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EAN : 9782757834763
696 pages
Points (13/06/2013)
4.05/5   331 notes
Résumé :
sous le titre "le fil du destin" aux éditions France Loisirs
Trahie par l'homme qu'elle aimait, Sira, vingt ans, se retrouve seule à Tétouan. La guerre civile ravage l'Espagne et elle ne peut rejoindre sa mère à Madrid. Sans argent, sans amis, elle ne doit sa survie qu'à son seul talent : la couture. Comment peut-elle imaginer qu'en montant un atelier de confection elle se prépare à une existence d'aventurière ? Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, les r... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (47) Voir plus Ajouter une critique
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Dans le Madrid des années 30, Sira Quiroga mène un vie bien rangée aux côtés de sa mère, que ce soit dans leur modeste appartement ou dans l'atelier de Madame Manuela où elles sont toutes deux couturières. Fiancé au gentil Ignacio, elle prévoit de se marier bientôt mais avant cela il lui faut consolider sa situation professionnelle. En effet, l'époque est troublée. La République a fait fuir les riches madrilènes vers la campagne et les clientes se font rares à l'atelier. Poussée par Ignacio, Sira décide de devenir fonctionnaire mais pour cela il lui faut apprendre la dactylographie. Les fiancés se mettent donc à la recherche de la parfaite machine à écrire sans se douter que cet achat bouleversera leur vie à tout jamais.
La sage et raisonnable Sira tombe éperdument amoureuse du gérant de la boutique Hispano-Olivetti, le séduisant et sensuel Ramiro, de dix ans son aîné. Faisant fi de son éducation et de ses principes, elle rompt ses fiançailles et devient sa maîtresse. Ensemble, ils quittent Madrid en proie aux troubles et gagnent Tanger pour y monter une affaire. Mais le beau Ramiro n'est pas homme à rester en place. D'autres aventures l'appellent et il quitte Sira en la dépouillant de tous ses biens.
Seule, ruinée et criblée de dettes, Sira trouve refuge à Tetouan, capitale du Protectorat espagnol au Maroc. Retourner en Espagne est impossible. La guerre civile a éclaté et le détroit est bloqué. Après des mois de déprime, la jeune fille, aidée par la propriétaire de la pension où elle vit, monte une maison de couture qui deviendra bientôt l'endroit où toutes les femmes en vue de Tetouan viennent s'habiller. C'est le début pour Sira d'une vie d'aventures bien loin de tout ce qu'elle pouvait imaginer...


Attention! Ce livre est un piège! Dès qu'on lit les premières phrases, on est emporté par la plume de Maria DUEÑAS dans la vie de son héroïne et l'on ne peut plus s'empêcher de lire et de lire encore, sans jamais s'arrêter.
Sira, la couturière qui a de l'or au bout des doigts, évoque ses souvenirs sans rien cacher de ses peines, ses joies, ses déconvenues, ses craintes, ses faiblesses. Tout au long du roman on assiste à la métamorphose d'une jeune fille timorée qui subit les évènements, tantôt guidée par sa mère, tantôt par un homme, sans conscience politique véritable en une femme forte et sûre d'elle qui décide de sa vie et prend des risques pour ce qu'elle croit bon pour son pays. Au gré de ses rencontres, elle se fera des amis aussi bien parmi les anonymes que parmi les personnalités en vue. de couturière elle deviendra espionne pour le compte des services secrets britanniques et voyagera de Tanger à Madrid en passant par Lisbonne, toujours en quête de renseignements utiles à ceux qui l'emploient et qui ont pour but la neutralité de l'Espagne de Franco. Avec elle, on découvre la deuxième guerre mondiale sous un autre angle, depuis le Maroc préservé jusqu'à l'Espagne et le Portugal qui louvoient entre les puissances de l'Axe et les Alliés. Entre ceux qui veulent profiter de la guerre pour faire fortune en commerçant avec l'Allemagne et ceux qui veulent se rapprocher de la Grande-Bretagne pour arrêter Hitler, Sira apporte sa petite contribution pour démasquer les uns et aider les autres.
Et Sira, héroïne belle et courageuse, n'est pas la seule pépite de ce livre. Les personnages secondaires hauts en couleurs tiennent aussi une place de choix, que ce soit Candelaria la Contrebandière qui aidera Sira à monter sa maison de couture ou Felix son voisin sous l'emprise d'une mère despotique qui fera son éducation culturelle, ou encore Juan Luis Beigbeder, haut-commissaire de Tetouan, amoureux fou du Maroc et de son peuple et de sa maîtresse, l'extravagante britannique Rosalinda Fox, et qui deviendra le Ministre des Affaires Etrangères de Franco. Tous ceux qui gravitent autour de Sira (personnages réels ou fictifs) contribuent à faire de ce livre un grand moment de lecture. On s'attache, on pleure, on frémit, on s'enthousiasme avec eux et c'est avec regret qu'on les quitte en tournant la dernière page. Un énorme coup de coeur.
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Quelle belle histoire romanesque nous fait vivre cette espionne de Tanger !

