Un drame dans les Grandes Jorasses, face nord, en plein hiver. La cordée Desmaison Gousseault est à la dérive, juste sous le sommet. Gousseault est malade, épuisé. Son compagnon refuse de l'abandonner, c'est un très grand guide. Il force les passages, hisse Serge qui est a bout. La cordée s'arrête 80 m sous le sommet. Ces derniers passages ne sont pas très difficiles, mais Serge est à l'agonie. Il meurt là, en silence, dans le froid glacial. Desmaison l'assiste de son mieux. Mais après la mort de son compagnon, il constate que lui aussi est au bout, que lui aussi n'a plus la force de repartir. Un drame terrible.
L'hélicoptère passe plusieurs fois. Desmaison signale à chaque fois sa détresse, réclame chaque fois le secours, mais rien. C'est terrifiant.
Dans la vallée de Chamonix des mauvaises langues disent que c'est du cinéma, que René Desmaison fait sa com et que chaque jours passé dans les Grandes Jorasses lui rapporte beaucoup d'argent. le temps... Il faut plus de 48 heures pour qu'enfin le secours soit décidé, sauf que:
"Il y a trop de vent". Trop de vent pour qu'un hélicoptère se pose. Trop de vent...presque une semaine se passe. Desmaison devrait être mort, il ne bouge plus sur sa petite vire au dessus des vides vertigineux de la face nord.
Un pilote de Grenoble, des crs du secours en montagne, Alain Frébault, décide d'aller voir, de lui même, sans ordres, pour se rendre compte des conditions sur les Grandes Jorasses. Il se pose au sommet sans problème. le vent est insignifiant. Il redescend se poser à Chamonix. Au même moment, Maurice Herzog, le maire, tient sa conférence de presse matinale. Il vient de déclarer que les hélicos des secours de la vallée de Chamonix ne bougeront toujours pas. "Il y a trop de vent". Alain Frébault annonce qu'il vient de se poser sans problèmes. Cette fois Maurice Herzog ne peut plus bloquer les secours au sol. Cela va très vite. La cordée Desmaison Gousseault est enfin récupérée. Desmaison devrait être mort depuis au moins deux jours diront les médecins en analysant son sang. Il vit toujours. Des capacités de survie exceptionnelles.
Un drame terrible. Cela fait pense à de l'Homère ou du Shakespeare, sauf que c'est tout sauf des chants ou du théâtre. Desmaison a l'élégance de laisser les lecteurs libres de se faire leurs propres opinions. Vraiment un bon livre, bouleversant, qui fait réfléchir.
Commenter  J’apprécie         203
342 heures dans les Grandes Jorasses est le récit détaillé, de l'ascension en hivernale, de cette paroi mythique des alpes, par deux alpinistes chevronnés, René Desmaison et Serge Gousseault. Une histoire de cordée extraordinaire, à l'issu tragique, puisque Serge perdra la vie à quelques encablures du sommet, immobilisé avec son compagnon par l'épuisement et les blessures.
Un livre désolant mais puissant; le sauvetage de René, qui fera polémique dans le milieu des secours en montagne, est comme une bouffée d'oxygène après une longue immersion.
(À noter pour une bonne compréhension, une erreur de date à la page 195 de l'édition grand format; les Genevois Raymond Lambert et Mlle Loulou Boulaz rencontrent, en toute logique, les italiens Chabod et Gervasutti, le 30 juin.)
Je recommande ce livre pour son esprit indéniablement sportif et aventureux. Il s'agit également d'une lecture utile, pour se rappeler la fragilité de l'homme face aux éléments, et qu'entreprendre une ascension, quelle qu'elle soit, requiert une préparation physique et matérielle, ainsi qu'une solide expérience.
À la mémoire de Serge Gousseault, victime de sa passion, dont le nom restera gravé dans la roche de cette fantastique face nord.
Commenter  J’apprécie         60
[Une] lecture sans fard ni fioriture qui vous donnera le vertige dans ces parois verticales , qui vous gèlera les doigts dans cet enfer glacé mais qui vous permettra, peut être, d'entrevoir cette force irrépressible qui pousse des Hommes à se surpasser.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Glaciale et grise, traversée de courtes rafales de neige arrachée à la cime, c’est l’aube du onzième jour. Tout passe, même la nuit, même la vie… Serge est de plus en plus mal. Ses lèvres, son nez sont gonflés par le froid. Il ne sent rien, ne souffre pas. Il a faim et soif. Les vivres sont épuisés. Il ne nous reste plus rien. Juste un peu de gaz. Encore un demi-quart d’eau, et le réchaud s’arrête définitivement. Très doucement, je verse l’eau tiède entre les lèvres de mon compagnon.
Je n’éprouve moi-même aucune soif, aucune faim. Mon estomac est serré, dur comme une pierre. Je le sens douloureusement. L’angoisse ne me quitte plus. S’il ne se passe rien aujourd’hui, Serge est perdu. Pourra-t-il seulement tenir encore une nuit ?
Que font-ils dans la vallée ? Hier, il faisait beau. Ils ont bien vu que nous étions là, immobiles, bloqués sur cette minuscule corniche.
Quelle heure peut-il être ? Est-ce encore le matin ou déjà l’après-midi ?
Serge ne peut rester plus longtemps comme ça. Je dois partir chercher du secours. Aller au-devant de ceux qui montent peut-être par le versant sud. Descendre dans la vallée réunir des amis. Venez m’aider, Serge va mourir.
Au septième jour d'ascension, lors d'un relais:
" Sous mes pieds, à la verticale, la vue est saisissante. Je vois à nouveau le bas de la paroi. Tout est grandiose. Les parfaites proportions de la montagne suppriment toute notion de vide, de vertige. Nous sommes incorporés à ce vide. Sur l'océan, les marins ne voient pas les profondeurs des bas-fonds. Ils en perçoivent peut-être la présence, mais le combat se passe à la surface, au milieu de l'ouragan et des lames déferlantes. Pour nous, il en est de même. Le combat est là, à la surface du granit glacé, dans la tourmente qui bientôt se lèvera."
Sur l'océan, les marins ne voient pas les profondeurs des bas-fonds. Ils en perçoivent peut-être la présence, mais le combat se passe à la surface, au milieu de l'ouragan et des lames déferlantes. Pour nous, il en est de même. Le combat est là, à la surface du granit glacé, dans la tourmente qui bientôt se lèvera.
Alain Frébault me répondra :
" Ce que j'ai fait un autre aurait pu le faire "
Mais il la fait, là est la différence. Elle est de taille.
P178
Assiégée, serrée par les tourbillons de neige, sa silhouette figée se détache sur le vide, dans la tourmente. Tout est irréel, invraisemblable. Des images s'impriment dans ma mémoire, se gravent dans ma chair. Jamais, non, jamais, aussi longtemps que je vivrais, je n'oublierai cet instant, cette terrible vision.
Serge abandonne...
Pour la sortie de leur livre René Desmaison et Christian Brincourt sont réunis à Chamonix pour raconter des histoires de montagne.