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André Markowicz (Traducteur)Grigori Fridlender (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782742702176
96 pages
Actes Sud (14/06/1994)
3.38/5   43 notes
Résumé :
Pressé par ses amis de décrire ses impressions de voyage lors de sa première visite à l’étranger, en 1862, Dostoïevski répond par une fiction : entre observations, invocations, jugements, invectives, esquisses, croquis ou commentaires, l’écrivain élabore une typologie plus mentale que réelle de l’Occident, dont il ressort essentiellement que sa beauté et son élégance sont les cache-misère de la prostitution enfantine et d’une pauvreté endémique.

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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
J'avais parlé du style de Dostoïevski dans la critique faite de Crime et châtiment regrettant de n'avoir pas lu la version de monsieur Markowicz réputée la plus fidèle à l'écriture de l'écrivain. Ayant cette fois ci l'ouvrage publié par les éditions Babel, j'ai été plusieurs fois obligée de relire une phrase qui ne me paraissait pas claire. Par exemple : « Tous, en général, chaque premier du mois, perdaient à tour de rôle, au bénéfice des autres, tout leur salaire dans un petit pharaon, une partie de préférence, ou de billard chinois ». Une partie de préférence, faut il comprendre leur jeu de prédilection ou autre chose ? Je n'ai pu me référer à une autre traduction car celle qui était disponible avait carrément omis la fin de la phrase. Peut-être est ce conforme au texte d'origine mais cela casse pour moi la lecture. de même le langage des protagonistes me semble étrange dans la traduction nouvelle « Toi, eh gamin, la ferme ! des craques tu dis, de la boue, toi ! t'entends, semelle ! prince, t'es, hein ? tu le piges le truc ? » En particulier le « tu le piges, le truc » me semble faire plus appel au vocabulaire du 20ème siècle qu'à celui du 19ème quel que soit le pays. Dans une autre traduction ces invectives deviennent « Toi, malheureux, va-t'en. Tu n'es qu'un misérable, un voleur ; entends-tu, propre-à-rien, beau prince, un voleur ! ».
Ceci n'a pas pour but de décrier le travail de Markowicz, je n'ai pas de compétences pour cela, mais peut-être d'aider ceux qui se seraient interrogés sur la traduction à choisir. Pour ma part, je crois que je prendrais une traduction plus classique désormais quitte à perdre éventuellement le suc de l'écriture dostoievskienne au profit de la fluidité et du plaisir de lecture.
Ce qui m'inspire un questionnement sur la traduction, doit-elle être fidèle au texte d'origine quelle que soit la culture à laquelle elle est destinée et donc quel que soit l'effet qu'elle fera au lecteur ou doit-elle s'efforcer de provoquer les mêmes impressions qu'aux lecteurs d'origine et donc s'adapter. Je ne suis évidemment pas la première à me poser cette question puisqu'elle est au coeur de la traduction, mais la réponse a visiblement évolué depuis le 19ème.
Concernant Dostoïevski, je ne sais pas si son écriture paraissait heurtée à ses contemporains russes. Je suppose que déjà ses romans dérangeaient certains comme ceux des premiers romanciers français qui ont osé mettre en scène des gens de peu, et Dieu sait si cela semble être le cas de Dostoïevski.

Quant au le roman lui-même, il aurait été inspiré à l'auteur par un fait divers.
Monsieur Prokhartchine est un petit fonctionnaire vivant misérablement dans une pension tenue par une dame (qu'on qualifierait volontiers de marchande de sommeil mais j'ignore quelle était la norme dans la Russie de l'époque), dont il est le favori, cette dame ayant pitié de lui, « que Dieu protège sous son aile ». A noter que comme apparemment souvent chez Dostoïevski les noms des personnages sont significatifs : « khartchi » c'est le crouton de pain. Prokhartchine ne se refuse pas seulement le peu de confort qu'il pourrait apparemment s'offrir, il refuse aussi le commerce de ses semblables, il économise sa vie. de ce fait il devient la cible de ses commensaux qui se mettent à « l'asticoter » avec un succès qui va au-delà de leur volonté de départ. Je laisse aux futurs lecteurs de découvrir par eux-mêmes la fin même si elle se devine.
C'est donc une nouvelle figure de l'avarice, pire à mon sens que celle des deux archétypes que sont Harpagon et le père Grandet. le premier voulant tout au moins s'offrir le plaisir d'un mariage avec une jeunette, et le second s'amusant beaucoup à rouler dans la farine les « parisiens ».

Lu dans le cadre du challenge XIXè siècle 2015
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Nouvel Harpagon de la littérature, Monsieur Prokhartchine, qui allie le titre "monsieur", synonyme de dignité, et Prokhartchine, la miette, le détritus, est un personnage bien dostoievskien.