C'est tout à la fois un roman d'espionnage et d'aventures, un documentaire sur l'Espagne de Franco et son protectorat au Maroc, un récit d'apprentissage, une romance...

Impossible de ne pas rêver de couture en lisant, pour faire des toilettes somptueuses à partir de soieries et autres étoffes... ou espionnage, au choix !

Plus exotiques et attachants les uns que les autres, les personnages, Sira la couturière en tête, nous entrainent dans une grande épopée passionnante, qui nous distrait autant qu'elle nous instruit.

Si Ken Follett avait un château en Espagne, il pourrait y accueillir Maria Duenas, qui signe ici une épopée digne des Piliers de la Terre.
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L'Espagne, dans son besoin de faire face au passé, connait depuis plusieurs années, un boom de la littérature abordant la Guerre Civile (1936-1939). Certains de ces ouvrages sont assez noirs, et d'autres, comme El Tiempo entre costuras (vous me pardonnerez de n'utiliser que le titre espagnol, mais les titres français, L'espionne de Tanger ou le fil du destin sont vraiment peu représentatifs du roman à mes yeux, pas de grandes réussites...) se servent de cette période comme toile de fond, sans s'imbiber d'une lourdeur décourageante pour le lecteur avide de voyages.

El tiempo entre costuras nous transporte donc d'une Madrid en pleine guerre civile, au Protectorat espagnol, -Tanger la cosmopolite et Tetouan-.

Sira, une jeune couturière espagnole, se verra entraînée par le flot de l'histoire, et deviendra un agent spécial des Forces Alliées : elle finira par travailler pour les Anglais.

Présenté comme cela, vous allez penser qu'il s'agit avant tout d'un roman d'espionnage, et beaucoup d'entre vous vont tourner les talons. Attendez ! Non, ce n'est pas un roman d'espionnage, ni un roman d'amour d'ailleurs, ni un roman historique. de quoi s'agit-il alors ? D'un roman d'aventures, de l'épopée d'une femme, qui se bat pour survivre dans un contexte historique difficile, et avec une condition difficile, -celle d'être une femme dans une Espagne dans la tourmente-. Un roman profondément intimiste finalement, tant l'auteure s'est attachée à plonger au coeur de ses protagonistes. Malgré une narration à la première personne, elle nous dresse des portraits attachants des personnages secondaires, au langage parfois fleuri, mais tellement authentiques.

Ce livre m'a littéralement emportée, j'ai eu beaucoup de mal à le lâcher. Il a connu un grand succès en Espagne, mais ce n'est pas forcément un gage de qualité…Mais je dois dire que ce succès est mérité. Il s'agit de littérature sans prétention, de littérature d'évasion, mais l'auteure a fait preuve d'une grande rigueur en ce qui concerne les faits, les descriptions, et certains personnages historiques de l'époque. Tous ces éléments s'imbriquent naturellement dans la trame du récit, et nous livrent un contexte passionnant. Petite et grande Histoire se mélangent au gré d'une écriture fluide et agréable (j'espère que la traduction française sera à la hauteur de la version originale), conférant un rythme au récit qui m'a laissé peu de répit.

