Un roman méconnu d'Alexandre Dumas qui mériterait de figurer parmi ses grands romans d'aventure. Georges est effet un bon roman d'aventure et rien de plus. L'erreur serait d'y rechercher un plaidoyer pour l'abolition de l'esclavage et contre les préjugés raciaux. Dumas ne dit rien de tout cela dans son roman. En 1810, à l'île Maurice le jeune Georges Munier assiste à l'humiliation de son père, mulâtre et vainqueur d'une grande bataille à la tête d'une armée d'esclaves noirs. Georges doit quitter l'île mais fait le serment de revenir quand il sera adulte pour se venger de Mr de Malmédie qui a humilié son père et combattre contre les préjugés faits au mulâtres. Tout le fond de cette oeuvre tient dans cette histoire de vengeance personnelle. Il faut comprendre que le préjugé contre lequel Georges veut lutter est l'injustice faite aux mulâtres, pas celle faite aux noirs. Georges, jeune métisse, ne cherche pas à lutter pour la dignité des esclaves noirs, il trouve seulement injuste que les mulâtres soient traités comme des noirs alors qu'ils ont davantage de sang blanc... Ne recherchons donc pas dans ce roman de grande leçon d'humanisme. Plusieurs passages peuvent en effet paraître choquants comme la révolte des esclaves matée à l'aide de tonneaux de rhum ou l'importance donnée au frère de Georges, l'autre héros de l'histoire, pirate et trafiquant d'esclaves...
Si on considère ce roman pour ce qu'il est, une histoire de vengeance et d'aventure, Georges est un très bon roman, bien écrit, rythmée et franchement divertissant. On retrouve en substance tous les ingrédients qui font la qualité et le succès de Dumas: vengeance, batailles navales, batailles rangées, duels à l'épée, course de chevaux, romance, règlements de compte, fuite dans les bois, révolte d'esclaves... bref, un roman "hollywoodien". Un très bon roman d'aventure et d'action, assez court par rapport aux autres romans de Dumas, à conseiller à des collégiens qui voudraient découvrir la littérature de Dumas, à tous les autres pour le plaisir, et à tout producteur d'Hollywood en mal d'inspiration.
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C'est la conquête aux colonies! Les deux ennemis de longue dates l'Angleterre et la France vont transposer leur conflit dans les îles, il s'agit ici de l'île de France, que le plus fort mérite la terre! Que l'homme le plus fort sauve son honneur!
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Ne vous est-il pas arrivé quelquefois, pendant une de ces longues, tristes et froides soirées d’hiver, où, seul avec votre pensée, vous entendiez le vent siffler dans vos corridors, et la pluie fouetter contre vos fenêtres ; ne vous est-il pas arrivé, le front appuyé contre votre cheminée, et regardant, sans les voir, les tisons pétillants dans l’âtre ; ne vous est-il pas arrivé, dis-je, de prendre en dégoût notre climat sombre, notre Paris humide et boueux, et de rêver quelque oasis enchantée, tapissée de verdure et pleine de fraîcheur, où vous puissiez, en quelque saison de l’année que ce fût, au bord d’une source d’eau vive, au pied d’un palmier, à l’ombre des jambosiers, vous endormir peu à peu dans une sensation de bien-être et de langueur ?
Eh bien, ce paradis que vous rêviez existe ; cet Eden que vous convoitiez vous attend ; ce ruisseau qui doit bercer votre somnolente sieste tombe en cascade et rejaillit en poussière ; le palmier qui doit abriter votre sommeil abandonne à la brise de la mer ses longues feuilles, pareilles au panache d’un géant. Les jambosiers, couverts de leurs fruits irisés, vous offrent leur ombre odorante. Suivez-moi ; venez.
Cette terre, c’est la terre fortunée que la nature semble avoir cachée aux confins du monde, comme une mère jalouse cache aux regards profanes la beauté virginale de sa fille ; car cette terre, c’est la terre promise, c’est la perle de l’océan Indien, c’est l’île de France.
Maintenant, chaste fille des mers, sœur jumelle de Bourbon, rivale fortunée de Ceylan, laisse-moi soulever un coin de ton voile pour te montrer à l’étranger ami, au voyageur fraternel qui m’accompagne ; laisse-moi dénouer ta ceinture ; oh ! la belle captive !
Et vous qui nous avez suivis des yeux et de la pensée, laissez-moi maintenant vous dire la merveilleuse contrée, avec ses champs toujours fertiles, avec sa double moisson, avec son année faite de printemps et d’étés qui se suivent et se remplacent sans cesse l’un l’autre, enchaînant les fleurs aux fruits, et les fruits aux fleurs. Laissez-moi dire l’île poétique qui baigne ses pieds dans la mer, et qui cache sa tête dans les nuages ; autre Vénus née, comme sa sœur, de l’écume des flots, et qui monte de son humide berceau à son céleste empire, toute couronnée de jours étincelants et de nuits étoilées, éternelles parures qu’elle tenait de la main du Seigneur lui-même, et que l’Anglais n’a pas encore pu lui dérober.
