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Venus H. - BD tome 3 sur 3
EAN : 9782505001331
60 pages
Dargaud (16/05/2008)
3.3/5   5 notes
Résumé :

Il existe des récits à l'eau de rose. En voici un à l'eau de Seltz.

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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Tout ne se négocie pas dans la vie, Mambo.
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Ce tome fait suite à Venus H., tome 2 : Miaki (2007). L'ensemble de la série a été écrit par Jean Dufaux, dessiné et mis en couleurs par Renaud Denauw. Ce tome est sorti en 2008 et compte cinquante-quatre planches de bande dessinée. Il est le dernier de la série. Puis Renaud & Dufaux ont à nouveau collaboré pour les trois tomes de la série La route Jessica, tome 1 : Daddy !, une sorte d'épilogue à leur série Jessica Blandy (24 tomes de 1987 à 2006).

Dans un salon très spacieux, deux femmes sont en train de se déshabiller mutuellement sur un canapé en s'embrassant. Dans cette pièce richement meublée, une douzaine de personnes sont en train de les regarder, des hommes en complet, des femmes en robe de soirée. La moitié tient une coupe de champagne dans la main, il y a plusieurs bouteilles sur la table basse, ainsi que des plateaux de canapés. Wanda observe la scène, Oleg Kozca lui ayant passé un bras autour de l'épaule. Elle organise des spectacles, des rencontres privées, où l'organisation des corps ne laisse rien au hasard. Elle a affaire à des regards blasés, à des imaginaires corrompus par la satiété. Il ne faut cependant pas s'y fier : c'est un monde cruel où chacun guette les failles de son voisin. Rien ne s'oublie, rien ne se pardonne. Et la faille s'élargit. Elle reste donc vigilante. Elle intervient parfois. Elle se donne rarement. Il faut la mériter. Oleg Kozca jouit de ce privilège : la tenir contre son corps, la déshabiller parfois. La posséder si l'envie lui en prend. Il n'a jamais réussi à la faire jouir. Aucun homme ne réussit à la faire jouir. Mais elle crée l'illusion. C'est son métier, l'illusion. Elle y est incomparable. C'est pour cela que mademoiselle H. l'a engagée. Elle est une fille obéissante, en apparence. Cela demande un long travail, l'apparence. Mais elle y est arrivée. Elle donne le change. C'est tout ce qu'elle donne d'ailleurs. Les hommes croient qu'elle s'occupe d'eux. En fait, elle actionne de mécanismes, des mécanismes sans surprises. C'est ce que les hommes sont, ni plus ni moins : des mécanismes. Ils croient rugir, c'est simplement une bielle qui s'affole. Ainsi, elle croyait dominer le monde quand soudain, cette nuit-là…

Wanda monte dans une chambre avec l'homme que lui a désigné Oleg Kozca. Elle répond à son téléphone qui sonne inopinément. Kozca décide de les quitter, laissant Wanda faire son métier. Dehors, il est interpellé par un homme qui lui déclare qu'il est envoyé par Souloud, car ce dernier a des ennuis. Une partie du matériel a disparu. Oleg Kozca est un homme d'affaires. Les hommes d'affaires aiment l'ordre. Même si cet ordre amène le désordre. Et les sacs bleus amènent toujours le désordre. Il monte en voiture pour rejoindre Souloud. le lendemain, sur un banc parisien, Wanda rencontre madame Garnier. Cette dernière l'a appelée parce que leur fille Dominique a fugué, il y a trois jours. Son mari voulait appeler la police. Wanda lui indique qu'elle connaît une personne qui peut les aider à retrouver leur fille. Elle s'allume une cigarette, alors que madame Garnier vient de lui rappeler qu'il s'agit également de la fille de Wanda.

Avec les années passées, le lecteur sait qu'il découvre le dernier tome de la série, sans pour autant déterminer si ce nombre correspond au plan initial des auteurs ou s'ils ont dû y mettre un terme faute de ventes. Il découvre Wanda, qu'il avait vu passer dans le tome précédent, et il relève qu'il ne lui est pas présenté d'autres employées de Vénus H., ou presque. Il remarque aussi que ni Anja, ni Miaki ne font une apparition dans cette histoire. Pour le reste, il retrouve les composantes de la série : une très jolie femme faisant commerce de son corps pour le compte de la mystérieuse société Vénus H. de la tout autant mystérieuse Madame H., Mambo l'intermédiaire de cette dernière, monsieur Zacharian et son aide So li, également employés de Madame H., des séquences de service sexuel, la haute société, et des beaux quartiers dans Paris. Il retrouve donc ce plaisir pour partie malsain à côtoyer une call girl de luxe dont la dynamique de vie perd son point d'équilibre, et qui doit sortir de sa normalité pour pouvoir préserver quelque chose ou quelqu'un à qui elle donne la priorité au péril de sa vie. Les milieux dans lesquels elle évolue ne peuvent pas tolérer ces écarts de conduite, ne peuvent pas laisser faire des comportements personnels allant à l'encontre du cadre établi.