Lien : http://lelivrevie.blogspot.f..
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Sira Quiroga, élevée par sa mère célibataire, grandit dans les années trente à Madrid et devient couturière comme sa mère, première main d'une maison de couture. Mais avec la crise de la fin des années trente et la fermeture de l'atelier de couture, elle s'oriente vers le secrétariat, soutenue par Ignacio son fiancé mais sa rencontre avec Ramiro, va faire basculer son destin Avec lui elle part pour Tanger, alors protectorat espagnol pour faire des affaires, qui vont vite s'avérer louches.....Restée seule et quittant Tanger pour Tétouan, où elle espère embarquer pour l'Espagne, elle va se retrouver bloquée dans la petite ville alors qu'éclate la guerre civile espagnole et va devoir faire preuve d'imagination pour y survivre...avec ses doigts d'or, pourquoi ne pas créer un maison de couture, avec la clientèle étrangère résidant dans la ville, fonctionnaires espagnoles, allemands fortunés, aristocrates britanniques et affairistes de tout poil...

L'espionne de Tanger est une très bonne surprise, un roman à la fois d'aventures et historique qui, grâce aux nombreuses mésaventures et retournements de situation de l'héroïne, m'a emmené dans les années trente et quarante à Tanger, puis Tétouan, dans le microcosme européen, à la fois nid d'espions, favorisant les affaires, les liaisons dangereuses entre politique et amitiés superficielles. Un roman où se succède une série d'aventures qui éclairent sur l'histoire de l'Espagne, y mêlant habilement des personnages historiques dans un style qui m'a complètement séduite, j'ai été happée dans ce roman Maria Dueñas et j'y ai appris beaucoup sur le protectorat espagnol au Maroc.
Il y avait longtemps que je n'avais pas été aussi enthousiasmée - depuis
Le Médecin d'Ispahan, je pense...
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Le titre de ce pavé pourrait laisser présumer une bluette à l'eau de rose mais l'Espionne de Tanger est un beau roman sur la période trouble de la guerre civile espagnole et la 2e guerre mondiale qui se laisse dévorer avec délice.
Bien avant d'être espionne, Sira Quiroga est d'abord une petite couturière madrilène dont le destin sera chamboulé par sa rencontre avec un jeune homme indélicat qui l'emmènera à Tanger. Et avant de découvrir les arcanes de l'espionnage de haut vol, c'est d'abord dans les soieries, les shantungs et les taffetas que sera plongé le lecteur, au coeur du protectorat espagnol de Tanger puis de Tétouan, pendant la guerre civile espagnole.
C'est depuis le Maroc donc, que Sira suit la guerre civile qui met son pays à feu et à sang, puis l'embrasement européen qui menace l'Espagne. C'est également au Maroc qu'elle habille dans son atelier toutes les femmes de la haute société espagnole, allemande ou anglaise.
Après un début assez lent, ce n'est qu'aux deux-tiers du roman que Sira fait son apprentissage de Mata Hari et le lecteur avec elle découvre la position délicate de l'Espagne pendant la 2e guerre mondiale.
Distrayant et instructif, souvent palpitant, voici un roman d'aventure, d'amour et d'espionnage dans la meilleure tradition du genre qui plaira aux âmes romanesques !
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critiques presse (1)
LesEchos
31 juillet 2012
Le ton est léger, le style facile à lire et, bien que l'action tarde un peu à démarrer, on suit, sans s'ennuyer, les aventures de Sira pendant ces années de braises.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Citations et extraits (40) Voir plus Ajouter une citation
- Le créateur de ce modèle, ma chère ignorante, est Mariano Fortuny y Madrazo, fils du grand Mariano Fortuny, qui est sans doute le meilleur peintre du XIXe après Goya. C'était un artiste extraordinaire, par ailleurs très lié au Maroc. Il est venu pendant la guerre d'Afrique, il a été ébloui par la lumière et l'exotisme de cette terre et il s'est efforcé de la reproduire dans beaucoup de ses tableaux : l'une de ses peintures les plus connues est, de fait, "La Bataille de Tétouan". Mais si Fortuny père est un peintre magistral, le fils est un authentique génie. Il peint également, mais ce n'est pas tout : dans son atelier vénitien, il conçoit aussi des scénographies pour des pièces de théâtre, et il est photographe, inventeur, expert en techniques classiques et créateur de tissus et de robes, telle la mythique Delphos que toi, petite faussaire, tu viens de massacrer dans une réinterprétation domestique que je devine des plus réussies. (...)

