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EAN : 9782234071667
180 pages
Stock (02/05/2013)
3.39/5   175 notes
Résumé :
"Apprendre à lire a été, pour moi, une des choses les plus faciles et les plus difficiles. Cela s'est passé très vite, en quelques semaines ; mais aussi très lentement, sur plusieurs décennies.
Déchiffrer une suite de lettres, la traduire en sons fut un jeu, comprendre à quoi cela servait fut une traversée souvent âpre, et, jusqu'à l'écriture de ce livre, profondément énigmatique."

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Critiques, Analyses et Avis (39) Voir plus Ajouter une critique
3,39

sur 175 notes
Enfant, Agnès Desarthe n'aime pas lire, et pourtant son voeu le plus cher est de devenir écrivain.

Ce qui rebute l'auteur, ce sont les livres imposés ; elle veut découvrir. Elle est intéressée par la forme et non par le sens. C'est pourquoi elle apprécie la poésie - pour la liberté de sa forme. Les livres qu'elle lit seule, comme Paroles de Prévert, elle les lit jusqu'à les connaître par coeur. Adolescente, elle abhorre Madame Bovary alors que Phèdre la ravit. Pour elle, l'essentiel réside dans la musique des mots et non dans leur sens.

Agnès Desarthe attribue son blocage vis-à-vis de la littérature classique française à la diversité de ses origines et aux multiples langues parlées chez elle : son père est judéo-libyen par sa mère, et les parents de sa mère sont des Russes parlant le yiddish et le roumain. Elle éprouve un sentiment de manque de légitimité lié à cette situation familiale particulière. Il faudra attendre son entrée en Hypokhâgne pour que la perception qu'elle a des auteurs classiques et de la lecture change. Elle ne va plus seulement écrire, elle va enfin lire.

Avec cet essai, au-delà de son histoire personnelle, Agnès Desarthe aborde le sujet de la complexité de la lecture. Les livres ne sont pas neutres ; ils laissent des traces et nous façonnent. Ils sont aussi un accès au savoir, réservé aux hommes et refusé aux femmes dans la plupart des sociétés patriarcales. L'auteure envisage la lecture comme une libération des femmes ; elle parle de « la femme soumise contre à la femme savante ».

Agnès Desarthe explique que le manque de légitimité lié à sa condition de fille, de Juive, a été aboli en devenant normalienne. C'est la preuve que la lecture lui a apporté l'inverse de ce qu'elle craignait, la liberté et non pas la colonisation de son esprit par les idées des autres.
S'appuyant sur son travail de traductrice, elle affirme que l'écriture peut aider à mieux lire. Et elle ajoute que pour traduire « il est nécessaire, avant toute chose, de savoir lire ».

On peut regretter que cet essai brillant et plein d'esprit soit trop personnel. Des développements plus généraux auraient aidé dans la réflexion sur la lecture. La démonstration est souvent redondante et donne par moments l'impression de tourner en rond. Malgré tout, Agnès Desarthe pose des questions essentielles. Elle établit que la lecture n'est pas une activité anodine. Lire nous transforme fondamentalement, et par conséquent, ne pas lire nous prive d'une dimension constitutive.
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Comment j'ai appris à lire ? "
Curieuse question de la part d'une écrivaine si érudite, si talentueuse, si enrichissante...


Agnès Desarthe petite fille riche de cultures variées, différentes, à mes yeux tant pleines de couleurs qu'elles en rehausseraient l'arc-en-ciel, apprend à lire rapidement pour faire comme son frère !
Mais lire est-ce simplement assembler les lettres, les mots pour en faire des images ? Lire c'est accepter le texte, les idées, accepter que la "personnalité" du livre vous envahisse et vous enchante et si Agnès, enfant, apprend très vite à ordonner les lettres, elle n'est pas prête à laisser les livres, qu'on va lui imposer durant les années qui s'écoulent de l'enfance à l'âge adulte, la conquérir dans son entièreté.

Mais pourquoi ? Dompter les lettres, les mots est une chose mais il faut aussi le trousseau des clefs qui ouvrent les récits, qui permettent de se les approprier et d'en être ébahi.


