Mais il y a aussi une catégorie très différente de gens qui sont impliqués dans la Mafia, de nos jours : des hommes qui passent leur vie à voyager entre ici et Bangkok ou Bogota ou Miami… au choix. Pour eux, il importe davantage d’exhiber leur raffinement et leur richesse. C’est comme savoir choisir ses vêtements et accessoires. Aucun baron du trafic mondial de la drogue ne va vous prendre au sérieux en tant qu’interlocuteur de premier plan si vous l’invitez à la maison manger un plat de nouilles, même si elles sont incomparablement genuina.
Ici, en Sicile, du moins. L’activité sexuelle n’a pas grand-chose à voir avec le plaisir, pour eux. Ce n’est qu’un supplément. Il s’agit surtout de pouvoir. Pour mieux dire, c’est le pouvoir qui donne le plaisir – capturer, dominer, pénétrer, contrôler.
Bien qu’apparemment complexes, les ordinateurs étaient en fait, de manière fort rassurante, simples d’esprit. Qu’on recherche dans une vaste base de données l’unique occurrence d’une chaîne numérique, qu’on fasse pivoter les plans en trois dimensions d’hypothétiques bâtiments ou encore qu’on calcule la valeur de notre vieil ami pi à la cinquante milliardième décimale, les ordinateurs n’étaient en eux-mêmes pas plus mystérieux ni menaçants que ces espions qui, dans les vieux films, envoient des messages codés en faisant clignoter une lampe de poche. Leur mémoire était prodigieuse, mais pas infinie – la bibliothèque du Congrès, pas celle de Babel.
Elle avait été attirée par les mathématiques en partie en raison de son don pour cette discipline, mais surtout parce qu’elles semblaient lui offrir un abri, une sécurité, une manière de refouler et d’exorciser ces impondérables. Deux plus deux ne font jamais cinq ou trois, et encore moins zéro. Ces nombres ne peuvent pas changer d’avis ou sombrer dans la dépression, ni disparaître pendant plusieurs jours d’affilée ou se saouler et devenir injurieux avant d’éclater brusquement en larmes pendant le dîner. Jamais ils ne totalisent autre chose que quatre lorsqu’on les additionne.
Dans l’ancien temps, on savait qui était qui. Les gens pouvaient choisir leur camp, et nul n’ignorait ce qui était en jeu. Maintenant, tout se fait par omission et inertie. Donc, les jours de gloire sont passés, la Mafia est au tapis, et il ne reste plus qu’à effectuer une mission de nettoyage, de faible intensité et sans réelle importance, sans prestige et sans risques. En d’autres termes, Rome nous traite comme des flics tout juste bons à régler la circulation, et nos collègues des autres services nous considèrent comme des vedettes arrogantes.
Michael Dibdin répond aux questions de Barbara Peters. 1/3
Non sous-titré.