- Nous allons essayer de réaliser une Delphos pour cas d'urgence. Vous savez de quoi je parle ?
- Une Delphos de Fortuny ? demanda-t-elle, incrédule.
- Une fausse Delphos.
- Vous pensez que ce sera possible ?
Nos regards se croisèrent un instant. Le sien reflétait l'espoir soudain retrouvé.
Le mien, je l'ignore. Peut-être de la détermination et de l'enthousiasme, des envies de vaincre, de nous sortir de ce mauvais pas. Sans doute, aussi, au fond de mes yeux, une certaine terreur d'échouer, mais je m'efforçai de l'occulter au maximum.
- Ce n'est pas la première fois ; je crois qu'on peut y arriver. (...)
A quelle heure, l'obligation à laquelle vous devez assister ?
- Huit heures. (...)
- Parfait, voilà comment nous allons procéder. (...) comme j'ai déjà toutes vos mesures, un essayage sera inutile. Mais même ainsi, il me faudra un moment pour les retouches et les finitions. Ce qui nous conduit à peu près à l'heure limite. (...)
Elle me jeta un regard perplexe.

- Vous viendrez vous habiller ici, précisai-je. Arrivez vers sept heures et demie, maquillée, coiffée, prête à sortir, avec les chaussures et les bijoux prévus.
Je vous conseille d'en porter peu et pas trop voyants : la robe s'en passe, elle sera beaucoup plus élégante avec des accessoires sobres, je me fais bien comprendre ?
Elle comprit à la perfection. Elle comprit, elle me remercia de mes efforts et repartit soulagée.

Une demi-heure plus tard, aidée par Jamila, j'abordai l'opération la plus imprévue et la plus risquée de ma brève carrière de styliste en solitaire. Je savais néanmoins ce que j'entreprenais : quand j'étais chez doña Manuela, j'avais déjà participé à cette même tâche dans une autre occasion. C'était pour une cliente aussi sophistiquée que ses ressources financières étaient inégales. (...) Quatre ou cinq années étaient passées depuis ce jour-là, mais tout le processus de réalisation de la robe restait intact dans ma mémoire, car j'avais activement participé à toutes les phases. D'Elena Barrea à Rosalinda Fox, la technique serait la même. L'unique problème, c'était le manque de temps, qui nous obligerait à travailler à marche forcée. (...)

Magiquement, sous mes yeux anxieux et à la stupeur de Jamila, la soie apparut plissée et brillante, superbe. Les plis n'étaient pas permanents, tels ceux du vrai modèle de Fortuny, car nous n'avions ni les moyens ni la connaissance techniques pour y parvenir, mais l'effet était similaire, et il durerait au moins une nuit : une nuit très spéciale pour une femme en mal de spectaculaire. Je déployai donc la soierie dans toute sa largeur et la laissai refroidir. (...) la fausse robe Delphos était finie en moins d'une heure (...) une imitation trompeuse, capable néanmoins de causer une forte impression (...)