Dans un style vif et souvent drôle, Agnès Desarthe nous raconte la petite fille qu'elle était, l'adolescente farouche, et la jeune femme originale qu'elle devient. le tout en rapport étroit avec la compagnie choisie ou imposée des livres et des interactions douloureuses dont ils sont responsables.
Je pourrais vous dire pourquoi, comment, Agnès Desarthe va devenir la lectrice qu'elle est mais c'est mieux de l'écouter nous le raconter.

Comme ses romans, cet essai est plein de fantaisie, d'humour, mais cela devient vite plus profond que cela. Derrière l'entêtement se cache un questionnement sur l'exil, derrière le pouvoir des mots se cachent les sonorités et la richesse des langues, derrière l'instruction des Classiques de la Littérature Française surgissent les apprentissages d'une culture et un héritage littéraire dont elle est dépositaire sans en avoir pris conscience au début.
Les clefs lui seront données, à différents étapes, différents rencontres, au prix d'une réflexion lente et parfois difficile mais pour nous permettre de lire cette écrivaine si douée, de faire nôtres ses récits, pour nous faire également trouver le chemin qui mènent aux livres qu'on a nous-mêmes rejetés pendant les temps des études.


Et quand Agnès Desarthe parle de son travail de traducteur, alors là, elle donne envie de lire tous les livres auxquels elle a permis un voyage à travers différentes langues pour qu'on puisse s'en imprégner de manière aussi subtile que l'aurait voulu l'écrivain d'origine. Rien n'est perdu entre les traductions, tout nous est offert dans le respect de la création.
C'est passionnant à lire, ce regard sur les mots et les idées à faire passer...


Un très beau livre pour commencer l'année ! Merci Madame Desarthe !
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"Je n'ai aucun problème avec la lecture. j'ai un problème avec les livres.
Il me faudra plus de dix ans ( ce qui, en début de vie, est comparable à l'éternité) pour le résoudre."

Plus de dix ans, en fait, car Agnès Desarthe , normalienne, agrégée d'anglais, romancière et traductrice a quand même réussi à intégrer l'ENS sans avoir lu aucun livre du programme..
"La bibliographie qu'on nous remet à la rentrée compte ( rien que pour le français) une soixantaine de titres. Il m'apparaît, en toute logique, qu'on ne peut pas lire autant d'ouvrages en une année, surtout lorsque, comme moi, on est atteint de " livrophobie". Je décide donc de n'en lire aucun par souci d'équité, par esprit de justice."

Arnaud Viviant , assez méchant par ailleurs- il ne se cachait pas de ne pas aimer Agnès Desarthe : c'est une bourge, suprême insulte- a reconnu, au Masque , que c'était tout à fait possible.

Et c'était une vraie phobie: Il est hors de question que cela pénètre en moi.
Mais pas pour tous les livres.. et ceci dès l'enfance, mais peut être plus intéressant à l'adolescence:
"Ainsi puis-je expliquer pourquoi Phèdre me parle alors que Madame Bovary me navre. nous lisons ces deux oeuvres en classe de seconde. L'une m'enchante, l'autre m'assomme.
Une femme mûre ( elle a l'âge de nos mères, autant dire qu'elle est vieille) est amoureuse d'un homme qui n'est pas son mari.. Je considère, à l'époque, que ce genre d'histoire devraient être interdites aux moins de dix-huit ans. Non parce qu'elles sont immorales ou choquantes, mais parce qu'elles ne nous intéressent pas; nous n'avons pas envie d'échafauder quelque rêverie que ce soit sur la sexualité de nos mères..
Avec Phèdre, c'est la même chose, mais c'est différent. Une femme mariée tombe amoureuse, mais cette fois-ci, ce n'est pas une bourgeoise pleurnicheuse, ce n'est pas une vieille qui a des regrets, ce n'est pas une histoire, c'est La Jeune Fille et la Mort de Schubert. de la musique."
En fait, elle résiste au contenu, elle ne tolère que la forme.