Au-dessus de nous vous le voyez c’est un ciel toujours pur, tout constellé d’étoiles : c’est une nappe d’azur où Dieu soulève sous chacun de ses pas une poussière d’or, dont chaque atome est un monde.
Au-dessous de nous, c’est l’île tout entière étendue à nos pieds, comme une carte géographique de cent quarante-cinq lieues de tour, avec ses soixante rivières qui semblent d’ici des fils d’argent destinés à fixer la mer autour du rivage, et ses trente montagnes tout empanachées de bois de nattes, de takamakas et de palmiers. Parmi toutes ces rivières, voyez les cascades du Réduit et de la Fontaine, qui, du sein des bois où elles prennent leur source, lancent au galop leurs cataractes pour aller, avec une rumeur retentissante comme le bruit d’un orage, à l’encontre de la mer qui les attend, et qui, calme ou mugissante, répond à leurs défis éternels, tantôt par le mépris, tantôt par la colère ; lutte de conquérants à qui fera dans le monde plus de ravages et plus de bruit : puis, près de cette ambition trompée, voyez la grande rivière Noire, qui roule tranquillement son eau fécondante, et qui impose son nom respecté à tout ce qui l’environne, montrant ainsi le triomphe de la sagesse sur la force, et du calme sur l’emportement.
A cette vue, le chef de bataillon passa au travers des deux premières files, qui s’ouvrirent devant lui, et marcha droit à l’insolent qui s’était permis, homme de couleur qu’il était, de se mêler à des blancs. Arrivé devant lui, il le toisa des pieds à la tête avec un regard flamboyant d’indignation, et, comme le mulâtre restait toujours devant lui, droit et immobile comme un poteau :
– Eh bien, monsieur Pierre Munier, lui dit-il, n’avez-vous point entendu, et faudra-t-il vous répéter une seconde fois que ce n’est point ici votre place, et qu’on ne veut pas de vous ici ?
En abaissant sa main forte et robuste sur le gros homme qui lui parlait ainsi, Pierre Munier l’eût écrasé du coup ; mais, au lieu de cela, il ne répondit rien, leva la tête d’un air effaré, et, rencontrant les regards de son interlocuteur, il détourna les siens avec embarras, ce qui augmenta la colère du gros homme en augmentant sa fierté.
– Voyons ! Que faites-vous là ? dit-il en le repoussant du plat de la main.
– Monsieur de Malmédie, répondit Pierre Munier, j’avais espéré que, dans un jour comme celui-ci, la différence des couleurs s’effacerait devant le danger général.
– Vous avez espéré, dit le gros homme en haussant les épaules et en ricanant avec bruit, vous avez espéré ! et qui vous a donné cet espoir, s’il vous plaît ?
– Le désir que j’ai de me faire tuer, s’il le faut, pour sauver notre île.
– Notre île ! murmura le chef de bataillon, notre île ! Parce que ces gens-là ont des plantations comme nous, ils se figurent que l’île est à eux.
– L’île n’est pas plus à nous qu’à vous, messieurs les blancs, je le sais bien, répondit Munier d’une voix timide ; mais si nous nous arrêtons à de pareilles choses au moment de combattre, elle ne sera bientôt ni à vous ni à nous.
Pour M. de Malmédie, les nègres, ce n’étaient pas des hommes, c’étaient des machines devant rapporter un certain produit. Or, quand une machine ne rapporte pas ce qu’elle doit rapporter, on la remonte par des moyens mécaniques, M. de Malmédie appliquait donc purement et simplement à ses nègres la théorie qu’il eût appliquée à des machines. Quand les nègres cessaient de fonctionner, soit par paresse, soit par fatigue, le commandeur les remontait à coups de fouet ; la machine reprenait son mouvement, et, à la fin de la semaine, le produit général était ce qu’il devait être.
Alors M. de Malmédie, se sentant hors de danger, jeta un coup d’œil sur ses libérateurs, qu’il avait déjà entrevus, mais qu’il avait hésité à reconnaître, tant il lui en coûtait de devoir son salut à de tels hommes. C’était, en effet, ce corps de noirs tant méprisé par lui qui l’avait suivi dans sa marche, et qui l’avait rejoint si à temps au combat, et, à la tête de ce corps, c’était Pierre Munier ; Pierre Munier, qui, voyant que les Anglais, en enveloppant M. de Malmédie, lui présentaient le dos, était venu avec ses trois cents hommes les prendre en queue et les culbuter ; c’était Pierre Munier qui après avoir combiné cette manœuvre avec le génie d’un général, l’avait exécutée avec le courage d’un soldat, et qui, à cette heure, se retrouvant sur un terrain où il n’avait plus que la mort à craindre, se battait en avant de tous, redressant sa grande taille, l’œil allumé, les narines ouvertes, le front découvert, les cheveux au vent, enthousiaste, téméraire, sublime ! C’était Pierre Munier, enfin, dont la voix s’élevait de temps en temps au milieu de la mêlée, dominant toute cette grande rumeur pour pousser le cri :
– En avant !
