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EAN : 9782812603877
204 pages
Editions du Rouergue (22/08/2012)
3.55/5   40 notes
Résumé :
En 1967, en Franche-Comté, Marie est encore lycéenne quand elle tombe amoureuse d'un jeune bûcheron, se retrouve enceinte et se marie. Alors qu'elle rêvait d'une « vie à soi », différente de celle de sa mère, à l'âge de vingt ans elle a déjà deux enfants, et comme nombre de jeunes filles d'origine populaire de l'époque, son destin est tracé. Le jeune couple quitte sa forêt natale pour une HLM de Vesoul, et tous deux entrent à l'usine, chez Peugeot. Au travers des di... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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«Elle s'appelle Marie... Dans sa valise, le vendredi 24 février 1967; il y a un 45 tours des Stones prêté par une copine, glissé dans un cahier de sténo.Rentrée à la maison, la première chose qu'elle fait est de s'enfermer dans sa chambre pour écouter le disque : Satisfaction. Grow up wrong. Suzie Q.» p 13

Commençé avec Les Rolling Stones symbole d'une révolte sensuelle et violente dont la provocation ouvre une brèche vers une envie d'ailleurs, un désir fou de vivre autrement et intensément, pas comme les parents refermés sur leur silence, «La grande bleue» s'achèvera au cours de l'été 1978 par l'écoute de «La fille du fumeur de joint» premier disque «d'un mec de Dole», Hubert Félix Thiéfaine lui-aussi sensuel, révolté, à l'humour parfois féroce, mais franc-comtois comme Marie. Il semble lui dire : finalement même sans aller loin on peut avoir quand même une vie, une vie à soi et la défendre et en être fier.
Il vient clore ces dix années au cours desquelles Marie se sera sauvée plusieurs fois au double sens du terme fuir et réussir à s'extraire même maladroitement des pièges de la vie, ceux qu'elle nous tend et ceux dans lesquels on se précipite soi-même sans le vouloir, parce que c'est comme ça..... Avec Marie et ses amies, ses rencontres, revivent les années 1970 jalonnées par les luttes ouvrières chez Peugeot, Lip ou Myrys.
J'en retiens la force de vie qui permet à Marie de s'en sortir dont elle n'a pas vraiment conscience. Elle naît de son désir mais serait insuffisante sans celle de tous les liens amicaux, de la solidarité, de son attachement pour ses enfants, pour son frère Ivan revenu brisé de ses deux années en Algérie ; demeure aussi, préservé, son lien jamais rompu avec la nature bien présente au cours du récit. C'est tout cela qui l'empêche de se laisser enfouir dans le sommeil et sombrer dans le désespoir quand tout devient trop dur et qu'elle se sent prisonnière de son foyer et du travail à la chaîne.

«On n'a jamais été seule en fin de compte. On a toujours été soudée aux autres, avançant avec elles, malgré tout ce qu'on était d'impossible, une petite plouc qui rêvait d'une vie à elle. Et c'est comme ça qu'on s'est dépassée, depuis le début. Un jour, on racontera, avec une fierté étonnée. On dira c'est ma vie.» (Dernière phrase)

Beaucoup de critiques mettent l'accent sur l'aspect historique de ce livre. S'il est bien inscrit dans les années 70, chacun des êtres qui le traversent a sa propre lumière et les relations des uns aux autres infusent force et beauté à ce roman où la vie explose, dont les qualités d'écriture font qu'on se dit «Vivement le prochain !!»
