AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Jean-Yves Mollier (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782842057893
142 pages
1001 Nuits (22/10/2003)
3.75/5   6 notes
Résumé :
On ne lit pas un texte parce qu'il serait "utile", ni même "important". On le lit pour ce qu'il nous apprend, et met en mouvement en nous-même.

Qui pour douter de notre attachement au livre, si nous lui devons le meilleur de nous-mêmes, de notre apprentissage de l'imaginaire, de ce qui transcende notre rapport au monde ?

Seulement voilà: le livre a une histoire. Les dangers, la complexité, ne sont pas d'aujourd'hui. Et ce qu'on veut n... >Voir plus
Que lire après Lettre sur le commerce de la librairieVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Un texte étonnamment moderne, surtout quand on examine la date de sa publication : essai rédigé en 1763. le texte ne sera pourtant publié qu'un siècle plus tard, en 1861 (voir la page Wikipédia qui lui est consacrée).

Diderot réfléchit notamment sur des domaines très actuels, mais visiblement déjà actuels à son époque ... la contrefaçon, l'étranger, la concurrence déloyale, les conditions d'exercice du métier de libraire (qui était aussi l'éditeur d'aujourd'hui) ...
Il y pose des idées très importantes sur les droits d'auteur, la diffusion des livres, le fait de favoriser la production de livres et l'impression en France ...

Intéressant à découvrir.
Commenter  J’apprécie          220
Cette « Lettre sur le commerce de la librairie » est une commande que la corporation des libraires parisiens fit à Diderot en vue défendre les intérêts de leur commerce. En tant qu'auteur mais aussi en tant que promoteur de l'Encyclopédie, Diderot se réclame d'une expertise dans le domaine et, au regard de cette mission, il semble que cette expertise lui ait été reconnue. En 1763, le droit d'auteur tel que nous le connaissons n'existe pas encore et la publication d'un imprimé est soumise au régime des privilèges ; tout livre est soumis à l'approbation de la Chancellerie royale (où sont scellés les actes royaux) au sein de laquelle une administration, appelée la Librairie, est chargée de recruter les censeurs habilités à approuver avant publication les livres dont les imprimeurs veulent faire commerce. Un livre imprimé qui n'aurait pas cette approbation officielle, appelée privilège, est un objet illégal dont le commerce constitue un délit passible d'emprisonnement.
Par ailleurs, le droit des auteurs se réduit à la cession de la propriété de leurs textes aux libraires imprimeurs (à cette époque les deux métiers se conjuguent largement dans la même entreprise). Un auteur vend à l'imprimeur le droit de disposer de son ouvrage à sa guise. Lorsqu'un auteur aliène son texte, il ne peut donc espérer en tirer d'autre bénéfice que la somme d'agent empochée une fois pour toutes. Ce que de nos jours on appelle un droit moral de l'auteur ne pèse guère en ce temps là ; il se réduit à l'honneur (quand ce n'est pas l'infamie) de voir son nom sur la page de titre (cette exposition du nom de l'auteur, à l'instar de l'exposition de votre page Facebook, est à ses risques et périls ; auteur, cela signifie d'abord, autorité responsable).

L'essentiel de cette Lettre de Diderot est une défense et illustration du régime des privilèges. Il en raconte l'histoire depuis deux siècles et en vente les vertus. Il considère le privilège comme le garant des droits commerciaux du libraire et du droit moral de l'auteur contre la contrefaçon. Celle-ci constitue une concurrence déloyale et illégale au détriment de l'ayant droit. Lorsque le marché est inondé de contrefaçons à bas prix et souvent médiocre, le propriétaire du privilège est généralement réduit à l'incapacité d'écouler ses propres stocks. En effet, les ouvrages contrefaits (généralement imprimés à l'étranger ; Pays bas, Suisse) sont si peu onéreux (ils n'ont pas eu à supporter les investissements faits par le propriétaire légal) que le public les achète plus volontiers (souvent malgré une qualité d'impression déplorable selon Diderot). L'imprimerie illégale ruine donc l'imprimerie légale.

