D'abord un double sentiment troublant. Une fascination visuelle, générée par l'intensité et l'incroyable beauté du trait, mêlée d'effroi devant la puissance évocatrice de ce noir et blanc au contenu dantesque. On ressent jusque dans nos entrailles la menace grandissante, oppressante de cette armée des ombres espagnole.
Ensuite, une terrible sensation d'impuissance face à la futilité et la fatalité. Futilité de la quête d'Apoo, figurant désarmé d'un drame de l'Histoire dont on connaît déjà l'issue inéluctable. Fatalité du sort d'un peuple.
Enfin la rage et le dégoût devant l'effroyable force destructrice de la folie des hommes.
Une oeuvre extrême dans l'esthétisme et la violence qui s'en dégagent.
On en ressort secoué.
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Parfois, un livre ne fonctionne pas sans que l'on puisse comprendre pourquoi.
Le thème est original. Duchazeau suit la lente agonie de l'empire Inca face aux conquistadors.
Adopter le point de vue des vaincus est toujours original. D'autant que les conquistadors, d'abord pris pour des dieux, sont présenter de manière très mystérieuse. Il ne s'agit que d'ombres qui baignent dans un climat proche du surnaturel. Encore une fois, Duchazeau adopte le point de vue des vaincus.
Duchazeau tente aussi d'expliquer comment une poignée d'aventuriers, sans doute épuisé par des mois de traversée, ont détruit un empire en quelques semaines.
Intéressant est orginal, en effet. mais pourquoi cet album ne décolle jamais ? Sans doute parce que l'ensemble reste plat. Si le traitement graphique est séduisant de prime abord, je trouve qu'il n'arrive jamais à véhiculer un souffle particulier. Ce récit est une tragédie. C'est l'agonie d'une civilisation. Mais, graphiquement, l'ensemble paraît étriqué, sans grandeur. Sans doute aurais-je préféré que, face au mystère des conquistadors, Duchazeau représente la fierté des Incas, leur civilisation puissante et brillante. Cette opposition aurait donné de l'ampleur à ce récit. Elle manque cruellement.
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Lecture jeune, n°124 - « Je me souviens d’avoir vu de mes propres yeux de vieux Indiens, regardant la ville de Cuzco. En voyant la ville, ils ont poussé un grand cri de douleur… Les larmes de tristesse coulaient de leurs joues, en contemplant le présent… et en se rappelant le passé. ». C’est par cette citation de Pedro Cieza de Léon que s’ouvre et se clôt Les vaincus, dernier ouvrage de Frantz Duchazeau, qui avait déjà signé, avec Fabien Vehlmann, La nuit de l’Inca. Cette fois-ci, l’auteur saisit le moment crucial où, au contact de l’étranger, une civilisation s’effondre. Une chute que nous vivons au travers des yeux d’Apoo, messager royal de l’empire Inca, personnage farouche et solitaire en prise avec une histoire qui le dépasse. L’ouvrage, au texte très dépouillé, est d’une poésie dense et sombre, qui n’est pas sans évoquer les peintures noires de Goya. Alternant les points de vue et jouant des contrastes entre noir et blanc, ligne claire et usage d’un noir charbonneux, il « plonge » littéralement le lecteur dans le drame qui se joue. Le propos historique, finement traité, n’est pas forcément évident d’accès mais la force des images, à l’incontestable pouvoir évocateur, saura certainement entraîner les adolescents le long de cet impressionnant « roman graphique ». Une belle réussite. Nathalie Carré
Lire la critique sur le site : Lecturejeune
Je me souviens d'avoir vu de mes propres yeux, de vieux Indiens...regardant la ville de Cuzco...en voyant la ville, ils ont poussé un grand cri de douleur, les larmes de tristesse coulaient de leurs joues en contemplant le présent, et en se rappelant le passé.
Pedro Cieza de Léon, 1553.
Payot - Marque Page - Frantz Duchazeau - Les derniers jours de Robert Johnson