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EAN : 9782130582441
272 pages
Presses Universitaires de France (05/05/2010)
2.75/5   2 notes
Résumé :
A partir d'une enquête par entretiens auprès de femmes en couple, cet ouvrage propose une analyse sociologique de la parentalité lesbienne appréhendée à partir de l'exercice du travail parental fourni par les mères.
Au-delà des individus, ce sont les deux membres d'un couple qui ont été rencontrés ; couples de même sexe et ayant élaboré un projet parental, conduisant à diverses configurations familiales organisées autour de l'adoption, la coparentalité, l'ins... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Comme le souligne Eleni Varikas dans une belle préface, il y a un double paradoxe à « réunir ensemble ce que le sens commun et les normes sociales séparent : l'homosexualité, perçue socialement comme une transgression de l'ordre du genre, et la maternité, un des plus importants piliers de cet ordre et de la hiérarchie des sexes et des sexualités dont elle devient le support ». Ce travail sur la famille ou la parenté « par un angle inattendu » permet une appréhension du couple « en absence de la fameuse »différence des sexes'‘ – ce qui ne veut pas dire forcément en l'absence de domination masculine ; étudier l'homosexualité dans une autre perspective que celle des pratiques sexuelles et de la santé qui tend à identifier la population homosexuelle comme d'abord, et avant tout, »sexuelle » ; accéder enfin à la norme dominante, l'hétéronormativité, du point de vue de ce qui est son revers, son dehors constitutif, éclairant, ainsi, dans un même geste, la matérialité d'un statut stigmatisé et les contradictions et incohérences occultées par évidence de la maternité comme norme. »

Il s'agit d'un véritable travail de dénaturalisation de la maternité, par interrogations, compréhensions et interprétations, par des entretiens en profondeur, des « pratiques des actrices, leurs motivations, le sens social qui est attribué à ces pratiques par elles-mêmes, par les autres ».

Virginie Descoutures analyse les notions et concepts (parentalité, homoparentalité, famille monoparentale, couple parental ou travail parental) et restitue leur historicité. Elle réfléchit sur les multiples niveaux d'invisibilité induits par les désignations ou leur absence. « Au delà des débats pour ou contre, qu'en est-il vraiment de la réalité de ces familles ? A rebours de la question de la légitimité ou de l'illégitimité qui les fonde, je propose de partir de leur existence objective pour voir en quoi celle-ci permet d'interroger l'institution familiale et le poids du genre sur les individus qui la font advenir au quotidien ».

L'analyse du couple lesbien fait ressortir « deux registres de norme a priori contradictoires » : « celui d'être à la fois mère et lesbienne d'une part, et celui de se dire mère sans en avoir le statut légal d'autre part ».

Dans un premier chapitre introductif, l'auteure va analyser « L'homoparentalité et les transformations de la famille contemporaine ». Elle souligne que « la filiation est avant tout une norme juridique » et critique la fiction biologique et sa naturalisation. Elle traite, entre autres, de la parentalité comme « discours d'ordre public ».

La première partie « L'hétéronormativité au quotidien » est subdivisé en deux chapitres « le cadre hétéronormatif » et « Entre distance et conformité à la norme ». L'auteure fait ressortir, contre une compréhension lisse des droits abstraits (concept d'humanité abstraite), la place de « l'égalité des droits et des traitements ». Il convient de souligner avec elle, que les minoritaires sont rendu-e-s invisibles par le non-questionnement des réalités, jamais données mais toujours construites. Je pourrais ajouter : dans des rapports asymétriques de hiérarchisation et de domination.