La dernière partie du propos est certainement la plus intéressante ; elle touche à la liberté d'expression qui n'existe pas encore à en ce temps là. Car après avoir défendu le régime des privilèges, après avoir décrit l'organisation de la censure au sein de l'administration de la Librairie, il défend la notion de permission tacite ; cette sorte pirouette juridique consiste à laisser publier des textes que la Chancellerie aurait autrement censuré : à savoir tous les ouvrages contrevenant aux bonnes moeurs, attentatoires à la religion ou à la royauté. Pour Diderot, une permission tacite (qui n'est au fond qu'une tolérance plus ou moins officieuse) a (ou devrait avoir?) valeur de privilège garantissant l'imprimeur contre la contrefaçon, cette plaie dans l'art d'imprimer. On sait que le chancelier Malesherbes, directeur de la Librairie depuis 1750 avait rendue courante cette pratique des permissions tacites qui présentaient l'avantage de tuer dans l'oeuf la publicité de l'interdit : "Quand on crie la sentence d'un livre, les ouvriers de l'imprimerie disent : 'bon, encore une édition!' " (p. 83). Or Malesherbes, homme des Lumières, ami des encyclopédistes, tomba en disgrâce en 1763, année même où Diderot fut chargé d'écrire cette Lettre destinée à soutenir leurs intérêts devant le nouveau chancelier Sartine.
Ce texte de Diderot est longtemps resté confidentiel et les arguments qu'il développe n'ont pas alimenté le débat attendu par les commanditaires. D'ailleurs ces arguments ne devaient pas tous plaire aux libraires car si Diderot ne semble pas gêné par la totale aliénation contre finance du fruit de son travail aux éditeurs, il n'en rappelle pas moins les droits moraux de l'auteur et défend aussi le caractère temporaire de cette cession avec la possibilité de la récupérer ces droits. Il évoque aussi la transmissibilité de ces droits à la descendance de l'auteur, en s'appuyant plusieurs fois sur l'exemple des demoiselles La Fontaine qui bénéficièrent d'une rente sur les oeuvres de notre Grand Fabuliste national.
Il se trouve que ce texte connut la notoriété un siècle plus tard, en 1861, à une époque où le capitalisme arrivé à sa pleine maturité avait fait du livre une marchandise très rentable sur laquelle les auteurs étaient désormais en mesure de revendiquer leur part de bénéfice. le droit d'auteur à la française était alors en train de s'élaborer. Mais ceci est une autre histoire.
Commenter  J’apprécie          10
Essai sur la liberté d'écrire et de publier. Les privilèges sont accordés aux libraires (les éditeurs d'aujourd'hui) leur permettant de devenir propriétaire de l'exploitation d'un texte. En ce temps il n'y avait pas de droits d'auteurs. Diderot combat la publication clandestine de copies d'éditions et s'insurge contre le magistrat Sartine vraisemblablement opposé aux privilèges. Si le partage des oeuvres entraîne soit la pauvreté pour l'ensemble de la profession (la concurrence nuit à la qualité des oeuvres), soit l'exclusivité de la richesse aux premiers éditeurs, Diderot affirme que la seconde solution est la moins mauvaise. Un texte important qui permet de comprendre les enjeux des métiers du livre à l'aube de la Révolution française,… et peut-être même ceux qui animent les débats d'aujourd'hui.
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
AVANT-PROPOS

(...) A l'époque, ce sont pourtant les services de la censure royale qui organisent la vie littéraire. Tout projet de publication doit y être soumis.
En cas d'acceptation, un "privilège" d'édition est accordé au libraire-éditeur qui présente le projet. Ce privilège lui confère un droit de propriété sur l'œuvre et sur sa reproduction, l'auteur n'ayant alors aucun droit sur son travail.

Il faudra attendre encore une vingtaine d'années, en effet, pour que le droit d'auteur prenne forme avec l'adoption des premières lois définissant la propriété littéraire, en 1791, en pleine Révolution.

