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EAN : 9782246455516
373 pages
Grasset (22/04/1993)
3.75/5   6 notes
Résumé :
Qui se cache derrière cette expression fascinante mais banale qui, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, fut une source d'inspiration féconde chez les artistes ? C'est en s'appuyant sur des tableaux, des dessins et de nombreux textes de cette période que Mireille Dottin-Orsini a étudié l'étonnante ambivalence de leur regard sur la femme dite "fatale". De Gustave Moreau aux frères Goncourt en passant par Huysmans, Laforgue ou Villiers de l'Isle-Adam, on voit co... >Voir plus
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Au commencement, il y a Baudelaire et le poème "Une charogne" des Fleurs du mal. Un poème dont le titre est une injure, qui commence comme un madrigal, continue comme une rosserie et finit comme une vantardise... Le sujet est traditionnel: c'est la version XIXe siècle du "Quand vous serez bien vieille" ou du "Mignonne allons voir si la rose" de Ronsard. Cela tient du "Memento mori" (la mort est inéluctable), de l'imprécation biblique modernisée (toute femme est fille d'Eve) et du désir de mort (charogne soit-elle!). Il faut relire ce poème trop connu, au ton merveilleusement doucereux. Adressé à la femme aimée, il veut lui faire peur, se venger d'elle et lui souhaiter pire que la mort: la putréfaction. Bref, il veut lui lancer, de façon détournée, l'injure brutale et populacière que le narrateur du "Jardin des supplices" de Mirbeau jette par trois fois à la tête de sa belle maîtresse: "Charogne!... charogne!... Charogne!..." (O. Mirbeau: Le Jardin des supplices, Paris, U.G.E. "fins de siècles", 1986, p. 248.)
Cela commence avec douceur, par un rappel d'heureux moments, promenade, nature, été: quelque chose comme "Le Lac" de Lamartine. On sait le reste: une ricanante complaisance à jeter au visage d'Elvire une chose sans nom (peut-être un cadavre de "chienne", autre injure), obscène et gluante, animée de mouches et de vers, à demi liquide, odorante et même sonore: seul Lovecraft dans "La Chose sur le seuil" aurait pu risquer une description analogue de l'indescriptible. Le tout est un dosage subtil de notations répugnantes, de considérations philosophiques et de métaphores d'une élégance surannée. Le petit récit sous-entendu fonctionne comme un traquenard: couple d'amoureux en goguette, et "au détour d'un sentier", coucou la voilà: la charogne!
Le discours final, où l'on sent le prédicateur en chaire ("vous serez semblable à cette ordure"), suit plus étroitement le schéma classique: sermon fait à une coquette pour lui rappeler, non les réalités de la vie, mais celles de la mort - pour rappeler, surtout, qui est le Maître: celui qui, comme Dieu, détient le verbe poétique et peut seul triompher du néant et l'en tirer aussi, à quelque condition. Nous rejoignons ici Ronsard et sa Mignonne: de tels poèmes, menaces peu déguisées, contiennent l'injonction implicite d'être "bien gentille, sinon...". Sinon, elle sera charogne oubliée, "les jambes en l'air comme une femme lubrique". La situation est celle d'une guerre ou d'une vengeance pour une faute non dite: la femme apostrophée par Baudelaire a-t-elle été infidèle ou, comme la Mignonne de Ronsard, s'est elle refusée? A la fin du poème, seul rayonne le Poète-alchimiste dans toute sa gloire: même mégalomanie, même méchanceté oblique que chez Ronsard, même affirmation que la femme n'existe et n'existera que par lui et grâce à lui, sublimée par le Poète, enfin désincarnée.
La seule réplique de bon sens que pourrait faire la dame serait: "Et bien, et toi?".
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[...] en 1977, dans "Les Passions schismatiques", Gabriel Matzneff retrouve, moins la référence à Vigny, des accents de prédicateur que l'on aurait pu croire oubliés:

"La femme et l'homme ne sont pas fait pour s'accorder mais pour se combattre et se détruire. Entre l'homme et la femme, c'est une guerre permanente, tantôt sournoise, tantôt ouverte, mais une guerre à mort (...) demain ce discours précurseur sera vécu par une troupe sans cesse grossissante: l'avenir est à l'homosexualité, masculine et féminine, car le combat des sexes se fera chaque jour plus dur [Gabriel Matzneff: Les Passions schismatiques, Paris, Stock, 1977, pp. 48 à 50].

L'ouvrage est un pamphlet fort intéressant: son chapittre II, intitulé "La femme", montre la résurgence, vertigineuse et très complète, dans une parole qui se veut libre, provocante, "imprévisible", de manières de penser et même de formulations tout droit sorties des années 1890. Il n'y manque rien: ni la référence à Tertullien et à la "Porte du Diable", ni Schopenhauer et son "sexus sequior", ni l'admiration pour les théories de Weininger, devenu maître à penser en lucidité masculine. Ni les affirmations paradoxales attendues: "un homme qui aime les femmes, les pratique, les connaît bien, est nécessairement mysogine" ou "aucun écrivain français de ma génération n'a exalté, idéalisé, transfiguré la femme autant que moi(1)". ni la formule obligatoire: "aujourd'hui je sais que Véronique n'est pas une femme, qu'elle est la femme". Ni l'image de la décapitée. Ni celle des Amazones. Ni les clichés: la femme a besoin d'un Pygmalion, la femme a le génie de la dissimulation. Ni la poésie noire et fatale:"l'homme aime la mort, la femme aime la vie". Ni la femme fatale: "l'amour de la femme n'est une porte qui ouvre sur l'éternité, mais un trappe qui nous précipite dans le désespoir et dans la mort". Seules nouveautés: la "philopédie homosexuelle" prônée comme alternative au suicide, la référence à Philippe Sollers (futur auteur de "Femmes") et l'affirmation pour finir qu'un "écrivain "ne peut être mesuré à la même aune que les autres hommes". Nous ne sommes pas sortis de l'auberge fin de siècle.

(1) Ce type d'affirmation va de soi. Cf. Lombroso: "Pas une seule ligne de notre œuvre ne justifie les injustices dont la femme a si longtemps été victime"; Weininger: "Jamais peut-être un livre n'aura autant honoré la femme que celui-ci". L'avant dernière notre de Proudhon pour sa "Pornocratie" était: "Oh! j'ai dit trop de bien de la femme!".
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