AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,78

sur 83 notes
5
7 avis
4
10 avis
3
6 avis
2
0 avis
1
0 avis
Quelque part près de St-Petersbourg, en Russie, embourbés dans la neige, quelques dizaines de milliers d'Espagnols se battent pour le 3e Reich. C'est la division Azul, venue prêter main forte aux Allemands. Cette division est composée à moitié de soldats d'expérience, quand à l'autre moitié… disons qu'elle est composée de volontaires, c'est-à-dire d'un peu n'importe quoi, incluant des éléments peu désirables. Franquistes, phalangistes et communistes, les ennemis d'hier, se retrouvent réunis dans un même combat. Assez original comme « décor ». Avant de lire cette histoire, je ne savais même pas que des Espagnol s'étaient battus aux côtés des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est là que se dévoilent les Empereurs des ténèbres.

Et c'est un étrange mélange que ces soldats espagnols au sang chaud et ces officiers de liaison allemands très droits et professionnels, bien équipés et ayant toujours une tenue impeccable (un peu stéréotypé mais bon…). Et que dire des Russes. Pas les communistes ennemis qui canardent et mitraillent tout ce qui bouge, non, on les voit à peine ceux-là. Je fais référence aux simples villageois des environs, des paysans déguenaillés et des prostituées voluptueuses que les soldats fréquentent… de bons vivants eux aussi.

Mais, au milieu de cet enfer, c'est l'ennemi intérieur que l'on craint : un soldat est retrouvé mort. Pas une victime d'une balle perdue, non, un crime odieux perpétré avec préméditation. C'est alors qu'entre en scène Arturo Andrade, que l'on charge de l'enquête. Mais, pour trouver la solution à cette énigme, il doit fouiller dans le passé de quelques uns de ses frères de combats, se mêler à certains dans leur dur quotidien et surtout bien manoeuvrer entre le commandant et colonel, et les officiers de liaison allemands.

Le titre énigmatique, Empereurs des ténèbres, laisse entendre des éléments surnaturels, à tout le moins sombres et gothiques. C'est peu le cas, même si on fait parfois allusion à la franc-maçonnerie et autres saint frusquin. L'intérêt réside essentiellement dans le fait mener une enquête en pleine Seconde guerre mondiale, et en plus dans cette unité spéciale de la division Azul. C'était nouveau, rafraichissant. Et horrible en même temps. L'enquête en soi n'est pas enlevante et Arturo Andrade, même s'il a un passé trouble, ne se démarque pas particulièrement. J'ai remarqué qu'Ignacio del Valle avait écrit une suite à ses aventures, j'espère qu'il saura rendre son personnage plus attachant. Au moins, il y avait suffisamment d'actions et de suspenses.
Commenter  J’apprécie          464
On assassine. Même en enfer. "Tant que nous portons un enfant en nous, nous pouvons échapper au mal sous le manteau de l'innocence ". C'est cette conviction qui fait tenir et avancer le héros, Arturo Andrade, de cet excellent roman noir.

1943. Campement espagnol de Mestelevo, à quelques kilomètres de Leningrad. le froid est insoutenable (il fait – 30°), la propagande allemande cache les victoires soviétiques à ses troupes, la faim et le doute sont des maux quotidiens. Et pourtant la souffrance et la barbarie engendrées par la guerre ne semblent pas suffisantes à l'Homme. En effet, le sergent Espinosa et le soldat Andrade viennent de découvrir le cadavre d'un homme égorgé et dont l'épaule scarifiée délivre un inquiétant message : " Prends garde, Dieu te regarde". Suite à cette macabre découverte, Andrade est convoqué par les hautes autorités de commandements espagnols et allemands. Dans une ambiance tendue, rythmée par les bombardements russes, il sera chargé de mener l'enquête. Les jours sont courts, la neige et le froid collent aux semelles et à l'âme, mais cet homme, au passé obscur, décide de mettre à l'épreuve son sens aigu de l'observation. Hanté par cette phrase désespérée entendue dans la bouche d'un officier "Ici les vivants ne comptent plus, alors les morts… vous imaginez… ", le ténébreux sergent Espinosa accepte de lui prêter main forte. Ce duo étrange, à la fois digne et cynique, devra affronter les remords et la folie des hommes et se demander ce qu'un mortel rituel maçonnique peut bien vouloir signifier alors qu'une guerre sans pitié bat déjà son plein.