C'est un livre très personnel , enquête sur son propre trajet par rapport à la lecture, qui renvoie bien sûr à d'autres choses, les origines, les traumatismes en tous genres dans les parcours scolaires ( notamment rencontrés par les petites filles dans certaines cours de récréation), les programmes, une ode à certains enseignants qui font qu'un jour , un déclic se fait.
J'ai beaucoup aimé tout ce qui concerne l'enfance et l'adolescence, ce qu'elle écrit sur la traduction. La découverte des causes réelles de ce rejet de la lecture est un peu plus, à mon sens , laborieusement amenée.
Et j'aime beaucoup la dernière phrase:
"A présent que lire est devenu mon occupation principale, mon obsession, mon plus grand plaisir, ma plus fiable ressource, je sais que le métier que j'ai choisi, le métier d'écrire n'a servi et ne sert qu'une seule cause: accéder enfin et encore à la lecture, qui est à la fois le lieu de l'altérité apaisée et celui de la résolution, jamais achevée, de l'énigme que constitue pour chacun sa propre histoire."








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Ca commence un peu comme une blague - comment une autrice (notamment de livres jeunesse) doublée d'une traductrice a-t'elle pu ne pas aimer lire jusqu'à ce qu'elle atteigne l'âge adulte?
Il y a beaucoup d'humour et de dérision dans les premiers chapitres, un peu trop même, mais petit-à-petit, Agnès Desarthe nous plonge dans le monde merveilleux des romans et de l'apprentissage de la lecture, pas B-A BA mais celle où il faut accepter de se laisser aller, celle où on entre dans un univers dont on ne sortira pas indemne.

Léger au début, profond ensuite, Agnès tente de comprendre pour quelles raisons, longtemps, elle s'est empêchée de lire: quelques années de psychanalyse sans doute lui ont permis de comprendre que le passé et les origines étrangères de ses parents y ont une part non négligeable, comme un refus de valider la langue française. Ce sont les polars qui la sauveront tout d'abord, Jacques Prévert et quelques autres.

J'ai énormément apprécié le style d'Agnès Desarthe ainsi que sa réflexion personnelle sur la lecture et l'écriture, un vrai bonheur pour tout grand lecteur!
Le livre se termine par un petit bijou: Agnès Desarthe nous fait entrer avec délice dans les coulisses de la traduction. Je finis en citant un extrait qui m'a plu, parmi beaucoup d'autres:

