C'est dans le cadre d'un partenariat jeunesse avec BOB et les Éditions NAÏVES que j'ai eu le plaisir de découvrir ce roman, destiné aux adolescents. MERCI !
J'avais "mon" ado sous la main, pour envisager une co-lecture : Siegfried, passionné par la deuxième guerre mondiale, qui a d'ailleurs rédigé, il y a peu, un dossier sur le thème des Droits de l'Homme bafoués par le nazisme.
Siegfried : Je n'aurais pas aimé qu'on change mon prénom ! C'est comme si je n'existais plus !
Moi : En rebaptisant Piotr en Peter, c'était un moyen de nier son origine polonaise.
S : Il était polonais, pas juif ! Et puis, c'est pas en changeant de prénom qu'on change sa personnalité !
M : As-tu compris que les allemands voulaient devenir les maîtres du monde et qu'ils souhaitaient rayer de la carte tous les autres pays ? Obliger Piotr à renier son origine, c'était un début, selon eux, pour supprimer l'idée que la Pologne existait.
S : Mais, dans mon dossier, je ne parle que des juifs que les allemands voulaient supprimer ! Et Piotr n'est pas juif ! D'ailleurs, il l'accueille chez eux, parce qu'il ressemble aux allemands ; grand, blond et yeux bleus.
M : Je pense que tu abordes là le problème de l'identité. Qu'est-ce que c'est, pour toi, l'identité ?
S : C'est être reconnu pour ce que l'on est ! Piotr, c'est un jeune polonais, Peter ce n'est pas un jeune allemand !
M : Tu as raison, et c'est bien pour cela que Piotr/Peter ne se reconnaîtra jamais complètement comme un allemand.
S : Sa famille d'accueil, elle le sent, qu'il n'est pas un vrai allemand ! Tu as vu comme ils sont toujours en train de l'observer et de lui trouver des défauts ?
M : Être un "vrai" allemand, dis-tu ? Dans ce livre, tu as découvert d'autres jeunes allemands : Segur, Elsbeth, Lena... À ton avis, sont-ils de "vrais" allemands ? Qui, dans ce pays, à cette époque, décide des critères qui justifient l'appartenance à l'Allemagne ?
S : Les nazis.
M : Les nazis sont-ils alors de "vrais" allemands ? Est-ce que tous les allemands sont nazis ?
S : Non ! On voit bien qu'il y a des allemands qui ne sont pas d'accord avec ce que disent les nazis : la famille Reiter, par exemple.
M : As-tu compris combien, pendant cette guerre, il a été difficile pour certains allemands de faire des choix ? Revenons à Piotr/Peter. Au début du livre, nous sommes à Varsovie, en 1941. Piotr perd ses parents. Et lorsqu'il est envoyé en Allemagne pour faire partie du peuple allemand, il est heureux. À ce moment, il y croit ! Il est accueilli par la famille Kaltenbach, dont on pourrait dire que ce sont de "vrais" allemands.
S : En fait, ce sont de "vrais" nazis ! Ce n'est pas pareil "être allemand" et "être nazi" ; ils ont tout confondu ! Heureusement que Piotr rencontre Lena ! Quand le garçon est dans sa famille d'accueil, c'est Peter ; quand il est avec Lena et ses parents, c'est Piotr.
M : Et quand, alors, est-il le "vrai" ?
S : le vrai allemand ? Il n'est jamais un vrai allemand, il reste polonais ! Mais il aurait pu devenir allemand sans devenir nazi !
M : Dans les conditions que décrit le roman, tu crois que c'était possible ?
S : Non, parce que si on n'était pas nazi, on devait mourir. Regarde ce qui est arrivé au père de Lena.
M : Une dernière question : que penses-tu d'Elsbeth ?
S : Elle a accepté de faire des trucs horribles ! Mais après elle a arrêté. C'est pour ça qu'elle n'est pas claire avec Piotr. Des fois elle le regarde comme un ennemi, des fois elle l'aide. Elle ne sait pas trop ce qu'il faut faire ! Mais c'est parce qu'elle obéit à ses parents.
M : Seulement à ses parents ?
S : Non, à ce que disent les nazis. Elle y a cru ! Mais quand elle a compris que c'était dégueulasse, elle a arrêté.
M : Oui ! Mais s'est-elle engagée, comme Lena, dans le refus de l'idéologie nazie ?
S : Non. Elle a fait l'autruche. Elle savait ce qui se passait, mais elle ne faisait rien pour le dénoncer. Elle a juste aidé Piotr à s'enfuir ! C'est quand même ça !
Voici un roman captivant que les adultes peuvent apprécier aussi. Les questions fondamentales de l'identité, du choix, de la responsabilité, de l'enrôlement, de la reconnaissance, de la participation y sont posées en mots simples et évocateurs. C'est un texte qui amène obligatoirement à une réflexion sur ce que l'on appelle, à ce jour, l'identité nationale. Les époques ne sont pas les mêmes, les questions demeurent cependant. Il a évoqué aussi en moi le problème des intégrismes de toutes sortes qui malmènent nos vies.
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