Empereurs des ténèbres aborde un épisode dérangeant de l'histoire espagnole : la division Azul, ce détachement de 18000 soldats espagnols, tous volontaires, franquistes et phalangistes, que Franco avait dépêchés en Union soviétique pour appuyer l'armée allemande sur le front de l'est dans son offensive face à l'Armée rouge. de Valle utilise avec talent ce fond historique pour planter une intrigue minutieuse portée par des personnages authentiques rongés par leur passé. Empereurs des ténèbres est un roman crépusculaire, à plus d'un titre. le froid extrême, la faim, l'exaltation et la folie sont palpables à chaque page. Plus que les détails de l'intrigue, c'est son côté irréel qu'on retient : la guerre est en train de basculer, la défaite du Reich presque consommée, l'armée rouge campe à quelques centaines de mètres des lignes, et pourtant Andrade et sa hiérarchie s'acharnent à découvrir un (des ?) coupable(s) qui pas plus que les autres n'échappera(ont ?) aux massacres. Empereurs des ténèbres n'est pas un de ces romans policiers qui se dévorent en quelques heures, c'est un livre âpre, un voyage aux tréfonds de l'âme humaine. Un roman captivant, passionnant et remarquablement bien écrit.
Commenter  J’apprécie          392
Empereurs des ténèbres a de remarquable de faire évoluer le lecteur dans un roman policier au contexte historique très original, celui de la Division Azul.

1941, l'Allemagne déclenche l'opération Barberousse. Franco, sollicité par Hitler, accepte difficilement de déployer une division de volontaires espagnols au côté des forces d'invasion. Cette cohorte composée majoritairement de Phalangistes prendra le nom de la couleur de leur chemise, le bleu, Azul en espagnol.

1943, alors qu'ils sont sur le front de Léningrad, nous suivons l'enquête d'un soldat, ancien inspecteur de police, mandaté par l'état-major pour découvrir l'assassin d'un soldat de la division, où le mystère et le mystique se mélangent.

Ignacio del Valle nous fait découvrir une histoire de l'Espagne méconnue. Abordant les rivalités internes franquistes, l'auteur nous fait évoluer dans cet hiver russe terrible dans lequel notre enquêteur zigzague entre les bombes, les espions et les fous.

C'est un très bon roman que je vous conseille où l'Histoire et le Policier se marient particulièrement bien
Commenter  J’apprécie          220
A mi-chemin entre l'intrigue policière et le roman historique, Ignacio del Valle nous livre là une perle, n'ayons pas peur des mots. Il nous brosse dès les premières pages le tableau apocalyptique d'un homme égorgé, une inscription gravée sur l'épaule, pris dans la glace aux côtés d'une vingtaine de chevaux aux yeux exorbités, horreur digne de l'oeuvre « Guernica » de Picasso. Et la référence à ce tableau n'est pas fortuite de ma part, car nous nous retrouvons dans ce roman aux côtés de la Division Azul, bleue comme les chemises que portaient la majorité d'entre eux, les phalangistes. Ces volontaires espagnols, envoyés sur le front russe en appui aux armées allemandes, se trouvent animés pour la plupart d'entre eux par leur volonté d'en finir avec le communisme. Mais, finie la guerre d'Espagne dont les stigmates restent malgré tout encore tangibles dans les corps et les esprits, nous sommes à l'hiver 43, près de Leningrad. Chargé de l'enquête, le soldat Arturo Andrade va mener sa propre croisade, en lutte à ses démons mais aussi confronté à la folie des hommes, depuis les joueurs de violeta aux occupants hagards et fantomatiques d'un monastère reconverti en asile, sans compter la cruauté de soldats allemands aveuglés de haine et pétris d'intolérance. Grâce à une écriture riche et ciselée, cultivée, nous sommes hypnotiquement emportés dans cette intrigue, au rythme lent, comme paralysés à notre tour par le froid, la neige, mais fascinés par ces paysages qui absorbent et qui phagocytent, par cette âme russe. Comment s'extirper de cet enfer, de cette horreur quotidienne laminante? En devenant bourreau à son tour ? En cédant aux croyances quasi primales de l'existence des vampires ou des démons ? Il ne reste à Arturo qu'une dernière conviction, qu'une seule riposte, fragile et fine comme de la glace : le recours à l'innocence de l'enfance, comme un leitmotiv entêtant : « Vous portez en vous un enfant, souvenez-vous que tant qu'il en sera ainsi, vous pourrez échapper au mal en vous réfugiant sous le manteau de l'innocence, vous franchirez des rivières, vous essuierez des tempêtes, vous pourrez même traverser les flammes de l'enfer". Prière répétée, bienfaisante, salvatrice.
Ce roman est infernal, dans tous les sens du terme ; prisonniers que nous sommes de la toile que tisse petit à petit Ignacio del Valle, se débattre est inutile. Psychologique, horrifique, historique, nous passons par tous les états (en –ique of course) pour finir en apothéose sur un dénouement qui nous met à l'envers et encore inassouvis. J'ai lutté mais je me soumets : c'est un grand livre.
Commenter  J’apprécie          210
L'hiver 43 est rude sur le front de l'Est parmi les volontaires franquistes de la division Azul. Et ce qui domine, c'est le froid, un froid polaire, le froid partout, et le froid toujours, jusqu'aux os.