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En 1967, Marie a 17 ans et des rêves plein la tête. Sa vie sera extraordinaire, sans comparaison avec celle de ses parents. Mais elle épouse Michel à 18 ans, a deux enfants presque coup sur coup, comme si sa vie se déroulait à son insu. Il reste un rêve de mer et de soleil, incarné par des starlettes qui se dorent au soleil. Sans aucun doute, la vie serait plus belle au bord de la Méditerranée. Mais le quotidien de Marie, c'est Vesoul, parfois Besançon, et l'usine Peugeot. La chaîne. La chaîne du Jura ? Non, la chaîne de montage, la chaîne de conditionnement. La cadence et le rythme des battements de coeur calqué sur l'horloge du grand atelier. de temps en temps, il y a des rumeurs de grèves menées ailleurs qui font sursauter la monotonie. Tous les jours, tous les soirs, les ouvriers syndiqués appellent au rassemblement, à la lutte, mais c'est déjà tellement difficile de tenir toute la journée et de s'occuper ensuite de la maison. « Marie Brulhard qu'on appellera bientôt la Bleue, comprendre l'éternelle nouvelle, l'éternelle paumée. » (p. 89)

La vie n'est pas tout à fait pauvre, mais elle est obligatoirement laborieuse. Alors, les vacances, ces échappées de dix jours au bord de la mer, ce sont des instants trop précieux que l'on range tout de suite sous du papier de soie, comme cette robe bleue qu'on ne remettra plus, mais qui chante si fort un souvenir interdit. On n'est pas tout à fait malheureux non plus, mais on rêve d'autre chose. « Tout ce qui vit s'accompagne d'une douleur sourde dont on ne sait pas la nature. On est avide de la vie des autres. » (p. 89) Ce « on » qui rythme les pages, c'est la déshumanisation lente, la perte de soi au milieu des autres ouvriers et d'une décennie qui va soudainement trop vite. Marie voudrait se libérer, mais par où commencer ? « Il faudrait commencer par dire qu'avant tout on veut en finir avec soi-même, que divorcer c'est se donner une chance d'être la femme que l'on voit naître autour de soi, en ces années 1970. […] On a vingt-cinq ans, huit ans de mariage, noces de coquelicot, trois ans d'usine, noces de froment, et ça devrait durer comme ça jusqu'à la fin de la vie ? » (p. 148)

Cette lecture n'est ni une réussite, ni un échec. D'abord entraînée par la narration d'un souffle et les longues phrases, j'ai fini par m'empêtrer dans le ton monocorde et à perdre toute empathie pour Marie. J'ai compris le sens du « on », mais comme dans le roman de Julie Otsuka, Certaines n'avaient pas vu la mer, où le « nous » préside toute la narration, il m'a manqué une individualité plus marquée pour vraiment m'attacher au personnage. Chaque chapitre est une année, de 1967 jusqu'au tout début des années 1980 et le récit présente en filigrane la crise qui a frappé le monde industriel français. Il plane sur ce roman une nostalgie dont je n'ai pas saisi toute la portée, n'ayant pas connu les années 1970. Bref, une lecture douce-amère, pas déplaisante, mais un brin décevante.
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"Une petite plouc qui rêvait d'une vie à elle" et par son obstination y parviendra, allant même vivre près de la grande bleue, mer et surnom réunis, voilà le thème du roman de Nathalie Démoulin (La grande bleue), un roman fort sur fond sociologique dur des années 60-70, le récit de dix ans de vie (entre Besançon et Vesoul) qui sonne tellement vrai que le lecteur capte tout autant le grondement des vagues ouvrières revendicatrices que les clapotis sereins (ou trop calmes) de rares et précieuses vacances au bord de l'eau!
Tout commence en 1967, où la jeune Marie et sa copine Delphine ("deux bouseuses un peu efflanquées") fuguent en mobylette (à Besançon!) rêvant de liberté, de musique anglaise aux accents sensuels et.... "d'un autre monde".
Elles reviendront vite au bercail et si Delphine, ouvrière d'usine, réapparait parfois comme une bouffée d'air salvatrice,c'est surtout aux pas de Marie que s'attache Nathalie Démoulin. Marie "yeux clairs et charbonneux", très vite enceinte,qui épouse un gentil Michel bucheron (bientôt ouvrier) et quittera vite la campagne pour un petit logement bruyant. Marie qui "rêve d'une existence à elle" et fantasme sur la relation Romy Schneider Alain Delon dans La piscine.Marie qui travaille en usine et veut devenir "la femme réinventée" promise à toutes par un cadre de la CGT.Marie qui prend la pillule.Marie qui apprend à conduire.Marie qui aime en cachette.Marie qui n'aime plus.Marie qui materne,déprime,perd,veut divorcer,culpabilise,déménage,travaille et travaille encore et toujours...mais existe,enfin!
Ce roman est authentique même si Marie est inventée, Nathalie Démoulin sait nous la rendre vivante.C'est une femme avec ses joies,ses doutes et ses peines qui a du mal à émerger de son milieu social modeste et perturbé (une mère qui boit,un frère fou,une belle soeur stérile douce dingue...)