Le thème est simple : un pauvre bougre hébergé dans un réduit qui peine à payer les quelques kopecks de son loyer et de sa nourriture, meurt et c'est une fortune qui est retrouvée dans son matelas. Il meurt de peur, peur de la vie ? peur de vivre ?

Ce court roman est moins connu et nettement moins bien considéré que d'autres. C'est une oeuvre de jeunesse. On sent que le style doit encore être affiné et le sera. Mais pour qui a envie de connaître l'oeuvre de ce maître de la littérature russe dans son ensemble, voici une lecture indispensable pour appréhender l'évolution de l'auteur qui sera révélé par d'autres opus.
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Russie, Saint-Petersbourg, vers les années 1850 / 1860.

C'est ainsi que le grand Dostoïevski commence sa nouvelle, ainsi nous nous familiarisons immédiatement avec le personnage principal, dans son jus, avec le contexte émotionnel de sa logeuse envers lui :

“Dans I'appartement d'Oustinia Fédorovna, dans son réduit le plus obscur et le plus humble, Sémione Ivanovitch Prokhartchine, homme d'un âge déjà certain, bien pensant et non buveur s'était fait une place. Comme Monsieur Prokhartchine, étant donné la minceur de son grade, touchait un traitement en concordance parfaite avec ses aptitudes de service, Oustinia Fédorovna ne pouvait en aucune façon tirer de lui plus de cinq roubles par mois pour son loyer. D'aucuns disaient qu'il y avait là de sa part un calcul spécial ; quoi qu'il en fût, néanmoins, monsieur Prokhartchine, comme pour faire la nique aux mauvaises langues qui parlaient contre lui, se trouva même parmi ses favoris, entendant cet honneur au sens le plus honnête et le plus noble.”

Ce héros Dostoïevskien, petit fonctionnaire qui doit faire face régulièrement à des menaces de liquidations, se lamente auprès de sa logeuse et de ses colocataires. Prokhartchine cache ses richesses sous son matelas, il vit dans la misère, tout ce qu'il montre qu'il possède, c'est une vieille malle cadenassée et dedans trois vieilles fripes.

Les heurts avec ses jeunes colocataires sont fréquents, notre héros se défend comme il peut, l'argumentaire est léger et burlesque tant il a du mal à enfiler ensemble deux mots qui ont une logique entre eux.


“Voilà pourquoi Sémione Ivanovitch, homme pourtant sensé, disait parfois des bêtises terribles. 

- T'es bête, répondait-il à présent, grande perche, rouleur de foires ! quand t'auras ta besace, la main que tu vas tendre; libertin, toi - coureur de jupes, oui et vlan, poète! 

- Mais; dites, vous délirez toujours, ou quoi, Sémione Ivanovitch? 

-T'entends, répondit Sémione Ivanovitch, c'est le crétin qui délire, le pochard qui délire, le chien qui délire, le sage, lui, il sert la raison. T'entends, t'entends rien à l'affaire, espèce de coureur, savant, va, tiens, livre écrit ! Mais, vlan, tu vas brûler, tu le verras même pas,  ta tête qu'aura le feu, tiens, tu connais l'histoire ?”

Cet homme économise chaque kopeck, il est en souffrance psychique. PROKHARTCHINE est rongé par la peur de manquer, c'est son obsession, elle le rend misanthrope et avare, il s'interroge, devient paranoïaque, elle le rend sournois, il devient menteur, voleur et au fil du récit sa personnalité prend des contours fantastiques car il sombre dans la folie. 

À sa mort, ses colocataires feront une grande découverte que je ne peux vous dévoiler bien qu'elle soit inscrite sur la 4ème de couverture.

Ce que je peux vous rapporter, c'est la conclusion d'ANNENSKI “Monsieur Prokhartchine est mort de peur devant la vie.”


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Monsieur Prokhartchine, c'est un très court récit de Dostoïevski dans lequel il dépeint, une fois de plus, avec une sorte de virtuosité qui lui est propre, ce que je considère comme la folie russe. Cette folie qui sonne chez l'occidental que je suis comme totalement irrationnelle (car il peut y avoir des folies rationnelles, oui oui) et qui deviennent sous la plume de Dostoïevski totalement réelle. Réelle mais russe.