Glacée l'atmosphère. Seul le café chaud paraît salvateur : « Il but une gorgée stimulante, et retint le liquide sur sa langue ; la chaleur du café mélangé à l'alcool le conforta dans son opinion que n'importe quel coin de l'univers était un peu plus fréquentable avec une tasse à la main. » Les Espagnols de la division Azul n'y sont guère accoutumés à ce froid. C'est lui pourtant qui conserve le corps atrocement mutilé d'un jeune soldat vraisemblablement assassiné, par un meurtrier qui a gravé « Prends garde, Dieu te regarde » dans la chair de son cou. Arturo, dont la présence sur le front russe demeure mystérieuse mai paraît relever de la punition, est chargé d'une enquête plus que délicate dans le contexte militaire du moment.

Glacial ensuite le cul de sac dans lequel se trouve piégée la division Azul. Ignacio del Valle entraîne son lecteur dans un voyage halluciné, sur un champ de bataille de l'absurde, au coeur de l'enfer du siège de Leningrad. « Sous son emprise, entouré d'un halo glacial se détachant sur un ciel clair, Mestelevo patientait, tendu par l'attente ; on parlait d'une concentration de plus de quarante mille Russes, de centaines de pièces d'artillerie, d'orgues de Staline, et de nombreux chars d'assaut T-34 et KV-1 dans le saillant de Kolpino près de Krasny Bor, prêts à les dévorer corps et âmes. L'imminence de l'attaque et la proportion de trois contre un se reflétaient dans l'activité incessante de la Division dont la sérénité était cependant impressionnante ; des hommes extraordinairement jeunes renforçaient les tranchées et nettoyaient leurs armes avec tout le calme dont avaient fait preuve les Spartiates au défilé des Thermopyles, du moins tels qu'Arturo les imaginait. » C'est la fin du monde ou presque, comme dans l'excellent Deux dans Berlin, mais c'est une apocalypse qui se joue dans un registre différent. Outre un contexte historique passionnant (l'enlisement des troupes alliées aux Nazis sur le front de l'est, et le début d'un retournementde situation en faveur des Russes, un de ces instants où l'histoire semble basculer), on trouvera dans Empereurs des ténèbres de vraies qualités d'écriture, empreintes d'une certaine poésie qui sait éviter avec finesse l'écueil d'une hypothétique esthétique de la violence.

Glaçante enfin la confrontation avec l'horreur de l'extermination par balles sur le front oriental. « Tant de morts en si peu de temps … cela restait toujours aussi incompréhensible, sans pour autant exclure une fascination maladive. » Car Empereurs des ténèbres est bien plus qu'une enquête policière : celle-ci apparaît rapidement comme le prétexte d'une réflexion éthique, lucide et exigeante, envoûtante et en même temps assez terrifiante. « Dans la bulle de temps qui se forma, Arturo les observa tous, Kehren, Hilde, les SS : l'indolence de leurs regards, qu'il avaient déjà remarquée chez l'Einsatzgruppe, donnait l'impression que leur cerveau était toujours en retard sur leurs mains. Et il comprit que c'était eux, les nouveaux empereurs. Etranges pour eux-mêmes et pour le monde, n'ayant aucune notion du passé ou de l'avenir ; des enfants égoïstes et solitaires jouant sous le cil infiniment pur de la cruauté, tuant sans haine, sans raison, inaugurant ainsi pour le monde une époque implacable. »

Pas loin d'être magistral, avec une envie certaine de lire le second volet, Les Démons de Berlin.
Lien : http://le-mange-livres.blogs..
Commenter  J’apprécie          190
Des ibériques anticommunistes dans l'enfer glacé ( image descriptive facile...) du siège de Leningrad lors de la seconde guerre mondiale. Une enquête policière prétexte à évoquer la division Azul, peu connue, formée de volontaires espagnols engagés auprès des nazis sur les champs de batailles de la seconde guerre mondiale à l'instar de la division Charlemagne côté français.

