Tomber amoureux, tomber malade, tomber enceinte : dans certains cas, difficile de dire d'où ça vient. En cas d'amour, je préfère être l'aimée si je veux être tranquille et connaître aussi peu de perturbation affective que l'électrocardiogramme d'un mort, mais je préfère être l'aimante si, soulevée par les variations de la jouissance, puis de la souffrance, et ainsi de suite, je ne peux finalement trouver mon salut que par la découverte d'un sursens. Dans tout couple, le hasard du sceau initial dont notre existence est marquée nous place dans l'un ou l'autre de ces deux rôles. Les cas d'amour ici évoqués appartiennent évidemment à la seconde catégorie. La recherche du sursens se fait élucidation de l'ignorance de l'amour.
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C'est avec une pointe d'envie et un brin de curiosité que j'ai ouvert ce livre. J'avais envie d'y comprendre quelque chose à cet Amour (avec un grand A) qui nous échappe à coup sûr… je voulais des réponses à cette énigme de la Rencontre (avec un grand R). Autant de mots avec des lettres majuscules, des mondes qui nous concernent tous dans nos ressemblances et nos profondes dissemblances. Et puis par une psychanalyste… j'étais d'ores et déjà conquise !
Je n'ai pas été déçue, ce livre est une véritable invitation à la réflexion.
Cependant, que l'on ne se méprenne pas, il est adressé aux lecteurs avertis. La psychanalyse est là, bien présente, entre les lignes et les chapitres émiettant des repères théoriques pour structurer la clinique brute et riche que l'auteur nous partage. Cette réflexion sur l'Amour nous concerne tous, tout en allant chercher l'Un… Autrement dit, pour qui peut et sait l'entendre, ces lignes regorgeront de matière à réfléchir sur sa propre vie affective et amoureuse.
Bien entendu, je recommande chaudement.
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On ne revient jamais de voyage, d’aucun voyage. Quand on part, on ne revient pas le même, et c’est ce dépaysement, parce qu’il fait écho à nos fragmentations intérieures, qui brutalise nos accoutumances, tant il est vrai que nous percevons le monde avec des préenregistrements continuellement tamisés parce que nous pensons déjà, savons déjà, anticipons, devinons, pressentons, pour ne pas être attrapés trop brusquement par l’inouï. Ainsi va l’amour quand il est de foudre. Il offre tous les dépaysements possibles au détour de la rue d’à côté.
L’abandon est le lieu premier de notre venir au monde. Là où nous avons affronté ce que signifie vivre quand l’autre n’est plus là, et pour un nourrisson de quelques jours, l’épreuve n’a sans doute aucun équivalent dans l’âge adulte. C’est la déréliction totale. Parce que tout de même nous venons du deux. L’être humain (et animal) est caractérisé par cette chose étrange dont Cyrulnik a si bien parlé dans sa réflexion sur l’éthologie, il vient d’un autre. Dès le commencement le bébé est enveloppé, porté, enveloppé par le corps, la voix, la chaleur, la nourriture, le sommeil d’une autre. Pas de solitude originelle hormis dans quelques-uns de nos mythes fondateurs, la biologie en a décidé autrement, nous venons d’un ventre qui nous fabrique, nous abrite et nous porte pendant neuf mois (c’est très long...) avant que nous sortions seuls et soyons déclarés (seuls d’accord, mais n’existions-nous pas avant ?) « nés » un et unique jusqu’au jour de notre mort. Ce portage n’est pas sans incidence sur notre psyché, il en est même probablement d’un des déterminants majeurs - manière de rappeler que l’hospitalité est originelle. L’autre plus intime que nous-même à nous-mêmes, comme le dit saint Augustin, cet autre sans cesse attendu, que se passe-t-il quand il nous abandonne ? Les adhérences que nous avons à l’égard de nos premiers attachements (je reprends à dessein un langage « animal ») ont des ramifications tellement plus profondes en nous que ce que l’on croit, créant tout un système de dettes et de loyautés étouffantes, qu’on peut en arriver à vouloir en finir avec la vie pour atteindre ce « hors la vie » où l’on serait enfin libre ; nombre de suicides, hélas, l’attestent.