Si j'aime Dostoïevski, c'est qu'il n'a pas son équivalent pour nous plonger dans la tête d'un individu. Il est seul capable de transmettre une fièvre par la lecture. Dans Monsieur Prokhartchine, cependant, même si le personnage principal fait montre de quelques bizarreries, ainsi que la galerie de personnages de la pension dans laquelle il habite, nous ne sommes pas (pas uniquement) dans sa tête. La forme de ce récit a une forme plus narrative.
La suite sur le blog…
Lien : http://livrepoche.fr/monsieu..
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J'aime bien, en général, les situations alambiquées dans les romans et ici j'ai été servi. J'ai beaucoup aimé l'approche de l'auteur concernant les différentes réactions dans l'entourage du héros quand la situation de celui-ci évolue. Un texte cynique à souhait.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Toute cette belle jeunesse se concertait en de rapides clins d’œil et l’on entamait aussitôt une conversation d’abord décente et sérieuse.
Mais quelque hardi gaillard se mettait soudain à débiter un choix de nouvelles le plus souvent aussi apocryphes qu’invraisemblables. Par exemple, il avait entendu Son Excellence confier à Demide Vassiliévitch que les employés mariés valaient mieux que les célibataires et que l’avancement leur convenait de préférence ; car les hommes vraiment calmes et sensés acquièrent dans la pratique de la vie matrimoniale de nombreuses capacités. En conséquence, l’orateur, désireux de se distinguer et de voir grossir ses appointements, se proposait de convoler en justes noces avec une certaine Févronia Prokofievnia. Ou bien, on avait souvent remarqué chez certains d’entre ses collègues une telle ignorance des usages mondains et des bonnes manières qu’il semblait impossible de les admettre dans la société des dames. Pour remédier à un aussi fâcheux état de choses, il avait été résolu en haut lieu qu’une retenue serait opérée sur les appointements en vue d’organiser une salle de danse où se pussent acquérir, et la noblesse des attitudes, et la bonne tenue, et la politesse, et le respect des vieillards, et la fermeté du caractère, et la bonté du cœur et le sentiment de la reconnaissance et autres agréables qualités.
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Mark Ivanovitch savait, à l'occasion, faire preuve d'éloquence et frapper l'auditoire. De son côté, Sérmione Ivanovitch parlait et agissait, vu son ancienne coutume, sans doute, de se taire, plutôt dans le genre décousu, et, de plus, quand il lui arrivait, par exemple, de lancer une longue phrase, au fur et à mesure qu'il s'enfonçait dedans, chaque mot, semblait-il, en faisait naître un autre, cet autre, dès sa naissance, en faisait venir un troisième, le troisième un quatrième, et ainsi de suite, jusqu'à lui en emplir la bouche venait alors l'envie de tousser, et les mots entassés se mettaient enfin à rejaillir dans un désordre des plus pittoresques. Voilà pourquoi Sémione Ivanovitch, homme pourtant sensé, disait parfois des bêtises terribles.
- T'es bête, répondait-il à présent, grande perche, rouleur de foires ! quand t'auras ta besace, la main que tu vas tendre; libertin, toi - coureur de jupes, oui et vlan, poète!
- Mais; dites, vous délirez toujours, ou quoi, Sémione Ivanovitch?
-T'entends, répondit Sémione Ivanovitch, c'est le crétin qui délire, le pochard qui délire, le chien qui délire, le sage, lui, il sert la raison. T'entends, t'entends rien à l'affaire, espèce de coureur, savant, va, tiens, livre écrit ! Mais, vlan, tu vas Brûler, tu le verras même pas, ta tête qu'aura le feu, tiens, tu connais l'histoire ?
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Dans I'appartement d'Oustinia Fédorovna, dans son réduit le plus obscur et le plus humble, Sémione Ivanovitch Prokhartchine, homme d'un âge déjà certain, bien pensant et non buveur s'était fait une place. Comme monsieur Prokhartchine, étant donné la minceur de son grade, touchait un traitement en concordance parfaite avec ses aptitudes de service, Oustinia Fédorovna ne pouvait en aucune façon tirer de lui plus de cinq roubles par mois pour son loyer. D'aucuns disaient qu'il y avait là de sa part un calcul spécial ; quoi qu'il en fût, néanmoins, monsieur Prokhartchine, comme pour faire la nique aux mauvaises langues qui parlaient contre lui, se trouva même parmi ses favoris, entendant cet honneur au sens le plus honnête et le plus honnête et le plus noble.
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Sémione Ivanovitch resta couché pendant deux ou trois jours, solidement enceint par le paravent et séparé ainsi du monde du bon Dieu et de ses vaines agitations. Comme de juste, le lendemain même, on l'oublia ; le temps volait à la même vitesse, les heures suivaient les heures, le jour un autre jour. Un demi-sommeil et un demi-délire tombèrent sur la tête brûlante et lourde du malade ; mais lui, il gisait, toujours rangé, sans gémir, sans se plaindre; au contraire, il fit encore moins de bruit, il se tut, et il serra les dents, s'affaissant lui-même sur son lit, comme un lièvre, de peur, se tapit sur le sol quand il entend la chasse.
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Quel est le plus impressionnant des romans russes ? Un roman-fleuve, une dinguerie sublime qui met en scène quatre frères qui sont surtout quatre fils, autour d'un père détesté et détestable ?
« Les frères Karamazov » , de Dostoïevski, c'est à lire en poche chez Actes Sud Babel.
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