Cette trame du roman est intéressante car évoque un  aspect méconnu de la guerre, l'engagement de troupes espagnoles pro nazies.

L'enquête policière est par contre plutôt confuse, sur une grande partie du roman, mais heureusement la fin, inattendue, rattrape cette impression de délitement, évitant ainsi de gâcher un bon roman ; ainsi j'avoue ne pas avoir très bien saisi ľutilité  des us et coutumes maçonniques dans la trame du livre...
Un soldat ex-officier retrogradé est chargé d'élucider un puis plusieurs assassinats (ironiquement sur un front de guerre...), en navigant entre luttes intestines de pouvoir entre supérieurs ďobédiences différentes,  au sein de la division et survie au quotidien dans un univers réfrigéré.
L'ensemble des protagonistes sont  antipathiques, égocentrés, manipulateurs, porteurs de lourds secret,  déshumanisés de fait et très réels puisque façonnés par le contexte et l'époque, et la plume sans concessions de del Valle,  au style et à  la forme sans reproches, rend son oeuvre très prenante au final.
Je lirai avec plaisir la suite de l'épopée d'Arturo Andrade suiveur de l'agonie du régime nazi en sa capitale avec "les démons de Berlin".

Commenter  J’apprécie          170
El Tiempo de Los Emperadores Extraños
Traduction : Elena Zayas

ISBN : 9782752906519

Peu importe si vous l'on soutient qu'"Empereurs des Ténèbres" est un roman policier : rien n'est plus faux. Il y a assassinats, bien sûr, et froidement prémédités, et bien sanglants dans une guerre qui atteignit des sommets de barbarie mais justement, les thèmes de ce roman, ce sont avant tout la Guerre, la Mort et la Folie.

D'origine asturienne, Ignacio del Valle a choisi de nous faire voir la Seconde guerre mondiale et, plus précisément, le moment où le vent tourne pour les troupes nazies sous l'assaut de l'Armée rouge et du sursaut patriotique impulsé par Staline à toute une nation qu'il déclarait pourtant la veille au soir la plus solide alliée du Führer, avec les yeux des Espagnols, les membres de la célèbre "División Azul" (littéralement "Division Bleue" en raison de la couleur de la chemise qu'ils arboraient), exclusivement composée de volontaires, qu'un Franco bien embêté mais ne pouvant renier l'aide apportée par Hitler et ses aviateurs lors de la Guerre civile, s'était débrouillé pour mettre à la disposition de la Wehrmacht à charge cependant pour celle-ci de les équiper.

Parmi ces volontaires, Arturo Andrade, jadis le lieutenant Andrade mais redevenu simple soldat après une condamnation pour crime passionnel. Son intelligence, profondément analytique, ses facultés de raisonnement hors de pair, qu'il a déjà exercées dans "L'Art de Tuer les Dragons", énigme bâtie autour de la disparition d'une oeuvre d'art, sortie en 2003 aux Editions Agaida, le font désigner presque immédiatement lorsque l'on découvre, dans la rivière gelée, au milieu d'un groupe de chevaux morts de froid en un plein élan qui fait irrésistiblement penser à une scène célèbre du génial "Kaputt" de Malaparte, un soldat égorgé, entièrement vidé de son sang, et sur la peau de qui on a gravé ces mots : "Prends garde, Dieu te regarde." Qu'on puisse entamer une enquête policière alors qu'on est cerné par l'Armée rouge et les partisans et que l'on mène soi-même une guerre où des milliers d'hommes tombent tous les jours, à quelque côté qu'ils appartiennent, peut paraître absurde mais la chose n'en reste pas moins nécessaire. Assurément, la victime n'est pas morte sous une baïonnette russe, les chevaux ne sont pas sortis comme ça pour se jeter dans des eaux glaciales et le mystère, si ce n'est un fou délirant, rôde non pas à l'extérieur de la Division mais bel et bien en son sein.