Dès la première page, le lecteur retrouve l'étrange coupe de cheveux, voire sculpture, de Wanda, qu'il avait pu découvrir dans le tome précédent. Dans ce tome, c'est la seule à avoir une chevelure si singulière, mais les autres ne sont pas fades pour autant, chaque personnage disposant de la sienne en accord avec sa personnalité : d'une belle coupe masculine avec la raie sur le côté, à une coupe afro, en passant par des cheveux en bataille, des coupes onéreuses et des coupes bon marché. L'artiste se montre toujours aussi investi dans chaque case, avec un équilibre délicieux entre le niveau de détails et la lisibilité. le lecteur prend le temps d'admirer l'aménagement de la pièce qui accueille la partie fine, jusqu'à l'évocation du motif du tapis. Par la suite, il admire d'autres intérieurs : le salon petit bourgeois des Garnier avec un tapis beaucoup plus basique, le donjon avec la représentation du Soulier de Satin (1929) de Paul Claudel (1868-1955), le restaurant luxueux dans lequel dîne le ministre Gérard d'Aublay, le café tout simple où M. Garnier rencontre l'inspecteur Lebel, l'appartement luxueux de Wanda et sa chambre à coucher, l'appartement de maître Abel et sa décoration chargée, l'intérieur du pavillon de banlieue surnommé la Guérite. Il prend tout autant de plaisir à ralentir sa lecture pour apprécier les vues en extérieure : les toits parisiens avec leur zinc, les colonnades du parc Monceau, un pont parisien, un marché découvert, des escaliers de la butte Montmartre, un magnifique massif de joncs, etc. Les personnages sont habités par une sorte de grâce discrète, ce qui les déréalise légèrement.

Le scénariste a repris la structure de deux tomes précédents : une employée de Vénus H., un enjeu qui s'avère très personnel, un trafic illégal (cette fois-ci le contenu d'une mystérieuse mallette bleue). Cette intrigue sert de support au chemin que doit parcourt Wanda : elle n'est pas bâclée ou bancale, mais elle ne constitue par l'intérêt principal du récit. Elle est proprement résolue en fin de tome, avec l'usage de conventions associées au genre polar, y compris une coïncidence bien pratique, sans qu'elle n'apparaisse impossible pour autant. Cette fois-ci, Wanda fait très rapidement le choix conscient de contrevenir aux règles pour sauver un être qui lui est cher. le lecteur voit une personne à qui la société (Vénus H., mais aussi son métier choisi en toute connaissance de cause, et assumé) lui dicte un comportement. Cette femme n'entretient pas d'illusion sur les conséquences de sa transgression : le prix à payer sera très élevé. Mais la fin justifie les moyens. le récit devient alors un polar beaucoup plus noir, très intense. Les conventions aguicheuses ou faciles (scène de nudité, rapport sexuel tarifé, partie fine dégénérée, violence physique) sont traitées avec retenue, en particulier en termes de représentation. le lecteur les voit bien comme des conventions narratives propres à un genre, et dans le même temps les auteurs font en sorte d'assurer une cohérence de ton, une narration factuelle et pragmatique qui permet au lecteur d'y croire.

Les personnages, leur comportement, leurs réactions montrent bien qu'il s'agit de leur monde, de leur quotidien, qu'ils connaissent ces règles implicites, et les conséquences qui en découlent. Tout comme Wanda, ils ne sont jamais dupes de devoir se comporter comme leur dictent les usages, leur condition sociale, leur place dans l'ordre des choses. Ils ont accepté la réalité dans tout ce qu'elle a d'arbitraire, d'injuste, de moche. Monsieur Garnier sait qu'il n'est pas armé pour affronter la brute qui vient le rudoyer. Son épouse sait qu'elle ne dispose d'aucune qualité, d'aucun savoir-faire qui lui permettrait de retrouver sa fille. Dans une scène feutrée, maître Abel explique au ministre Gérard d'Aublay que le bilan de ce dernier est positif : le déficit budgétaire a été limité, l'inflation reste stable, les entreprises redeviennent compétitives et la sécurité sociale reprend des couleurs. Il ajoute que le ministre ne l'a pas fait exprès, mais qu'il a su bénéficier de circonstances particulièrement favorables. le vent tournait dans le bon sens, et il ne lui a pas tourné le dos. C'est remarquable, même pour un ministre. Il y a là un constat d'une terrible honnêteté : cet homme qui est ministre réussit grâce aux circonstances, et pas à son talent. Très consciente de la manière de fonctionner de l'univers, Wanda décide de ne pas jouer le jeu, de faire preuve de volonté et d'aller contre ce que lui dicte, ou lui prescrit son environnement, en étant toute aussi consciente qu'elle ne peut pas changer la marche du monde ou son fonctionnement. Cet état d'esprit l'oblige également à voir la dépravation des individus, sans plus de voile pour l'atténuer, ainsi que leur folie, leur anormalité monstrueuse.

