Les souvenirs appartiennent au règne des oiseaux, ils laissent une plume quand ils s'en vont. Grâce à elle, on sait à quelle espèce ils appartiennent.
Tu disais qu’en montagne on est un intrus et qu’on passe grâce à une indulgence de la nature. Il suffit de peu pour être repoussé, pour devoir renoncer. C’est ainsi que tu mesurais notre taille d’êtres humains et tu l’estimais insignifiante. Pour le savoir, tu avais besoin de cette vaste solitude.
En montant, il rencontrait des arbres, il s’arrêtait près du dernier, celui qui avait pris racine à l’écart des autres, le plus exposé à la foudre. Celui qui s’approche d’un arbre sait qu’il est enlacé par son ombre. En échange, il donne une caresse au tronc.
Le dernier pas de la montée lui faisait toucher l’extrémité où s’arrête la terre et où commence le ciel. Un sommet atteint est un bord de frontière entre le fini et l’immense. Là, il arrivait à la distance maximale de son point de départ. Un sommet n’est pas une ligne d’arrivée, c’est un barrage. Là, il faisait l’expérience du vertige qui, en lui, n’était pas un appel du vide vers le bas, mais se pencher sur le vide du haut. Là, sur le sommet, il percevait la divinité qui s’approchait. Là-haut, il s’enveloppait de vent. Un sommet sans choc de masses d’air sur soi est effrayant. Car l’immense retient son souffle.
Les despotes commettent leurs crimes non par volonté de puissance, mais par terreur. Ils chassent leurs cauchemars en ordonnant des massacres. Ainsi, Pharaon aura recours à la noyade des nouveau-nés mâles des Hébreux, faisant du Nil, source de vie, une machine de mort. Celui qui souillera l'eau en sera souillé.
Quand l'écriture se débarrasse de son auteur, elle appartient à celui qui la lit et fait de chaque lecteur suivant son héritier direct.
La foule du campement cessa toute occupation pour s’approcher. Tout leur tomba des mains, sauf les enfants des bras de leurs mères. Ils accoururent dans une effervescence de pas. Le silence qui suivit fut celui du lait qui caille. Dans la paix d’un puits, dans la circoncision d’Abraham sur lui-même, dans la paume d’une main passée sur les yeux, il existe un silence de condensation. Ils respiraient seulement par le nez pour ne pas faire de bruit en eux-mêmes.
L'admiration est un sentiment joyeux qui se réjouit d'un bien possédé par d'autres, il est bon pour le sang et le sourire, c'est un sifflement de félicitations, un applaudissement des yeux. Il ne t'est pas demandé de détourner le regard, tu ne dois pas censurer une beauté. Reste à ce niveau d'admiration, sans chercher à vouloir prendre possession. Ce qui est à toi, même si c'est peu, c'est ta primeur.
Il était heureux dans le vent, il l'accueillait à l'écoute. Il était de ceux qui saisissent une phrase là où les autres n'entendent que du vacarme.
Au milieu des cimes brisées par la foudre, il était heureux d'offrir ses gouttes de sueur au vent, qui les ajoutait au reste des matières premières.