Andrade reçoit carte blanche de tous ses supérieurs hiérarchiques, espagnols comme allemands, pour mener l'affaire à terme. Il se lance, curieux mais prudent. Doté d'un sens logique que les horreurs vues durant la guerre, civile, puis mondiale, n'ont pas réussi à entamer, il cherche bien entendu un mobile. Mais il y en a-t-il vraiment un ? Ne va-t-il pas s'évanouir au moment même où Arturo y atteindra ?

Plus que l'intrigue policière, dont on comprend très vite qu'elle n'ait qu'un prétexte, c'est la guerre et tout ce qu'elle renferme en elle, aussi bien de parfois comique que de franchement atroce, qui retiennent ici notre attention. On en apprend beaucoup par exemple sur les rivalités qui s'exerçaient, au temps de la Phalange, dans le camp de Franco. On découvre, si on ne le savait déjà, en parallèle des dissensions favorisées par les Staliniens au sein des Républicains espagnols, la haine que portaient Phalangistes et Franquistes aux francs-maçons alors que ceux-ci conservaient leur sphère d'influence. Et, très vite, la haine et le mépris des Phalangistes purs et durs envers Francisco Franco. Même après ce que l'on voit de nos jours, en particulier sur le Net, on reste stupéfié par le fanatisme, religieux, politique, pour ne pas dire les deux, inextricablement mêlés à la soif du pouvoir, de certains. Quant à l'arrivisme, froid et qui ne se pose guère de questions, des autres, il parvient encore à nous ahurir. Dans le fond, rien ne change ... Une fois ou deux, apparaissent, hallucinants et eux-mêmes zombifiés par leurs credo d'hygiène raciale, deux S. S. - un homme et une femme, celle-ci, Hilde, n'étant pas sans évoquer, en tous cas par son physique, Ilse Koch, surnommée "la chienne de Büchenwald". Il n'est pas sans un malheureux berger allemand, dressé pour la haine et l'attaque, qui ne tienne ici son rôle de monstre parce que la Guerre et les hommes rendent monstrueux.

Des lecteurs mieux au fait en matière d'Histoire de la Guerre civile espagnole et de la "División Azul" repèreront peut-être pas des invraisemblances mais certaines libertés prises par la fiction sur les faits. le récit n'en reste pas moins hypnotique tant il déborde à la fois d'humanité désespérée, d'inhumanité formatée, de cruauté dictée par le seul instinct de conservation, et de folie, une folie absolue qui hante à peu près tout le monde, qu'elle se dévoile lors d'un crime, d'une séance de "violeta" (variante espagnole de la roulette russe qui confère au roman l'une des ses scènes les plus fortes), d'un corps-à-corps entre deux hommes ou entre un chien et un homme, ou même de simples rapports sexuels (Zira et Arturo).

A l'issue de ce livre, on serait tenté de conclure : "La Guerre rend fou." Mais, à bien y regarder, n'est-ce pas notre folie à tous qui provoque la Guerre ? ... Certes, Hitler, Staline, ... furent des "Empereurs des Ténèbres". Mais n'en portons-nous tous pas un au plus profond de notre être, qui ne demande qu'à se révéler si le Destin et la "Chance" s'en mêlent ? L'assassin que traque Andrade se veut un justicier mais, finalement, n'est-il, pas lui aussi, qu'un "Empereur des Ténèbres" qui s'est longtemps ignoré et qui, quand il le comprend, n'éprouve plus le besoin de survivre ? ...

A lire mais avec l'esprit reposé et porté à la réflexion. "Empereurs des Ténèbres" est un roman plus complexe que ne le laisse supposer sa quatrième de couverture. ;o)
Commenter  J’apprécie          130
1943 L'armée allemande affronte l'hiver russe, à ses côtés la Division Azul et ses volontaires franquistes qui croyaient ainsi lutter contre le communisme.
Hommes et bêtes meurent de froid parfois même de faim.
On découvre le cadavre d'un homme égorgé dans la rivière prise par les glaces et l'homme porte gravé dans sa chair « prends garde Dieu te regarde »
Pour le moral des hommes et la discipline il faut trouver l'auteur de ce meurtre, le lieutenant Arturo Andrade est chargé de l'enquête.
Ce n'est pas un enfant de choeur, il a perdu ses galons et même s'il ne partage pas le fanatisme des hommes de la division il a derrière lui un passé très trouble.
Il va se faire aider du sergent Espinosa, n'accorder sa confiance à personne et tenter de comprendre où se trouve l'ennemi : côté russe ? parmi les SS qui assassinent Juifs et Tziganes ? ou dans la division même ?
Son enquête va se révéler longue, difficile.
Des scènes hallucinantes de folies et de cruauté, le froid, la neige, la nuit pendant laquelle les partisans de l'Armée Rouge attaquent sans relâche, la folie ambiante, la débâcle de l'armée allemande, tout est rendu avec un réalisme impressionnant.

