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Critique de candlemas


Cet intéressant petit essai de l'éminent médiéviste Georges Duby nous introduit à l'art du Moyen-Age, du Vème à l'orée du XVème Siècle. Georges Duby s'y emploie à montrer comment l'évolution de l'art procède de celle des représentations mentales, et donc de celle des rapports sociaux.
Ainsi, si l'Europe du sud verra persister entre le Vème et le Xème siècle, une tradition du monumental et du travail de la pierre, les pays du nord connaissent l'influence de traditions plus portées sur l'orfèvrerie, le travail du métal ou du bois sur de petits objets, au transport aisé, cela dans un monde rural exposé aux vagues d'invasions ou de pillages. Les monastères, fonctionnant en réseaux, se constituent en hâvres de connaissance . Les grands ordres, à commencer par Cluny, puis les ordres mendiants, n'en prêchent pas moins le dénuement et le détachement du matériel.
Aux siècle suivants, marqués par un accroissement démographique et un mieux vivre, le clergé séculier, au premier rang desquels les évêques, puis les papes, reprennent le pouvoir, portant dans les villes un renouveau de l'art monumental. le XIIème siècle et la 1ème moitié du XIIIème siècle verront l'extraordinaire floraison des cathédrales. Les échanges artistiques se diffusent à l'échelle européenne entre le nord et sud, suivant la route des marchands. On redécouvre Aristote et l'art du raisonnement, profane ou non. L'artisanat se trouve valorisé, et des commandes plus individuelles, celles des grands bourgeois et seigneurs, plus cultivés, prolongent le mouvement de construction.
Enfin, malgré des flux et reflux, au gré des périodes plus difficiles de guerres de famines ou de peste, les années 1250 à 1400, au cours d'un long mouvement de valorisation de l'individu, verront éclore la modernité pré-renaissance au travers du développement d 'un art pour l'art, porté cette fois par des mécènes, bourgeois, seigneurs ou clercs, qui financent toujours chapelles et oeuvres d'art, mais entendent désormais que celles-ci restent dédiées à leur personne et leur famille, à leur salut, au moins autant qu'à Dieu. le savoir, enrichi des apports arabes, grecs, juifs, se sécularise aussi, et la prière relève de plus en plus souvent de la sphère personnelle. Les Très Riches Heures du Duc de Berry , au début du XVème siècle, illustrent parfaitement cette lente appropriation individuelle de la pensée, plus autonome, de l'art pour l'art, dont l'esthétique conduira à des dérives maniéristes, et de la foi, qui se veut de plus en plus intérieure.
Ainsi, en 110 pages à peine, dans un style toujours aussi soigné, George Duby nous guide au cours d'une longue marche sur plusieurs siècles. On y découvre une évolution non assurée de l'art, de la pensée, fluctuant suivant les supports sociaux (démographie et situation de paix ou non, rapport entre les hommes, pouvoirs et richesses, techniques de production). Mais Georges Duby nous confie cependant pour fil d'Ariane le rapport au religieux : l'art et la pensée se sont d'abord perpétués au service de Dieu et de la foi, dans le refuge de la religion, puis, celle-ci se donnant de plus en plus à voir, ils se sont développés aussi hors d'elle, dans un long processus d'émancipation. Les traces de ces étapes successives continuent de marquer avec force nos coeurs de villes anciens, nos campagnes et faubourgs, et l'artisanat d'art traditionnel, qu'il soit vivant ou conservé dans nos musées.
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