Un dernier tome, planifié ou non par les auteurs. Quoi qu'il en soit, le lecteur retrouve toute la séduction vénéneuse de cette série : une femme superbe se livrant à une forme de prostitution de luxe, une narration visuelle exquise savamment dosée, élégante, une situation conflictuelle qui ne peut pas bien se terminer. le tome deux présentait la seule employée qui avait réussi à s'en sortir, celui-ci contribue à la mythologie avec une visite des plus glauques de la Guérite. Il s'agit d'un polar bien noir qui fait usage de quelques conventions du genre, tout en générant un malaise plus profond qu'il n'y paraît car Wanda sort des sentiers battus et ne peut faire autrement que de voir certaines facettes du monde pour ce qu'elles sont. Terrifiant.
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Ce tome qui clôture la trilogie de Vénus H. m'a déçue dans son intrigue et son dénouement, fades. le lecteur découvre l'histoire de Wanda, la troisième escort girl employée par Mademoiselle H., son passé, l'enfant (une fille prénommée Dominique) dont elle a accouché et qui, devenue adolescente, a fugué en volant la cargaison de drogue de malfrats réputés violents. Wanda décide de la retrouver et de se sacrifier pour sauver sa fille de ceux qui la cherchent et ne lui veulent pas que du bien. Une lecture en demi-teinte dont je ne garderai pas un souvenir impérissable. Dommage.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Voyons, mon cher d’Aublay, il faut rester optimiste somme toute, votre bilan est positif : le déficit budgétaire a été limité, l’inflation reste stable, nos entreprises redeviennent compétitives et la sécurité sociale reprend des couleurs. Certes, vous ne l’avez pas fait exprès. Mais vous avez su bénéficier de circonstances particulièrement favorables. Le vent tournait dans le bon sens, et vous ne lui avez pas tourné le dos. C’est remarquable, même pour un ministre. Vous avez peu ménagé, dans vos propos, les cercles politco-journalistiques, mon cher. On vous reproche aussi de faire trop d’économisme aux dépens du social. Les chiffres à la place des hommes, c’est ce que j’appelle un souffle au cœur affectif. C’est vrai que vous n’êtes guère populaire.
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J’y suis restée deux jours. Ce que j’ai vécu dans cet appartement, jamais je ne l’oublierai. Je me cachais pour vomir. Je tenais bon. La nuit tandis qu’ils dormaient à mes côtés, sur le dos, comme deux insectes à la carapace dure, aux antennes tranchantes, je songeais à ma fille. Ma fille dont j’ignorais jusqu’à l’odeur, jusqu’au sourire. Ma fille était-elle passée par ici ? Avait-elle laissé dans ces lieux sombres, au luxe froid, une trace quelconque ? Un petit caillou qui brillerait sous les rayons de la Lune ? Il n’y a pas que les petits cailloux qui brillent dans la nuit, il y a aussi la violence des hommes.
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J’organise des spectacles, des rencontres privées, où l’organisation des corps ne laisse rien au hasard. J’ai affaire à des regards blasés, à des imaginaires corrompus par la satiété. Ne vous y fiez pas cependant : c’est un monde cruel où chacun guette les failles de son voisin. Rien ne s’oublie, rien ne se pardonne. Et la faille s’élargit. Je reste donc vigilante. J’interviens parfois. Je me donne rarement. Il faut me mériter. Oleg Kozca jouit de ce privilège : me tenir contre son corps, me déshabiller parfois. Me posséder si l’envie lui en prend. Il n’a jamais réussi à me faire jouir. Aucun homme ne réussit à me faire jouir. Mais je crée l’illusion. C’est mon métier l’illusion. J’y suis incomparable. C’est pour cela que mademoiselle H. m’a engagée. Je suis une fille obéissante, en apparence. Cela demande un long travail, l’apparence. Mais j’y suis arrivée. Je donne le change. C’est tout ce que je donne d’ailleurs. Les hommes croient que je m’occupe d’eux. En fait, j’actionne de mécanismes, des mécanismes sans surprises. C’est ce que les hommes sont, ni plus ni moins : des mécanismes. Ils croient rugir, c’est simplement une bielle qui s’affole. Ainsi, je croyais dominer le monde quand soudain, cette nuit-là…
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Chaque réseau est constitué de relais et de fusibles. Les relais gèrent la marchandise, prennent les contacts. Les fusibles, eux, ignorent tout du système qui les emploie. Dès que surgit un problème, les relais ferment et les fusibles se retrouvent dans la nature. Jusqu’à ce que l’un d’eux saute.
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Le luxe d’un côté, une vie honorable de l’autre. Le caviar contre l’oignon. La décapotable contre le métro. Le Pétrus contre un Coca. On se demande qui est gagnant.
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