Mais le secteur du livre, jusqu'ici parfaitement artisanal, est soumis à diverses évolutions techniques et commerciales. Avec l'apparition d'une bourgeoisie intellectuelle avide de lecture, la culture devient un marché. Des collections apparaissent, des maisons se spécialisent, la diffusion s'organise. (...)
Commenter  J’apprécie          250
Il ne s’agit pas ici, monsieur, de ce qui serait le mieux, il n’est pas question de ce que nous désirons tous les deux, mais de ce que vous pouvez, et nous disons l’un et l’autre du plus profond de notre âme : «Périssent, périssent à jamais les ouvrages qui tendent à rendre l’homme abruti, furieux, pervers, corrompu, méchant !". Mais pouvez-vous empêcher qu'on écrive ? - Non - empêcher qu’on écrive ? – Non. – Eh bien ! vous ne pouvez pas plus empêcher qu’un écrit ne s’imprime et ne devienne en peu de temps aussi commun et beaucoup plus recherché, vendu, lu, que si vous l’aviez tacitement permis. Bordez, monsieur, toutes vos frontières de soldats, armez-les de baïonnettes pour repousser tous les livres dangereux qui se présenteront, et ces livres, pardonnez-moi l’expression, passeront entre leurs jambes ou sauteront par-dessus leurs têtes, et nous parviendront.
Commenter  J’apprécie          30
Monsieur, le privilège n’est rien qu’une sauvegarde accordée par le souverain pour la conservation d’un bien dont la défense, dénuée de son autorité expresse, excéderait souvent la valeur. Étendre
la notion du privilège de libraire au-delà de ces bornes, c’est se tromper, c’est méditer l’invasion la
plus atroce, se jouer des conventions et des propriétés, léser iniquement les gens de lettres ou leurs héritiers ou leurs ayants cause, gratifier par une partialité tyrannique un citoyen aux dépens de son voisin, porter le trouble dans une infinité de familles tranquilles, ruiner ceux qui, sur la validité présumée d’après les règlements, ont accepté des effets de librairie dans des partages de succession, ou les forcer à rappeler à contribution leurs copartageants, justice qu’on ne pourrait leur refuser, puisqu’ils ont reçu ces biens sur l’autorité des lois qui en garantissaient la réalité ; opposer les enfants aux enfants, les père et mère aux père et mère, les créanciers aux cessionnaires, et imposer silence à
toute justice.
Commenter  J’apprécie          10
En effet, sans les rentrées journalières d’un autre fonds de librairie, comment aurait-on formé ces entreprises hasardeuses ? Le mauvais succès d’une seule a quelquefois suffi pour renverser la fortune la mieux assurée ; et sans la sûreté des privilèges qu’on accordait, et pour ces ouvrages pesants, et pour d’autres dont le courant fournissait à ces tentatives, comment aurait-on osé s’y livrer quand on l’aurait pu ?
Commenter  J’apprécie          20
Je vous prie, monsieur, si vous connaissez quelque littérateur d’un certain âge, de lui demander combien de fois il a renouvelé sa bibliothèque et par quelle raison. On cède à sa curiosité et à son indigence dans le premier moment, mais c’est toujours le bon goût qui prédomine et qui chasse du rayon la mauvaise édition pour faire place à la bonne.
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Denis Diderot (35) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Denis Diderot
Rencontre avec Christian Grataloup autour de Géohistoire. Une autre histoire des humains sur la Terre paru aux éditions des Arènes, et de L'Atlas historique de la terre (Les Arènes).
Christian Grataloup, né en 1951 à Lyon, agrégé et docteur en géographie, successivement enseignant du secondaire, professeur de classes prépas, formateur d'instituteurs puis de PEGC, maître de conférences à l'université de Reims et finalement professeur à l'université Paris Diderot. Les recherches et les publications de Christian Grataloup se sont toujours situées à la charnière de la géographie et de l'histoire. Une grande partie de ses travaux concernent la didactique, en particulier par la mise au point de «jeux» pédagogiques. Il a notamment publié: Atlas historique de la France (Les Arènes, 2020), L'invention des continents et des océans. Comment l'Europe a découpé le Monde (Larousse, 2020), Cabinet de curiosité de l'histoire du Monde (Armand Colin, 2020), Atlas historique mondial (Les Arènes, 2019), Vision(s) du Monde (Armand Colin, 2018), le Monde dans nos tasses. Trois siècles de petit-déjeuner (Armand Colin, 2017), Introduction à la géohistoire (Armand Colin, 2015).
--
20/03/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite (https://ausha.co/politique-de-confidentialite) pour plus d'informations.
+ Lire la suite
Dans la catégorie : EditionVoir plus
>Journalisme, édition. Journaux>Journalisme, édition. Journaux>Edition (73)
autres livres classés : censureVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (21) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3175 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}