"Parfois, à cause de cette drôle de maladie, je vois le visage d'un traducteur ou d'une traductrice se dessiner en filigrane au-dessus ou au-dessous de celui d'un auteur. Tiens, me dis-je, il ou elle (le traducteur, la traductrice) a oublié de s'absenter. "
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Agnès Desharte parcourt les étapes douloureuses de son rapport à la lecture. Jusqu'à l'âge adulte, elle ne pouvait pas ouvrir un livre sauf certains de la collection Série noire de Gallimard.
Esprit très créatif, elle ne supportait pas d'être enfermée dans le cadre d'une fiction. le déclic est venu de découvertes littéraires impromptues qui ont inversé la situation. Elle est devenue une lectrice boulimique.
Cette absence de lecture ne l'a pas empêché de réussir le concours d'entrée à l'École normale supérieure après avoir passé les étapes d'Hypokhâgne et de Khâgne.
Je ne remets pas en cause ses propos mais j'avoue que cela me laisse stupéfaite et peut-être un peu perplexe.
Si elle ne lisait pas, elle écrivait. Dès son plus jeune âge, elle a voulu exercer le métier d'écrivain. C'est la traduction qui se présente la première. Agnès Desharte livre les arcanes de ce métier dans des anecdotes passionnantes.
Dans cet essai, elle cherche et trouve, semble-t-il, des explications à son rejet de la lecture. Elles émergent de son histoire familiale mais aussi des aléas de ses affectations scolaires.
Quelques pistes peuvent être extraites de ce texte érudit pour amener ses enfants à la lecture. Cependant, aussi fascinant soit-il, il est loin dans sa forme et son fond d'être assimilable à un manuel d'aide à l'éducation littéraire. C'est plutôt un témoignage personnel, une analyse introspective qui ne peut être appliquée à personne d'autre.
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critiques presse (4)
NonFiction
02 décembre 2013
Avec un humour très savoureux, un grand sens de la dérision et de l’autodérision, Agnès Desarthe, aujourd’hui écrivain et traductrice, refait pour nous, mais d’abord pour elle, le chemin qui va de l’enfant qui “n’aime pas lire” à l’adulte qui a fait de la lecture et de l’écriture son métier.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Culturebox
03 juillet 2013
Avec "Comment j'ai appris à lire" la romancière Agnès Desarthe remonte le fil de son histoire avec les livres et se lance pour cela dans une épopée introspective. Passionnant. Et drôle.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Lexpress
27 juin 2013
Comment j'ai appris à lire d'Agnès Desarthe : de la petite fille qui préférait jouer à l'étudiante arrogante et hautaine que ses camarades détestaient, voici le parcours d'une "anti-livres".
Lire la critique sur le site : Lexpress
Lexpress
24 juin 2013
Surprise : la très littéraire Agnès Desarthe fut une lectrice tardive. Elle explique pourquoi dans son passionnant Comment j'ai appris à lire.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
Parfois quand on écrit un livre, on exprime sans le vouloir, sans le savoir, sans s'en rendre compte sur le moment, une vérité sur soi-même qui, généralement, a peu de liens avec le déroulement de l'oeuvre, son objectif, son esthétique. J'ignore comment ces jaillissements ont lieu. Cela tient peut-être à la valeur médiumnique de l'écriture. Cela advient par surprise, dans la gratuité du geste, dans l'inconscience du propos. La plupart du temps on ne repère cet heureux accident qu'à la relecture, et le plus souvent, lors d'une relecture tardive.
Il existe un lien pour moi entre exil et lecture, entre déportation et lecture, entre persécution et lecture, entre humiliation sociale et lecture, entre le mot "juif" et le mot "livre". Des années durant j'ai refusé de lire parce que mon grand-père maternel avait été déporté, parce que la famille de mon père avait été contrainte de quitter la Libye, puis l'Algérie, parce que malgré nos efforts, nous n'étions jamais suffisamment français, parce que la lecture par un malheureux jeu de passe-passe, avait été associée à la France, la France au terroir, le terroir à ce que je ne connaîtrais, ne posséderais jamais.
La lecture c'était un autre genre d'effraction, la pénétration d'un cerveau dans le mien. Cela expliquerait ma réticence, entre vingt et quarante ans, alors même que j'étais devenue une lectrice vorace à lire Marcel Proust. "Je ne peux pas avoir ce type installé comme ça dans ma psyché vingt-quatre heures, sur vingt-quatre, déclarais-je. Il est trop présent, trop encombrant."
Il s'agit pour l'écrivain de confier au langage le soin de transmettre au lecteur une impression qui, à l'origine, n'était pas faite de mots. L'objet à apprivoiser, à cerner, à décrire est fait de lumière, d'intensité, de parfum, d'épaisseur, de saveur, il évolue, se transforme, se dérobe à l'analyse.
Ecrire n'est pas un choix, c'est une nécessité, mais cela n'a jamais aidé personne à vivre, et surtout pas l'auteur lui-même. La fatigue que génère cette activité contrebalance et, la plupart du temps, annule les moments d'euphorie liés à la trouvaille, à l'adéquation, même illusoire, même passagère, entre ce qui précède les mots et ce que ces derniers parviennent, toujours très mal, à exprimer.