La seconde partie « Une expérience de la parentalité » comporte deux chapitres « Maternité et conjugalité » et « Les compétences parentales à l'épreuve du statut »

Il est difficile de transcrire la richesse de cette partie (entretiens et analyses). Je n'en propose que quelques extraits :

* « la difficulté de vivre au quotidien sans »être reconnue'‘ comme parent suscite un sentiment d'injustice qui révèle que la reconnaissance juridique du coparent est un élément important de l'identité parentale statutaire des individus. »
* « D'un coté, les origines »biologiques » de l'enfant ne font pas nécessairement le parent quand, de l'autre, »l'origine sexué'‘ désigne les parents, ce qui en retour fait tenir la »fiction biologique'‘ de la filiation tout en la relativisant. »
* « Les justifications en terme de disponibilité permettent donc, face à l'enquêtrice, de tenir le discours de l'égalité. Pour autant, quand on objective la répartition horaire des tâches, on constate une inégalité, qui reflète une inégalité de statut social et de revenus. »
* « Cette ambivalence à se positionner au sein de la famille est liée à deux principaux facteurs qui s'imbriquent l'un dans l'autre. D'une part, les mères non statutaires siègent à une place qui, n'étant ni définie socialement ni reconnue officiellement, est perçue comme non acquise, ce qui a pour corollaire d'accroître leur sentiment d'illégitimité vis-à-vis de l'enfant dont elles sont pourtant »à l'origine'‘ ; d'autre part, confrontées socialement au modèle dominant de »la famille'‘, elles n'ont pour décrire leur place que la référence à des rôles parentaux sexués ne correspondant pas à leur propre situation. Il est ainsi fait référence tantôt au rôle de la mère tantôt à celui du père. »

Si certains chapitres sont très « imbibés » du jargon sociologique, l'ouvrage n'en reste pas moins accessible. Ce livre permet de mettre à jour les « présupposés devenus évidences de la maternité normale », c'est à dire fondée sur l'hétérosexualité. Il nous rappelle aussi que les liens conjugaux et filiaux sont nécessairement construits, et qu'il est possible de les construire autrement que dans un cadre hétéronorminatif. En étant/agissant, les mères lesbiennes participent à « une redéfinition des possibles » et leurs enfants ont besoin d'être « comme tous les enfants reconnus et protégés par les règles de la filiation qui définissent les droits et les devoirs parentaux ».

Complément possible : Note de la Fondation Copernic : Homosexualité, mariage et filiation. Pour en finir avec les discriminations (Syllepse, Paris 2005)
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
en absence de la fameuse "différence des sexes’‘ – ce qui ne veut pas dire forcément en l’absence de domination masculine ; étudier l’homosexualité dans une autre perspective que celle des pratiques sexuelles et de la santé qui tend à identifier la population homosexuelle comme d’abord, et avant tout, »sexuelle » ; accéder enfin à la norme dominante, l’hétéronormativité, du point de vue de ce qui est son revers, son dehors constitutif, éclairant, ainsi, dans un même geste, la matérialité d’un statut stigmatisé et les contradictions et incohérences occultées par évidence de la maternité comme norme.
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Cette ambivalence à se positionner au sein de la famille est liée à deux principaux facteurs qui s’imbriquent l’un dans l’autre. D’une part, les mères non statutaires siègent à une place qui, n’étant ni définie socialement ni reconnue officiellement, est perçue comme non acquise, ce qui a pour corollaire d’accroître leur sentiment d’illégitimité vis-à-vis de l’enfant dont elles sont pourtant "à l’origine’‘ ; d’autre part, confrontées socialement au modèle dominant de "la famille’‘, elles n’ont pour décrire leur place que la référence à des rôles parentaux sexués ne correspondant pas à leur propre situation. Il est ainsi fait référence tantôt au rôle de la mère tantôt à celui du père.
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réunir ensemble ce que le sens commun et les normes sociales séparent : l’homosexualité, perçue socialement comme une transgression de l’ordre du genre, et la maternité, un des plus importants piliers de cet ordre et de la hiérarchie des sexes et des sexualités dont elle devient le support
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Les justifications en terme de disponibilité permettent donc, face à l’enquêtrice, de tenir le discours de l’égalité. Pour autant, quand on objective la répartition horaire des tâches, on constate une inégalité, qui reflète une inégalité de statut social et de revenus.
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D’un coté, les origines »biologiques » de l’enfant ne font pas nécessairement le parent quand, de l’autre, »l’origine sexué’‘ désigne les parents, ce qui en retour fait tenir la »fiction biologique’‘ de la filiation tout en la relativisant.
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