La grande bleue c'est aussi un pan d'histoire de la France: le frère de Marie qui a fait l'Algérie et s'est fait "des bougnouls" (et en est ressorti complètement félé), Nordine le bel Arabe qui a quitté le bled pour travailler en France et attire Marie,le passage du monde de la terre au milieu ouvrier, les usines (Lip, Peugeot,Myris..),l'exploitation en usine,les progrés,l'évolution (la mob passe à la deuch,la 4 L, la Dauphine,la DS..) l'émancipation de la femme,le nucléaire,les hippies...
Richement documenté, bourré d'émotions,écrit parfois dans un langage familier (et des mots chocs) et toutefois alerte où le "on" rend cette femme presqu'anonyme parmi les femmes de sa condition, je recommande fortement La grande bleue (roman lu dans le cadre du comité de lecture de la Médiathèque de Bandol).
Nathalie Démoulin est également l'auteur de Après la forêt et de Ton nom argentin.
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Une bonne surprise de la rentrée littéraire, un livre plein d'émotions sur les illusions perdues d'une jeune fille. Marie, jeune lycéenne qui s'était promise une vie différente de ses parents (nous sommes dans les années 60 en Franche Comté) va épouser l'homme qui la met enceinte et par la même renoncer à ses rêves. Commence alors pour elle une vie d'ouvrière, banale et sans éclat. Malgré tout Marie prendra son destin en mains.
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Cette rentrée littéraire regorge de bonnes surprises, tout de même, non ? Et, fait assez inhabituel pour être noté, voilà que plusieurs de mes coups de coeur sont des romans français !
Dans celui-ci, la décennie 1968-1978 est vue du côté de la Franche-Comté, par une toute jeune fille. de ses dix-huit ans où elle laisse tomber ses études, pour se marier, enceinte d'un garçon rencontré lors d'une sortie du samedi soir, jusqu'à ses vingt-huit ans... le mariage, l'installation dans la maison des beaux-parents, les bébés dont il faut s'occuper, et puis l'usine, le HLM à Vesoul, l'envie de passer des vacances à la mer, de voir enfin la grande bleue... C'est surtout de la condition féminine qu'il s'agit, de la "libération" de la femme du côté de la campagne française. Au-delà d'une fresque frappante des années 70, on entre de plein pied dans le monde ouvrier de cette décennie : Peugeot, Lip, Myrys, comme autant de balises dans un récit très poétique.
C'est le coup de maître de Nathalie Démoulin, d'avoir trouvé une manière aussi poétique de rendre compte d'un destin somme toute morne et balisé d'avance, d'avoir su toucher la lectrice que je suis, avec une histoire de gens simples dont les rêves, les aspirations et les chagrins ne sont pas moins grands que ceux de leur chefs ou de leurs patrons. J'ai été un peu déroutée au début par la forme, avant d'être complètement emportée. Des phrases courtes, très sensuelles, alternant le « elle » avec un « on » plus générique, dessinent Marie, sa famille, ses amis et collègues, avec une netteté extraordinaire. J'espère, que dis-je, je suis sûre que ce texte ne passera pas inaperçu parmi les nouveautés si nombreuses, car il mérite un très bel accueil !
Lien : http://lettresexpres.wordpre..
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critiques presse (2)
Lhumanite
01 octobre 2012
Le grand mérite de la Grande Bleue n’est-il pas dans l’hommage ému que Nathalie Démoulin rend en creux à une femme d’invention terriblement plausible, à laquelle elle parvient à donner chair et esprit.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
Telerama
12 septembre 2012
Etre capable de mener de front, avec autant de conscience politique et de force poétique, le roman social, la confession intime et le récit d'apprentissage, est l'apanage des grandes, dont Nathalie Démoulin fait partie désormais.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Son père lui en a assez raconté : les façades interminables, les barres de ciment devant les fenêtres, un château de béton au pied duquel subsistent les édifices des premières usines qui produisirent ici de la rayonne, à la fin du dix-neuvième siècle, le tout se regroupant en une masse considérable entre la rivière et un versant de forêt (il en restera, quarante-trois ans plus tard, au temps des friches industrielles, des portes grossièrement murées par des agglos, des tags maculant le tout avec la rouille, les lianes et les charmilles, les arbres s'enracinant dans les escaliers et, perçant les maçonneries, le logo de Rhône-Poulenc cloué sur la ruine, datant vaguement le tout des années cinquante).