- Elle vous plaît ?
(...)
- Merci, merci, a million mercis.
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- Vous êtes en train de me dire qu'on m'envoie séduire un suspect ? demandai-je, incrédule, en me redressant sur mon fauteuil.

- Employez les moyens qui vous paraîtront les plus adaptés (...)
Da Silva est, semble-t-il, un célibataire endurci qui se plaît à combler de cadeaux des femmes ravissantes sans nouer aucune relation solide.
Il aime apparaître en compagnie de dames séduisantes et sophistiquées, surtout si elles sont étrangères. Pourtant, d'après nos informations, c'est un parfait gentleman portugais de la vieille école. Par conséquent, soyez sans inquiétude : il n'ira pas plus loin que ce que vous serez vous-même disposée à lui accorder.

Je ne sus si je devais m'offenser ou éclater de rire. On m'expédiait séduire un séducteur, telle était mon exaltante mission portugaise.
Cependant, pour la première fois de toute notre conversation, j'eus l'impression que ma voisine inconnue lisait dans mes pensées.

- Je vous en prie, votre tâche ne se réduit pas à quelque chose de frivole dans les cordes de n'importe quelle jolie femme en échange d'une poignée de billets. Il s'agit d'une opération délicate et on vous en a chargée en raison de vos capacités. Certes votre physique, vos origines présumées et votre qualité de femme sans aucune attache constituent des arguments de poids, mais vos responsabilités vont bien au-delà d'un simple flirt.

Vous aurez à gagner la confiance de Da Silva petit à petit, il vous faudra agir avec la plus grande précision. Vous-même évaluerez chaque situation, marquerez le rythme, soupèserez les risques et déciderez de vos actes en fonction du moment.
Nous apprécions au plus haut point votre expérience en matière de captation systématique d'information, ainsi que vos aptitudes à improviser face à des circonstances inattendues.

Vous n'avez pas été choisie au hasard pour cette mission ; vous avez déjà démontré que vous possédiez les ressources nécessaires pour vous tirer d'un mauvais pas.
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- Je ne sais pas pourquoi tu me regardes avec ces yeux, petite, ajouta-t-il alors.
- Parce que j'ignore de quoi tu me parles, Félix.
- C'est "instincts darwiniens" que tu ne comprends pas ? Tu ne connais pas non plus Darwin ? Celui des singes, de la théorie selon laquelle les humains descendent des primates ? Si j'affirme que ma mère a des instincts darwiniens, c'est parce qu'elle adore l'anisette del Mono. Mono, "singe", pigé ?
Ma chérie, tu as un style divin et tu couds comme une déesse, mais en matière de culture générale, tu es un petit peu nulle, non ?

Je l'étais, en effet. J'avais des facilités pour apprendre et retenir, mais j'étais aussi consciente des carences scolaires que je traînais derrière moi.
Le contenu des encyclopédies m'était à peu près inconnu, sauf le nom d'une poignée de rois ânonnés par cœur et le fait que l'Espagne était limitée au nord par la mer Cantabrique et séparée de la France par les Pyrénées.
Je pouvais réciter a tue-tête les tables de multiplication et j'étais assez rapide en calcul, mais je n'avais pas lu un seul livre et en histoire, en géographie, en art ou en politique, mes connaissances se limitaient, à peu de chose près, aux savoirs absorbés au cours des mois passés avec Ramiro ou grâce aux bagarres entre sexes dans la pension de Candelaria.

J'étais capable de donner le change et d'apparaître comme une jeune femme stylée, une créatrice sophistiquée, pourtant il suffisait de gratter un peu la couche extérieure pour découvrir ma fragilité.
C'est pourquoi, durant ce premier hiver à Tétouan, Félix me fit un cadeau inestimable : il commença mon éducation. (....) malgré ses louables intentions, mon voisin fut loin d'être un professeur conventionnel. Félix Aranda aspirait à être un esprit libre, alors qu'il passait les quatre cinquièmes de son temps opprimé entre la bipolarité despotique de sa mère et l'ennui monotone du plus bureaucratique des métiers (...)