(p. 198)
L'événement de l'amour est une machinerie sans objet, qui se renforce quand elle se perd, se perd quand elle se garde, échappe quand on la possède, vous dépossède de tout, quoi que vous possédiez, vous rend puissant et vous désarme définitivement. L'événement de l'amour est présent dans une analyse comme un catalyseur précieux, inévitable et impossible à maintenir comme à provoquer. Il peut seulement "advenir" de son propre mouvement et dès lors mettre en branle de telles forces en chacun de nous, que l'on soit allongé sur le divan ou seulement exposé là, face à l'autre, implorant une aide à laquelle par ailleurs on ne croit pas. Que peut une "talking cure" contre le délire amoureux, la peur d'être abandonné, les blessures d'une enfance bafouée, la jalousie qui vous torture ? La parole c'est du corps, du corps en bloc et en morceaux, des affects, des segments de vie, de mémoire, des rayures à la surface des mots, remplis comme des outres de souvenirs. J'aime l'ignorance de l'amour, sa persistance terrible en dépit de tout et son abaissement devant la moindre chose quand il est déjà mort.
Se sentir vivant - entièrement vivant - est rare. La joie est la seule sensation humaine qui nous totalise.
A quand l’analyse « écologique » ? On voudrait des thérapies brèves et peu chères, sans effets secondaires et garantissant le bonheur à tout coup. Cette fois ce qui serait certifié d’origine (votre passé), une fois emballé dans un paquet acceptable par vous, serait recodé dans votre présent sous forme d’aptitude accélérée au bonheur (enfin), à la vie calme et amicale, et à l’efficacité (ne pas oublier ce que l’on doit au corps social) : l’efficacité retrouvée a son importance… c’est fou ce que la dépression nous fait perdre d’argent collectivement ! Des séances courtes donc, des histoires bien balancées, du coaching rondement mené dans un emploi du temps compliqué, rien qui ne dérange trop et surtout très peu d’effets indésirables, tout au plus un résultat insignifiant qui prouvera seulement l’indigence du psy ou l’indifférence du patient. Ou les deux. Des médicaments pour aider à faire passer le tout, et la dépression ne sera qu’un mauvais moment, vite passé, bientôt oublié. L’anesthésie deviendra un genre prisé. Plutôt vivre peu que mal vivre et ne rien ressentir que souffrir. A ce prix un monde meilleur vous est promis. Vous pouvez l’exiger. Et être remboursé s’il ne vous parvient pas dans les délais indiqués.
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Philosopher ensemble !
#Trailer de présentation des Rencontres Philosophiques de Monaco
Avec la participation de:
Alain Fleischer, Anastasia Colosimo, Anne Dufourmantelle, Avital Ronell, Barbara Cassin, Bernard Harcourt, Bernard Stiegler, Boris Cyrulnik, Bruno Karsenti, Camille Riquier, Catherine Chalier, Catherine Millet,
Charlotte Casiraghi, Christian Godin, Claire Chazal, Claire Marin, Claude Hagège, Cynthia Fleury , Davide Cerrato, Denis Kambouchner,
Dominique Bourg, Donatien Grau, Edwige Chirouter, Elisabeth Quin, Emanuele Coccia, Éric Fiat, Étienne Bimbenet, Fabienne Brugère, François Dosse, Frédéric Gros, Frédéric Worms, Gary Gillet, Geneviève Delaisi de Parseval, Geneviève Fraisse, Georges Didi-Huberman, Georges Vigarello, Géraldine Muhlmann, Gérard Bensussan, Hakima Aït El Cadi, Jean-Luc Marion, Jean-Pierre Ganascia, Joseph Cohen , Judith Revel, Julia Kristeva, Laura Hugo, Laurence Devillairs, Laurent Joffrin, Luc Dardenne, Marc Crépon, Marie Garrau, Marie-Aude Baronian, Mark Alizart, Markus Gabriel, Marlène Zarader, Martine Brousse, Corine Pelluchon, Maurizio Ferraris, Mazarine Pingeot, Michael Foessel, Miguel de Beistegui, Monique Canto-Sperber, Nicolas Grimaldi, Olivier Mongin, Paul Audi, Perrine Simon-Nahum, Peter Szendy, Philippe Grosos, Pierre Guenancia, Pierre Macherey, Raphael Zagury-Orly, Renaud
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