Ce fut un moment solennel et terrible que celui pendant lequel les dix mille spectateurs qui garnissaient les montagnes virent les quatre frégates ennemies s’avancer sans voiles et par la seule et lente impulsion du vent dans leurs agrès, et venir, avec la confiance que leur donnait la supériorité du nombre, se ranger à demi-portée du canon de la division française, présentant à leur tour leur travers, s’échouant comme nous nous étions fait échouer, et renonçant d’avance à la fuite, comme d’avance nous y avions renoncé.
C’était donc un combat tout d’extermination qui allait commencer ; lions et léopards étaient en présence, et ils allaient se déchirer avec des dents de bronze et des rugissements de feu.
Ce furent nos marins qui, moins patients que ne l’avaient été les gardes-françaises à Fontenoy, donnèrent le signal du carnage. Une longue traînée de fumée courut aux flancs des quatre vaisseaux, à la corne desquels flottait un pavillon tricolore ; puis en même temps le rugissement de soixante-dix bouches à feu retentit, et l’ouragan de fer s’abattit sur la flotte anglaise.
CHAPITRES :
0:00 - Titre
R :
0:06 - RÉFLEXION - Jean Cocteau
0:14 - REMARIAGE - Armand Salacrou
0:28 - REMORDS - Pierre Reverdy
0:39 - REPOS - André Prévost
0:50 - RÉVOLUTION - Maurice Chapelan
1:06 - RICHESSE - Félicité de Lamennais
1:18 - RIDICULE - Jules Noriac
1:32 - RIRE - Jean de la Bruyère
S :
1:42 - S'AIMER - Henri Duvernois
1:52 - SAGESSE - Frédéric II
2:04 - SAVOIR-VIVRE - Saint-Évremond
2:15 - SCEPTICISME - Louis-Désiré Véron
2:24 - SE COMPRENDRE - Romain Coolus
2:34 - SE TAIRE - Comte de Voisenon
2:45 - SE TUER - Théophile Gautier
2:56 - SINGE - Jean-Baptiste Say
3:08 - SOLITUDE - Maurice Toesca
3:18 - SUICIDE - Alexandre Dumas fils
T :
3:29 - TEMPS - Jean Martet
3:41 - TÊTE - Yves Constantin
3:54 - TOMBE - Xavier Forneret
4:04 - TRAVAIL - Jules Renard
4:19 - TROMPERIE - Sainte-Beuve
V :
4:30 - VALEUR - Marivaux
4:40 - VÉRITÉ - Louise d'Épinay
4:51 - VERTU DES FEMMES - Ninon de Lenclos
4:59 - VIE - Louis Aragon
5:10 - VIE ET MORT - Rastignac
5:22 - VIEILLE FEMME - Charles de Talleyrand-Périgord
5:35 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE :
Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION :
Jean Cocteau : https://filmforum.org/film/jean-cocteaus-orphic-trilogy-testament-of-orpheus
Armand Salacrou : https://lotincorp.biz/creation-affiches-publicitaires-etats-des-lieux-ville-douala-1/
Pierre Reverdy : https://lamediathequepatrimoine.files.wordpress.com/2022/09/p5-pr-jeune.jpg
Maurice Chapelan : https://www.cambridgescholars.com/news/item/book-in-focus-the-poems-and-aphorisms-of-maurice-chapelan
Félicité de Lamennais : https://en.muzeo.com/art-print/felicite-robert-de-lamennais-ecrivain/ary-scheffer
Jules Noriac : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Noriac#/media/Fichier:Jules_Noriac_Nadar.jpg
Jean de la Bruyère : https://www.ecured.cu/Jean_de_La_Bruyére#/media/File:Bruyere.jpg
Henri Duvernois : https://www.delcampe.net/en_GB/collectables/programs/theatre-des-nouveautes-paris-la-guitare-et-le-jazz-de-henri-duvernois-et-robert-dieudonne-1928-1929-1034826850.html
Frédéric II : https://www.calendarz.com/fr/on-this-day/november/18/frederick-ii-of-prussia
Saint-Évremond : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Saint-Évremond#/media/Fichier:Charles_de_Marquetel_de_Saint-Evremond_by_Jacques_Parmentier.jpg
Louis-Désiré Véron : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis-Désiré_Véron#/media/Fichier:Louis_Véron_-_engraving_-_Mirecourt_1855-_Google_Books.jpg
Romain Coolus : https://picclick.fr/Portrait-Romain-Coolus-René-Max-Weill-Scénariste-Cinéma-225296515824.html#&gid=1&pid=1
Comte de Voisenon : https://www.abebooks.fr/art-affiches/Claude-Henry-Fusée-Voisenon
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