paysage quasi-désertique baignant dans la clarté rosée du matin, c'était l'Inde de mes rêves que je venais d'atteindre.
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Le pandit Nehru remarque encore : « Dire à Gandhi que la science et la technologie industrielle pourraient nourrir, vêtir et loger toute population et élever considérablement son niveau de vie si des intérêts d’ordre capitaliste ne créaient pas des obstacles, n’éveille aucune réponse en lui. Il ne souhaite pas que le peuple prenne comme idéal un confort et des loisirs s’accroissant.
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[...] ... Il est évident que, lorsque les hindous [= adeptes de l'hindouisme] se prosternent devant les statues de leurs dieux, ils entendent non point adorer une idole matérielle, mais s'adresser au dieu ou à la déesse que la statue représente. Il en est ainsi des adeptes de toutes les religions qui admettent le culte des images.

Toutefois, dans l'Inde, ce culte est basé sur des conceptions très différentes de celles qui ont cours dans les pays occidentaux.

Tout d'abord, avant que l'idole soit considérée comme propre à être l'objet d'un culte, il est essentiel qu'elle ait été "animée", c'est-à-dire qu'elle soit devenue vivante. Avant ce moment, la statue, quelle qu'elle soit, n'est qu'un morceau de bois ou un bloc de pierre sculpté auquel aucun respect n'est dû.

N'importe quel objet peut être rendu vivant, et, à lui, peuvent s'attacher des propriétés, des facultés et des vertus propres aux êtres vivants. Si les effigies des déités sont plus particulièrement choisies pour être douées de vie, c'est que leur forme, évoquant celle d'un dieu ou d'une déesse, est plus susceptible de capter l'attention des dévots et de les amener, consciemment ou non, au degré de concentration de pensée nécessaire pour infuser de la vie à la matière inerte. Cependant, nous rencontrons aussi, dans l'Inde, de simples pierres adorées comme des déités et les plus vénérées des idoles de l'Inde sont trois blocs de bois à peu près informes. J'entends : Jaganath, le "Seigneur du monde", son frère Balabhadra et sa soeur Subhadra, adorés dans le célèbre temple de Pouri, au sud de l'Inde.

La communication de la "vie" se fait au moyen du rite dénommé prâna pratishtâ, c'est-à-dire transmission du souffle vital.

Ce souffle vital est, au cours du rite, emprunté au célébrant et aux assistants. Ceux-ci concentrant fortement leur volonté opèrent, à un moment donné, une transfusion de l'énergie qui est en eux et l'incorporent dans l'effigie jusque là inerte. D'après cette théorie, la statue ou l'objet quelconque ayant subi l'influence du rite devient un individu digne de vénération et possédant une somme de forces actives.

Il est curieux et impressionnant d'assister à la célébration du prâna pratishtâ, d'observer l'état d'extrême tension nerveuse d'une assemblée de fidèles, tous concentrés dans un effort de volonté tendant à transmettre à une statue une part de leur vitalité. Le mot pratishtâ est constamment répété par l'officiant et par les assistants qui, souvent, miment le geste d'arracher quelque chose hors d'eux et de le projeter vers la statue placée sur l'autel. Leur attitude paraît démontrer qu'ils savent que ce n'est pas un dieu ou une déesse résidant dans un séjour céleste qui en descendra pour s'incorporer dans son image, mais que c'est eux-mêmes qui habiteront cette image et que, lorsqu'ils s'adresseront à elle, ce sera à eux-mêmes, à l'énergie issue d'eux, qu'ils auront recours. Néanmoins, on a sujet de craindre qu'ils ne saisissent pas toujours, ou ne saisissent qu'incomplètement la signification du rite qu'ils accomplissent.

Cette ardente concentration d'esprit de tout un groupe d'individus est bien propre à produire des hallucinations. Lors d'une cérémonie à laquelle j'assistais, certains des adorateurs déclarèrent qu'ils voyaient la statue de la déesse Dourga pencher la tête vers eux en leur souriant. ... [...]
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[...] Il me faut y revenir pour signaler l'antagonisme existant entre la prédication de "non-violence" à laquelle Gandhi s'était consacré et la formation, par ses ex-disciples, d'une armée dont le rôle est de semer la mort sur terre, sur mer et dans l'air.
Nehru n'avait pas manqué de s'apercevoir de cette anomalie. Il avait confessé : "Il est étrange, avait-il dit, qu'après avoir souscrit au principe de la non-violence, je fasse maintenant l'éloge de l'armée, mais il y a des circonstances..."
Évidemment, il y a "des circonstances" ; il y en a toujours pour empêcher les hommes de réaliser en pratiques les principes auxquels ils ont adhéré en esprit. Nul ne doit être particulièrement blâmé à cause de ses inconséquences à ce sujet car la faute, ou plutôt l'illogisme, nous est commun.
Pousser la non-violence jusqu'à son extrême logique conséquence, c'est pour un individu, se laisser tuer sans se défendre, et pour une nation, accepter d'être annihilée sans résister. Seuls, des sages ou des saints, sont capables de demeurer strictement fidèles à cet idéal ; et si l'on peut rencontrer des sages ou des saints isolés, il n'a jamais existé de nation entièrement composée des uns ou des autres.

p. 388
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Il ne me restait qu'à crier : Vive l'Inde ! Jai Hind ! Et j'étais toute prête à la faire une fois de plus, non point que mon ami le magistrat m'eût pleinement convaincue, mais parce que ... pare que j'aime l'Inde, un peu parce qu'elle est en maints points admirable ... et beaucoup parce que là-bas, il y a longtemps, dans cette sorte de temple qu'était alors le musée Guimet, l'Inde a jeté sur moi un charme dont je ne me suis jamais libérée.
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Combien j'aime l'Inde raisonneuse, avide de ses discussions quintessenciées que l'on tient sous un parasol de paille, au bord du Gange ou à l'ombre d'un banian et qui, commencées sous le soleil brûlant, se continuent pendant la nuit entière dans la fraîcheur embaumée des jardins !
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Ce n'était pas une simple curiosité de touriste qui m'incitait à pénétrer dans les temples. Ce qui m'attirait, c'était l'extraordinaire atmosphère psychique dans laquelle on s'y trouvait plongé.
Tout un monde d'idées, de perceptions insolites y sollicitaient impérieusement l'attention; il en émanait de la terreur et, par-delà celle-ci, une sorte de béatitude narquoise, indicible, qui ensorcelait. Je subissais le charme, je le savourais sans pourtant laisser entamer ma lucidité; plus d'un étranger a perdu la sienne au contact de la magie de l'Inde.
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