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Citations sur Une vie française (225)

Telle était ma famille de l'époque, déplaisante, surannée, réactionnaire, terriblement triste. En un mot, française. Elle ressemblait à ce pays qui s'estimait heureux d'être encore en vie, ayant surmonté sa honte et sa pauvreté. Un pays maintenant assez riche pour mépriser ses paysans, en faire des ouvriers et leur construire des villes absurdes constituées d'immeubles à la laideur fonctionnelle.

CHARLES DE GAULLE (4 octobre 1958 — 28 avril 1969).
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— Putain, ça pue l'ail.
— Quoi, tes doigts ?
— Non, ma bite. J'ai la bite qui pue l'ail, à mort. C'est à cause du rôti, de ce putain de rôti.
— Quel rôti ?
Et là, David Rochas, quatorze ans, élève de 4e A au lycée Pierre-de-Fermat me raconta comment depuis près d'une année il s'enfilait jusqu'à la garde tous les rôtis de bœuf que Mme Rochas, sa mère, faisait préparer et larder, deux fois par semaine, par M. Pierre Aymar, chef de comptoir à la Boucherie Centrale. David m'expliquait tout cela d'une voix tranquille et posée, un peu à la façon d'un cuisinier qui vous livrerait les rudiments de l'une de ses préparations. « D'abord je le sors du frigo une ou deux heures avant pour qu'il soit à une température normale, tu vois. Ensuite, je prends un couteau assez large et je fais une entaille, bien au milieu du rôti, pile au centre. Pas trop large non plus, juste comme il faut. Ensuite, je met le tablier, je baisse mon froc et la partie peut commencer. Sauf que souvent, ma putain de mère, elle fourre le rôti avec de l'ail. Alors quand je tombe sur une gousse et que je m'y frotte dessus, j'ai la bite qui pue pendant deux jours. Quoi, qu'est-ce que tu as ? C'est l'ail qui te dégoûte ? On dirait que tu viens de voir le diable. »
Ce que je venais de voir était bien plus impressionnant : mon meilleur ami, demi de mêlée et futur capitaine de l'équipe de rugby, debout dans la cuisine, un couteau à la main, la queue affamée et ardente, besognant le rôti familial taillé avec expertise dans les meilleurs morceaux d'un bœuf, servi le soir même accompagné de haricots verts et de pommes dauphine. Je connaissais bien ce plat. Je l'avais à plusieurs reprises partagé avec les Rochas.
— Tu baises le rôti de ta mère ?
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J'ai toujours été athée et la religion, quelle qu'elle soit, n'est pas pour moi un concept négociable. Partout, j'avais vu la vermine de la croyance et de la foi grignoter les humains, les rendre fous, les humilier, les rabaisser, les ramener au statut d'animaux de ménagerie. L'idée de Dieu était la pire des choses que l'homme eût jamais inventées. Je la jugeais inutile, déplacée, vaine et indigne d'une espèce que l'instinct et l'évolution avaient fait se dresser sur ses pattes arrière mais qui, face à l'effroi du trou, n'avait pas longtemps résisté à la tentation de se remettre à genoux. De s'inventer un maître, un dresseur, un gourou, un comptable. Pour lui confier les intérêts de sa vie et la gestion de son trépas, son âme et son au-delà.

FRANÇOIS MITTERRAND (I) (21 mai 1981 — 7 mai 1988)
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La mort de Vincent nous a amputés d'une partie de nos vies et d'un certain nombre de sentiments essentiels. Elle a profondément modifié le visage de ma mère au point de lui donner en quelques mois les traits d'une inconnue. Dans le même temps, son corps s'est décharné, creusé, comme aspiré par un grand vide intérieur. La disparition de Vincent a aussi paralysé tous ses gestes de tendresse. Jusque là si affectueuse, ma mère s'est transformée en une sorte de marâtre indifférente et distante. Mon père, autrefois si disert, si enjoué, s'est muré dans la tristesse, le silence, et nos repas, jadis exubérants, ont ressemblé à des dîners de gisants. Oui, après 1958, le bonheur nous quitta, ensemble et séparément, et, à table, nous laissâmes aux speakers de la télévision le soin de meubler notre deuil.
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- Quand je pense qu’on t’a fait faire latin-grec…
Cette phrase, je l’avais souvent entendu dans ma vie. Ma mère l’employait chaque fois que je lui causais une profonde déception. Elle ne comprenait pas qu’un homme élevé aux mamelles de la civilisation fût à ce point demeuré imperméable à la sagesse de ses maîtres. Dans son esprit, de la même façon que le BCG (Bilié de Calmette et Guérin) m’avait protégé de la tuberculose, le latin-grec, vaccin éminemment culturel, aurait dû me mettre à l’abri des erreurs de jugement et des écarts de conduite.
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Le 17, la guerre du Golfe éclata. […] Comme tous les autres Français, je m'assis alors devant la télévision et regardais comment s'y prenait l'Amérique pour embobiner le monde. Altération de la réalité. Malversations sémantiques. Falsification des causes. Amplification des effets. Témoignages truqués. Contrefaçon des preuves. Détournement des buts. Déguisement de la souffrance. Dissimulation des morts. Ces gens d'outre-Atlantique incarnaient la forme civilisée de la barbarie. Manipulateurs de conscience, exterminateurs de pensée, inséminateurs d'idées prédatrices, ils avaient fait de l'image un miroir mensonger qu'avec la complicité de hâbleurs stipendiés, ils pouvaient déformer à leur guise en fonction de leurs besoins.

