Dirk Gentle, détective holistique, tome 2 : Beau comme un aéroport

Le parc était fermé pour la nuit, mais Thor sauta sans aucun mal par-dessus les pics de la grille, puis il souleva Kate à son tour aussi facilement que si elle avait été un peu bouquet de fleurs.
L’herbe était froide et détrempée, mais sa magie s’exerçait toujours sur des pieds citadins. Kate fit ce qu’elle faisait toujours quand elle entrait dans le parc : elle se pencha et posa un moment les mains à plat sur le sol. Elle n’avait jamais très bien compris pourquoi elle faisait cela et souvent elle resserrait un lacet ou ramassait un bout de papier pour justifier son geste, mais tout ce qu’elle voulait en fait, c’était sentir sous ses paumes l’herbe et la terre humides.
Le parc, vu sous cet angle, n’était qu’une épaule sombre qui se dressait devant eux. Ils gravirent la pente et s’arrêtèrent en haut, contemplant les ténèbres qui enveloppaient le reste du parc jusqu’à l’endroit où elles se dissipaient dans la lumière du centre de Londres, du côté du sud. Des tours et des blocs d’immeubles dressaient à l’horizon leurs vilaines silhouettes, dominant le parc, le ciel et la ville.
Un vent humide et froid soufflait par rafales, comme si un cheval sombre et de mauvaise humeur agitait la queue. En fait, le ciel nocturne évoquait un cortège de chevaux nerveux et irritables, dont les harnais claquaient et s’agitaient au vent. Kate avait aussi l’impression que toutes ces brides et ces courroies rayonnaient d’un centre unique, tout près d’elle. Elle se reprocha ces idées absurdes, mais il lui semblait quand même toujours que le temps était comme groupé autour d’eux, à attendre des instructions. (Page 272)

Cela signifiait que la guerre qui se livrait en silence entre lui et sa femme de ménage avait atteint un niveau plus élevé et plus terrifiant. Cela faisait maintenant, calcula Dirk, trois mois pleins que cette porte de réfrigérateur n'avait été ouverte et chacun d'eux était résolument décidé à ne pas être le premier à l'ouvrir. Le frigo n'était plus simplement posé dans le coin de la cuisine, il était là comme une présence hostile.

Et vous, vous ne regardez jamais dans votre rétroviseur ?
- Non, dit Kate, les poings sur les hanches.
- Oh ! Fit son adversaire. Et pourquoi ?
- Parce qu'il est sous la banquette.
- Je vois, répondit-il d'un air sévère. Merci d'être aussi franche avec moi. Avez-vous un avocat ?
- Oui, justement, dit Kate.
Elle avait lancé cela d'un ton énergique et hautain
- Il est bon ? Fit l'homme au chapeau. Je vais en avoir besoin d'un. Le mien est en prison pour un moment.

[...] Quelques virages plus tard, j'étais complètement perdu. Il y a des gens qui estiment que, dans ces cas-là, on devrait consulter une carte, mais à ces gens-là je réponds simplement : "Ah ! Et si vous n'avez pas de carte à consulter ? Et si vous avez une carte et que ce soit celle de la Dordogne ?" Ma stratégie à moi est de trouver une voiture, ou ce qui s'en rapproche le plus, qui ait l'air de savoir où elle va et de la suivre. Je me retrouve rarement là où j'avais l'intention d'aller, mais souvent quelque part où j'avais besoin de me trouver.

L'impossible ne le préoccupait pas indûment. Si un fait ne s'était pas produit de façon possible, alors il s'était produit de façon impossible. La question était de savoir comment.