Un polar qui choisit une période sinistre de l'histoire et qui parvient à nous intéresser au sort de ses hommes qui sont en proie à la haine, à la violence, à leurs démons intérieurs, où le mot civilisation est balayé pour le chaos de l'Histoire.
Un polar que je trouve réussi même si l'intrigue est un peu trop tortueuse, je le rapprocherais de la tristesse du samouraï, des romans qui mêlent réalité et fiction avec beaucoup d'efficacité.

Lien : http://asautsetagambades.hau..
Commenter  J’apprécie          130
En exergue:
"Un jour les hommes se tourneront vers leur passé et diront que le XXéme siècle est né avec moi." Jack L''Eventreur 1888

Et la première phrase:
"- Ici les vivants ne comptent plus , alors les morts...vous imaginez ..."
Ce roman commence par une image , celle d'une vingtaine de chevaux morts, pris dans les glaces d'une rivière gelée près de Leningrad. C'est l'hiver 1943, et les Russes commencent à résister sérieusement .. A côté de ces chevaux, le corps d'un homme , également pris dans la glace, auquel on a tranché la gorge . Sur son torse, écrits au couteau , ces mots: « Prends garde, Dieu te regarde ».
Cet homme appartient à la division Azul , un corps de volontaires ( ou non...) espagnols intégrés à l'armée allemande à partir de juillet 41 .

Va commencer une enquête pour retrouver l'assassin , car même si les morts ne manquent pas en ces temps et lieux, c'est le moins que l'on puisse dire, justice doit être faite .
Elle est confiée à un ex- lieutenant, Arturo Andrade , qui semble être un personnage récurrent des romans de cet auteur. le problème est que les romans précédents ne sont pas traduits, et que l'on sait simplement qu'Arturo Andrade a été lui-même condamné à mort, finalement gracié et envoyé se rafraichir dans la division Azul.

C'est évidemment beaucoup plus qu'un polar, mais un roman d'ambiance -et quelle ambiance.. -, touffu, très noir et passionnant. On peut sans doute lui reprocher quelques envolées métaphysico-lyriques un peu longues , mais l'ensemble est de qualité.
Ah, j'ai découvert un jeu encore plus amusant que la roulette russe, la violetta, c'est la même chose, sauf qu'à chaque tour, les participants restants ont une chance de moins( et même plus de chance du tout, caramba, encore raté!) jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un pour gagner la mise..

Viva la muerte sur le front russe était le titre de la critique de Libération, c'est tout à fait cela.
Adapté au cinéma ( Silencio en la nieve), mais j'ai trouvé le film bien inférieur à ce très puissant roman.

Commenter  J’apprécie          110
Remarquable ! C'est un roman qui nous entraîne dans l'URSS glacée de l'hiver 1943, au sein de la Division Azul. Ignacio del Valle imbrique avec facilité la petite histoire dans la grande, soit la recherche d'un tueur en série au coeur de la débâcle attendue de l'armée allemande et des fanatiques espagnols. L'intrigue est prenante, le décor est réaliste, et ce que j'ai préféré, ce sont les personnages : des saletés de phalangistes et franquistes, mais d'abord des hommes, portant en eux toutes les nuances de l'humanité. J'ai bien aimé la façon dont l'auteur m'a fait éprouver de l'empathie, parfois même de la sympathie, pour eux -malgré moi. En outre, j'ai appris beaucoup de choses -mais sans que ce soit barbant- sur les rivalités entre alliés fascistes. Ce roman est donc très riche, tant sur le plan littéraire qu'historique, tout en maintenant son suspense jusqu'au bout. Brillant.
Commenter  J’apprécie          70




Lecteurs (182) Voir plus



Quiz Voir plus

C'est la guerre !

Complétez le titre de cette pièce de Jean Giraudoux : La Guerre ... n'aura pas lieu

de Corée
de Troie
des sexes
des mondes

8 questions
1123 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , batailles , armeeCréer un quiz sur ce livre

{* *}