FRANÇOIS MITTERAND (II) : 8 mai 1988 — 17 mai 1995.
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Tant de choses se mélangent que l'on finit par ne plus savoir ce que l'on souhaite vraiment, la mort en ce qu'elle apaise l'angoisse, ou simplement encore un peu de vie, parce qu'on ne sait jamais.
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C'est à treize ans, et sans doute avec un certain retard sur mes congénères, que je découvris tout seul et grâce à Victor Hugo, le principe et le mécanisme de l'éjaculation. C'était un dimanche, et j'avais été consigné dans ma chambre pour lire plusieurs chapitres des Misérables afin d'en faire un résumé. Comme tous les garçons de mon âge, j'étais en permanence travaillé par un profond courant, une tension violente qui rôdait sans cesse dans mon bas-ventre. Pour calmer, ou tenter de maîtriser cette excitation chronique, j'avais pour habitude d'empoigner mon appendice qu'à la manière d'un voyageur impatient je triturais sans but. C'était à la fois agréable et terriblement frustrant. Et Hugo vint. Avec cette lecture sans fin. Ce dimanche divin. Cette fois-là, au bout de l'érection - mécanique simpliste dont je percevais parfaitement les lois -, se produisit ce phénomène brutal, archangélique et mystérieux : l'éjaculation. Avec sa fulgurante émission de liqueur et cette terrifiante et radieuse sensation de douce électrocution. Tel un pèlerin transfiguré, j'eus alors la révélation que je ne vivrais plus désormais que pour connaître encore et encore ce frisson, que c'est après lui que le monde courait, qu'il faisait tourner la Terre, qu'il engendrait des famines, suscitait des guerres, qu'il était le vrai moteur de la survie de l'espèce, que les séismes délicieux de ces glandes pendulaires pouvaient à eux seuls justifier notre existence et nous encourager à reculer sans cesse l'heure de notre mort. Donc à partir de Hugo, tel un vrai misérable au regard des lois catholiques, je me branlais comme un forcené, un évadé de cette petite France mortuaire. Je me branlais en regardant des speakerines de télévision, des catalogues de vente par correspondance, des magazines d'actualité, des publicités avec des filles assises sur des pneus, bref n'importe quelle image pourvu qu'elle me révélât une part de chair féminine.
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Pour tromper mon ennui, le soir, il m’arrivait de ranger ma discothèque où s’entassaient un millier de disques de vinyle et quelque deux cent cinquante CD. Cet exercice relevait à la fois du cérémonial et du casse-tête. J’hésitais à les classer par genres – ce qui n’était jamais très confortable pour trouver rapidement un musicien -, ou par ordre alphabétique – choix qui offrait l’avantage de la simplicité, mais manquait singulièrement de style. La plupart du temps, j’optais pour une classification hybride, irrationnelle, dans laquelle j’associais des artistes pour d’obscures raisons personnelles. Ainsi s’il était assez cohérent de placer côte à côte Tom Waits et Rickie Lee Jones, ou encore Herbie Hancock, Jeff Beck et Chick Corea, j’aurais compris que l’on me demandât des comptes sur le fait d’apparier Jimi Hendrix, Johnny Guitar Watson, Stevie Ray Vaughan et Stevie Wonder. Dans ce désordre raisonné, je réunissais en petit bloc mes musiciens préférés ou mes marmottes du moment : à ce titre Curtis Mayfield, Keith Jarrett, Bill Evans, Chet Baker, Miles Davis et Charlie Haden côtoyaient Chico Debarge, Tony Rich, Babyface, Maxwell et D’Angelo. Lorsqu’un brin de lucidité s’emparait de moi, ces manies de vieux, ces attitudes compulsives m’effrayaient, et je songeais que je passais sans doute plus de temps à classer et reclasser ce trésor musical qu’à l’écouter.
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Je ne porte plus de sous-vêtements depuis ma petite enfance. Ces toiles et cotons superfétatoires m'ont toujours gêné. Leur contact m'est extrêmement désagréable. Aussi je n'oublierai jamais la décharge érotique que ressentit Laure lorsqu'elle découvrit ce bien modeste particularisme. Il symbolisait pour elle une forme de disponibilité sexuelle et la changeait de ses habitudes matrimoniales, "Tu connais François, prude comme un moine. S'il pouvait, des slips, il en mettrait trois." Vivre tous les jours sans culotte était pour elle le comble du libertinage, l'alpha et l'oméga du stupre, de la luxure et de la débauche. J'étais le premier homme de cette sorte qu'elle rencontrait et cela lui fouettait littéralement le sang.
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