Une relecture 15 ans après ma première, cet auteur découvert grâce à une rencontre organisée par mon lycée à l'époque, je me souviens avoir adoré la simplicité de ce monsieur.
C'est cette simplicité et cette fraîcheur que l'on retrouve dans ses écrits et notamment ici lorsqu'il nous raconte par ses yeux d'enfant de presque onze ans, ces vacances au camping de Salamane. L'atmosphère, la galerie de personnages de ce monde sur l'arête de la falaise, prend place dans un dernier été avant celui de cendres. Ce que j'aime chez cet auteur c'est que ses livres se répondent et s'enchaînent.
Ici, c'est l'histoire de souvenirs de gamin, d'une culture d'un autre temps, lointaine et pourtant aux accents de familiarité. L'histoire d'un premier amour aussi.
Drôle, touchant, poignant, un récit d'enfance comme on aime en lire pour se souvenir et savourer les petits riens qui font le tout. Et le camping laisse sa marque...
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Quand il a commencé, avec son accent de là-bas, à me parler de la tour Eiffel, de Kinder Bueno et d'Aubervilliers, j'ai compris qu'il voulait me casser le moral. Grassouillet et prétentieux, il était venu, par avion, de l'autre côté de la mer, et moi j'essayais de passer de bonnes vacances dans le camping de Salamane. Ce matin-là, il portait un maillot de bain orange orné d'un Mickey aux grandes oreilles noires qu'il avait, bien sûr, acheté à Eurodisney et des palmes plus longues que ses jambes. Je n'étais pas non plus jaloux de sa montre de plongée, mais je ne sais pas pourquoi, je me suis mis à pisser dans l'eau.
Le pauvre Butagaz trouvait, lui aussi, rarement le sommeil.
La casquette en déroute, il errait, tel un boxeur sonné, parmi les tentes et les allées encombrées.
Depuis longtemps il avait jeté l'éponge, vaincu par la grosse chaleur et par tout ce qui l'entourait.
Près du transformateur électrique, sentant la poussière, le tabac et la démission, se trouvait le bureau-chambre à coucher de Butagaz, le gardien.
La cinquantaine ronde, court sur pattes, une casquette de base-ball sur la tête, le visage rouge, une dent en or sur le devant, il suait, telle une motte de beurre au soleil, en essayant de mettre un peu d'ordre dans le campement.
Vendredi 8 mai 2009
Abdelkader Djemaï, romancier franco-algérien, vivant en France depuis 1993 après avoir dû fuir la guerre civile en Algérie, évoque l'exil contraint de l'écrivain, à travers la figure d'Albert Camus et sa propre existence. Il est l'auteur de Camus à Oran (1995) ; dernier roman paru : Un moment d'oubli (Seuil, 2009) dans le cadre du banquet de printemps 2009 intitulé " Exils et frontières"
Abdelkader Djemaï : Né à Oran en1948, Abdelkader Djemaï a été enseignant, journaliste et écrivain en Algérie.
Il arrive en France en 1992, devant fuir la guerre civile algérienne, car il est menacé de mort.
Son expérience lui inspire ses nombreux romans et récits.
Son enfance et la guerre civile en Algérie constituent les thématiques de plusieurs de ses romans ; Eté de cendres (1995), Sable rouge (1996), 31, rue de l'Aigle (1998) qui forment une trilogie autour de la tragédie algérienne, ou encore Camping (2002). de même, le roman-photo : Un taxi vers la mer (2007) sur l'enfance en Algérie.
Ensuite le déracinement, l‘exil et l'errance inspirent : Gare du Nord (2003), le Nez sur la vitre (2005) et enfin Un moment d'oubli (paru au Seuil cette année).
La littérature française constitue pour lui un point d'appui essentiel. Et notamment la figure d'Albert Camus qui a lui-même vécu à Oran, est déterminante. Il a écrit Camus à Oran.
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