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Il lui dit vous êtes brave, et déjà elle sait qu'il est prêt à oublier son nom, brave après tout c'est un qualificatif qu'il associe au mot femme, mais ça pourrait être exemplaire, ou courageuse, ça pourrait juste la faire disparaître, la mêler à toutes celles qui viennent s'asseoir à cette même place, tournant le dos à la table d'examen, avec ses étriers et son éclairage froid, oui, ça pourrait juste la faire taire, l'empêcher de placer la phrases qu'elle a dans la tête et qu'elle ne sait pas comment tourner. Elle parle si bas qu'il lui demande de répéter. Je voudrais la pilule.
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« Il faudrait commencer par dire qu’avant tout on veut en finir avec soi-même, que divorcer c’est se donner une chance d’être la femme que l’on voit naître autour de soi, en ces années 1970. […] On a vingt-cinq ans, huit ans de mariage, noces de coquelicot, trois ans d’usine, noces de froment, et ça devrait durer comme ça jusqu’à la fin de la vie ? » (p. 148)
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Qu'est-ce que tu lui reproches à ton mari?
Pour répondre,il faudrait commencer par dire qu'avant tout on veut en finir avec soi-même,que divorcer c'est se donner la chance d'être la femme que l'on voit naître autour de soi,en ces années 1970,avec toutes ces nanas qui cjhangent à vue d'oeil comme si être une femme se réinventait maintenant,au risque de se casser la gueule,mais au moins on aura rompu ce lien avec la mère et toutes les mères avant elle,cette mémoire qui vous déterminait quoique vous fassiez.
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Dans le salon, on a conduit le feuillage du philodendron afin qu'il grimpe le long du mur et jusqu'au dessus de la baie vitrée. L'ourson rose qu'on ramasse par l'oreille, c'est celui de notre fille. Le visage qu'on aperçoit de biais et de loin, par un curieux accident de perspective, à travers les portes ouvertes du séjour et de la salle de bains, dans le miroir au-dessus du lavabo, c'est bien le nôtre, avec ses pommettes marquées, trop larges. Le temps que Michel aille chercher les enfants chez les Sauvageot, on reste seule, on voudrait commencer quelque chose, on remplit une casserole d'eau, on allume la lumière dans toutes les pièces, on a une paire de chaussons à la main, on marche sans bruit d'une fenêtre à l'autre, en posant la main sur le radiateur on croit qu'on va la brûler, et puis non, on repart, on craque une allumette, on a les chaussons aux pieds maintenant, et dans la main une poignée d'oeufs, qu'on laisse glisser dans l'eau frémissante, un par un.
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Videos de Nathalie Démoulin (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nathalie Démoulin
Les montagnes du Jura sont couvertes des neiges de février. C'est pourtant là, par des températures négatives, que s'est déclenché un incendie aussi virulent qu'invraisemblable. Empêché de rentrer chez lui, dans les hauteurs, Jason Sangor se rabat sur la maison dans laquelle il a grandi et où sa femme s'est déjà réfugiée. Là vivent le père et le frère de Jason, avec lesquels le couple va devoir composer. Mais la maison au bord du lac est trop ancienne pour être si peu occupée : elle abrite des fantômes, elle est encombrée d'objets qui témoignent de guerres anciennes, régionales ou familiales. Tandis que le feu impossible domine et enserre la ville où Jason dirige l'usine paternelle, les souvenirs jaillissent – une mère championne de ski qui les a entraînés, lui et son frère, pour la compétition ; une jeune fille aux nattes sombres, venue des Balkans, qui courait plus vite que tous les garçons du collège ; un père puissant et mystérieux aux vies secrètes. Quand le réel devient fantasmagorique, quand l'incendie prend la forme d'un cercle de l'Enfer, les vivants, les morts, les disparus et les égarés se croisent autour du fascinant lac, à la surface opaque comme l'étain.
L'autrice Née en 1968 à Besançon, Nathalie Démoulin a publié quatre romans : " Après la forêt " (Le Rouergue, 2005), " Ton nom argentin " (Le Rouergue, 2007), " La Grande Bleue " (Le Rouergue, 2012 ; Babel, 2015 ; Grand Prix de la ville de Saint-Étienne 2012) et " Bâtisseurs de l'oubli " (Actes Sud, 2015). Elle est désormais directrice littéraire aux éditions du Rouergue (Arles) et vit à Beaucaire.
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