Landry, agriculteur divorcé, trouve un oisillon
sanderling lors de son séjour au Groenland. Cette rencontre va être décisive. Il va rentrer en France et reprend son activité, mais différemment. Il voit dans cet oisillon une raison de continuer, d'avancer ainsi qu'avoir pu aussi échanger avec Germain, un Belge, scientifique qui a laissé toute sa vie tracée dernière lui pour venir au Groenland.
De retour en France, il retrouve son cousin Merlin, agriculteur – éleveur comme lui et le village de Belligny, avec ses figures hautes en couleur Jean Molka dit Polka, Julienne ancienne vétérinaire éleveuse d'oies et autres volailles, Lucette qui surveille les vaches grâce aux caméras, Ladona propriétaire du manoir où personne n'entre à part le jardinier Paul, Alice qui tient le bar-café du village et puis une nouvelle arrivante Lila, coiffeuse de son état. Tous se croisent, vivent, se rapprochent ou pas, l'avenir est à construire.
Puis la Nature se rappelle aux bons souvenirs des hommes, qui ont cru pouvoir la dominer… et commence alors un roman d'anticipation de type apocalyptique. Comment vivront les Européens lorsque les volcans islandais se réveilleront? Qu'adviendrait-il de Belligny et de ses habitants?
D'
Anne Delaflotte Mehdevi, j'avais lu son premier roman
La Relieuse du Gué, dont j'avais apprécié les détails donnés sur le travail de relieur, l'histoire en elle-même était agréable mais classique. Toute la force de ce roman venait de l'amour pour la reliure, les gestes précis, le travail d'artisan qui se dégageait du texte.
Dans ce troisième roman, c'est une plongée dans un monde post catastrophe naturelle avec en arrière-plan toutes les interrogations d'actualités sur l'agriculture biologique, le rythme de la terre et des saisons, la chute de la biodiversité, l'usure de la terre, des animaux de ferme, la dépendance de nos civilisations à l'égard des matières fossiles, de l'électricité, de la technologie, la déconnexion de nos vies urbanisées. Ce roman m'a énormément parlé, parce qu'il s'appuie sur des faits d'actualités et sur des valeurs universelles: l'entraide, la solidarité, l'amour, l'amitié… dans un univers chaotique où règne aussi le chacun pour soi, la lâcheté, la peur.
J'y ai retrouvé un peu l'ambiance du film le jour d'après, surtout pour l'aspect réfugiés climatiques partant pour les pays dit émergents ou du Tiers Monde, ces pays longtemps pillés ou désormais spécialisés dans l'intérêt commercial des pays occidentaux (ou assimilés). Après avoir usé et abusé de pays pauvres, les Européens deviennent les immigrés de pays habituellement d'émigration.
Il n'y a pas de discours du type "revenons à l'âge des cavernes" ou "c'était mieux avant". L'intrigue porte à réflexion sur les choix opérés, sur les choses réellement importantes. de cette catastrophe, il faut apprendre à vivre autrement mais c'est aussi le ressort pour de nouvelles technologies, des innovations qui permettent de supporter ce monde apocalyptique. Ce roman rappelle que nous faisons partie d'un écosystème et que certaines habitudes, certains gestes conditionnés sont à revoir.
C'est un très beau roman, émouvant. C'est sombre, on manque de soleil, de lumière, on étouffe dans l'air empli de cendres, de gaz dangereux mais il y a aussi tout ce qui fait la beauté du monde: la vie, l'amour, les relations à l'autre qu'il soit humain, animal ou végétal, la relation à la Terre et à notre environnement.
Une très très belle lecture, un vrai plaisir de la rentrée littéraire 2013.