Avec La Petite Dorrit, du moins dans ce premier tome que je viens de lire,
Charles Dickens nous livre une grande fresque sociale autant qu'un roman centré sur le personnage éponyme.
La jeune Amy Dorrit, donc, tout juste la vingtaine et frêle comme un oisillon, a pour particularité première d'être née dans la prison pour dettes de Marshalsea, à Londres, où est incarcéré le père, accompagné de sa femme et de ses deux aînés. La Petite Dorrit est à l'image d'autres personnages de Dickens : courageuse, douce, compatissante et d'une droiture à toute épreuve.
Les portraits de bon nombre d'autres protagonistes de cette histoire sont loin d'être aussi positifs. L'auteur y met souvent sa pointe d'ironie (un véritable piquet parfois) qui rend irrésistible la lecture de ces descriptions. Il a un réel talent pour croquer ces hommes et ces femmes dans leurs travers et leurs ridicules. Il n'en devient pas pour autant manichéen car le ridicule d'un comportement peut aussi bien cacher une belle âme, et inversement.
Charles Dickens ne s'attaque d'ailleurs pas qu'aux ridicules de ses contemporains mais également aux institutions de son pays. Il n'est qu'à voir les méandres labyrinthiques du biennommé Ministère des Circonlocutions pour s'en convaincre. Aux mains de la grande famille des Barnacles, toujours prêts à sauter sur une sinécure ministérielle, cette illustre maison rappelle à plus d'un titre la maison qui rend fou des Douze travaux d'Astérix.
Mariage, épiscopat, société des gens comme il faut, barreau, monde des affaires, etc,
Charles Dickens passe toutes ces institutions au mordant moulin de son esprit. Édifiant et drôle.
Aussi l'épaisseur du premier tome, dans la collection Archipoche, ne doit-il pas effrayer de prime abord. Me plonger dans les premières pages m'a littéralement harponnée. L'histoire de la famille Dorrit et d'Arthur Clennam, de la famille Meagles et des mystérieux prisonniers du premier chapitre, autant que la satyre sociale qui environne tout cela, donne envie de poursuivre toujours plus avant. L'ensemble n'est pas sans rappeler d'ailleurs
La Foire aux Vanités de son compatriote
Thackeray.
Que dire d'autres, sinon à bientôt pour le second tome?