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Si tu y tiens vraiment, ai-je repris, je vais essayer de décrire les choses plus précisément. Imagine que tu as une bague. Ce bijou est non seulement remarquablement beau, mais encore unique. Il est orné de pierres précieuses rarissimes, serti de l’or le plus fin et, surtout, il t’a été donné par ta mère, qui, elle-même le tenait de sa mère, qui elle-même, et cætera sur plusieurs générations.
Eh bien, quand tu écris, c’est comme si tu retirais cette bague de ton doigt, cette bague qui est à la fois précieuse, belle et chargée de souvenirs, et que tu la jetais, le plus loin possible, de toutes tes forces. Tu la jettes même si loin que tu ne l’entends pas retomber. Tu ne sais même pas si quelqu’un la trouvera. Peut-être est-elle au fond de l’océan, peut-être s’est-elle enfouie dans le sable d’un désert, dans une meule de foin. Voilà c’est ça écrire. C’est pour cette raison que c’est absurde, que ça fait mal et qu’on se sent bête.
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C’est aussi au détour d’une histoire d’arbre que j’en suis venue à traduire Cynthia Ozick. Cela faisait une quinzaine d’années que j’admirais cet auteur, qui est pour moi l’un des plus grands écrivains vivants. Je la lisais en français, car j’aime les traductions, et je rêvais d’avoir un jour le privilège de m’essayer à transposer sa prose ample et exigeante. Un monde vacillant était sur le point de paraître aux Éditions de l’Olivier et la personne qui s’occupait de relire les épreuves m’a demandé un conseil « plus de jardinière que de traductrice, a-t-elle précisé. A la fin du roman, un arbre fleurit, or il se trouve que c’est un lilas et qu’on est en automne. Tu ne connaîtrais pas un arbre susceptible de fleurir à la fin de l’été pour qu’on puisse le remplacer ? » Ce n’est pas la jardinière qui a répondu, mais la traductrice : « Si le lilas fleurit à l’automne en anglais, il doit pouvoir fleurir à l’automne en français. Le traducteur n’est pas là pour corriger les négligences, les oublis, les erreurs. » Cette conception n’est pas, loin s’en faut, partagée par l’ensemble de mon corps de métier. Pour nombre de mes confrères, notre tâche irait jusqu’au fact checking, la vérification des faits chères aux agences de presse. Mais la vérité littéraire est selon moi sans rapport avec la vérité telle que la conçoivent les professionnels de l’information. Les romans ne prétendent pas enseigner quoi que ce soit. Parfois un mot vient se glisser dans la phrase en dépit du référent qu’il désigne, à cause d’une sonorité, d’un nombre de syllabes, d’une association d’idées. C’est pourquoi l’oreille du traducteur se doit d’être fine et sa souplesse extrême. Il n’est pas là pour juger, il est là pour comprendre.
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Je repense à certains clichés qui courent sur la lecture à l’école ; j’ai fréquemment entendu, ou lu, que le plaisir de lire, justement parce que c’était un plaisir, ne pouvait être prescrit. On nous explique que la contrainte scolaire et les enjeux de réussite qui y sont attachés bloquent, inhibent, voire abîment la relation individuelle du jeune lecteur à l’ouvrage dont il sait qu’il va devoir le décortiquer, le régurgiter sous la forme de contrôle noté. Comme souvent, et c’est le terrible problème des clichés, il y a une grande part de vérité dans cette analyse. Je ne pense pourtant pas qu’elle s’applique dans mon cas.
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Ce que je préfère, avec les histoires, c'est me les raconter à moi-même. Je considère la rêverie comme une activité à part entière. Je la pratique avec assiduité et maniaquerie; il me faut une certaine pose, une vue dégagée, une qualité particulière de brouhaha. L'endroit le plus propice est la voiture de mes parents. Nous roulons vers la campagne et je profite de mon droit d'aînesse sur ma petite soeur pour occuper la place près de la fenêtre. J'appuie mon front contre la vitre froide, je perds consciencieusement mes yeux dans le décor: rambarde, bas-côté, herbe pelée, talus, maisons,voies ferrées, ciel. J'enclenche le mécanisme. Je quitte l'habitacle de l'auto, je laisse ma famille derrière moi, je deviens le tout et le rien, l'univers et les personnages qui le peuplent. Une ruine au bord de l'autoroute A6 se change en château hanté, mon propre regard croisé dans le rétroviseur devient celui de la sirène, de la licorne, de la fée.
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Vidéo de Agnès Desarthe
Par l'autrice & Louise Hakim
Rue du Château des Rentiers, 13e arrondissement de Paris : c'est là que se trouve une tour impersonnelle et peuplée d'habitants tout sauf riches. Là vivaient les grands-parents de la narratrice, Juifs originaires d'Europe centrale, et leur phalanstère, point de départ d'une réflexion superbement libre sur la beauté de ceux qu'on nomme les « vieux » et sur le fait de vieillir soi-même. Ce récit, en forme de déambulation toute personnelle, est à l'image de son autrice : aussi drôle, lumineux que surprenant.
À lire – Agnès Desarthe, le Château des Rentiers, L'Olivier, 2023.
Lumière : Patrick Clitus Son : William Lopez Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
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