Néanmoins, bien que Félix n'ait jamais été un maître méthodique et organisé, il me dispensa de nombreux enseignements aussi incohérents que décousus, qui, à la longue, me permirent de me débrouiller dans le monde.
Je me familiarisai avec des personnages tels que Modigliani, Scott Fitzgerald et Joséphine Baker, je parvins à distinguer entre le cubisme et le dadaïsme, je sus ce qu'était le jazz, j'appris à situer les capitales européennes sur une carte, je mémorisai les noms de leurs meilleurs hôtels et cabarets, et je réussis à compter jusqu'à cent en anglais, en français et en allemand.
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Outre ces connaissances (en culture générale), je reçus davantage de Félix : une compagnie, de l'amitié et des idées pour mon affaire. Parfois excellentes, parfois farfelues (...)

Il ne réussit jamais à me convaincre de transformer mon atelier en studio d'expérimentation surréaliste, où les capelines prendraient la forme d'une chaussure et les mannequins présenteraient des modèles coiffés d'un téléphone en guise de chapeau. (...) Néanmoins, sur d'autres points, je l'écoutai.

A son instigation, je modifiai, par exemple, ma façon de m'exprimer ; j'exclus de mon castillan pur jus les vulgarismes et les expressions familières pour adopter un parler sophistiqué. Je commençai à lâcher des mots et des expressions en français (...) Ce n'étaient que quelques bribes, à peine une demi-douzaine d'expressions, mais Félix m'aida à peaufiner ma prononciation et à évaluer le moment le plus opportun pour les employer.

Elles étaient toutes destinées à mes clientes, actuelles et à venir. Je demanderais l'autorisation d'épingler avec "Vous permettez ?", annoncerais la fin de mon travail d'un "Voilà tout" et me réjouirais du résultat d'un "Très chic".
Je parlerais de "maisons de haute couture", on supposerait que j'avais un jour noué des relations d'amitié avec leurs propriétaires, et de "gens du monde", sans nul doute fréquentés à l'occasion de mes nombreuses aventures.
Sur tous les styles, modèles et accessoires que je présenterais, je collerais l'étiquette verbale "à la française" ; toutes les clientes, je les appellerais "madame".

Pour honorer la dimension patriotique de l'instant, il fut décidé qu'en présence des Espagnoles je mentionnerais judicieusement toutes les personnes et les lieux rencontrés jadis, quand je visitais les plus nobles demeures de Madrid.
Je laisserais choir des noms et des titres comme on abandonne un mouchoir : doucement, sans bruit ni ostentation. (...)

Félix me poussa également à fixer sur la porte une plaque dorée avec l'inscription en écriture anglaise "Chez Sirah, grand couturier". (...)
Selon lui, les meilleures maisons de mode françaises d'alors se dénommaient ainsi. Le h final fut une autre de ses touches, pour doter l'atelier d'un parfum international, avait-il dit. Je jouai le jeu, pourquoi pas ? Au bout du compte, je ne faisais de mal à personne avec cette petite "folie des grandeurs".
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Au fil des jours, lorsque mes yeux furent secs parce que je n'avais plus de larmes en moi, les souvenirs commencèrent à défiler et à me harceler avec une précision millimétrique. Je pouvais presque les distinguer : ils penetraient à la queue leu leu par la porte du fond du pavillon, cette nef vaste et remplie de lumière. Des souvenirs vivants , autonomes, petits et grands, s'approchaient à tour de rôle et se juchaient, d'un saut, sur le matelas. Ils me grimpaient sur le corps avant de s'insinuer dans mon cerveau, par une oreille, sous les ongles ou par les pores de la peau, et ils lui assenaient, sans une once de pitié, des images et des épisodes que ma volonté aurait souhaité ne plus jamais se remémorer.
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