« Il faut préparer ton avenir », avait toujours été l’argument sans réplique pour les enfants de Lucien des Landies. Tout jeunes, ils avaient eu l’intuition des lourds soucis matériels cachés sous une apparence aisée, des craintes sans cesse renouvelées, suscitées par les menées d’un gouvernement sectaire. Noella, l’aînée, dont le cœur renfermait toutes les délicatesses et toutes les énergies, avait largement contribué à faire pénétrer de bonne heure dans l’esprit de ses frères et de sa sœur cette persuation de la nécessité d’un travail assidu, afin d’aider le plus tôt possible au soulagement matériel et moral des chers parents.
...seul avec mon oncle qui m’a témoigné – je dois le reconnaître hautement – un dévouement admirable. Je lui dois d’être un être vigoureux de corps et cultivé d’esprit, je lui dois l’éducation forte et étendue dont je comprends tout le prix aujourd’hui. De près ou de loin, il a toujours veillé sur moi avec une sollicitude infatigable pour laquelle je lui garderai toute ma vie la plus profonde reconnaissance. Mais mon oncle, si bon au fond, est d’un caractère très froid, excessivement fermé, II n’y a jamais eu entre nous d’expansion et très peu d’intimité
Un grand seigneur n’a pas toujours d’allures spéciales, ma petite, il peut même être – ce qui arrive fréquemment – fort vulgaire, beaucoup plus que bien des êtres de plus simple extraction.
Il doit être doux de penser qu’il existe au-dessus de nous un être tout-puissant, tout bon, vers qui nous pouvons crier aux heures de détresse morale. Certes, je crois avoir une âme énergique, peu accessible au découragement, mais il est des moments où la pauvre humanité se sent si faible, si petite !
Le sommeil lui fera plus de bien que tout, surtout excitée comme elle paraissait l’être au sortir de cette syncope.