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Critique de Arakasi


Gloire à Dieu, gloire à la France ! En cet heureux jour de la Saint-Barthélemy, les différents entre catholiques et protestants viennent de prendre fin dans notre beau royaume : Marguerite de Valois, soeur de sa Majesté Charles IX, a épousé en justes noces Henri de Navarre, prince des huguenots français. L'heure est aux réjouissances, à la fraternisation, au bon vin coulant à flots dans les auberges de la capitale ! Mais quelque chose ne tourne pas rond dans les rues de Paris... Les bourgeois ont l'oeil sombre, les badauds grincent des dents, on a vu des armes et des cuirasses introduites en douce par les portes de la ville et Charles IX grimace plus qu'il ne sourit à son beau-frère navarrais. A la nuit tombée, les massacres éclatent. Traitreusement attirés par la nouvelle du mariage, les protestants sont taillés en pièce, éventrés, mutilés, brûlés sans distinction de rang ou de sexe. L'ouragan traverse Paris, renverse les murailles de la capitale pour s'abattre sur toute la France, laissant derrière lui une trainée de sang, de cendres et de haine purulente.

Dans ce climat de tempête, des destins vont s'entrecroiser. Ceux des Grands déjà, de ceux dont l'Histoire retiendra les noms, de ceux qui tiendront entre leurs mains les destins des nations pour les élever ou les jeter à terre : Charles IX, roi cruel et sensible dont la nature viciée ne parvient à s'épanouir que dans la violence ; Catherine de Médicis, sa redoutable mère prête à toutes les ignominies pour conserver les Valois sur le trône de France ; la reine Marguerite, épouse involontaire d'un homme qu'elle n'aime pas mais qu'elle défendra bec et ongles contre ses ennemis ; Henri de Navarre, le jeune et rusé souverain béarnais dont un oracle a prédit qu'il régnerait un jour sur la France entière – s'il survit bien sûr à cette épouvantable année de 1572 !

A ces illustres personnages, viennent se mêler des protagonistes plus humbles, gentilshommes de fortune que les courants violents de l'époque ont projetés sur le devant de la scène. le premier est protestant et a pour nom Hyacinthe de la Molle, le second est catholique et s'appelle Hannibal de Coconnasse. Par leur bravoure et leur dévouement, ils ont eu le bonheur d'attirer sur leurs têtes l'amour de deux des plus belles et grandes dames de leur temps, le reine Marguerite de Navarre et la duchesse Henriette de Nevers. Mais l'amour des princesses est chose périlleuse et, dans les couloirs enténébrés du Louvre, dagues et poignards brillent à la lumière des flambeaux…

« La Reine Margot » a la réputation d'être un des chefs-d'oeuvre de Dumas, mais aussi un des livres qui lui ont donnés le plus de fil retordre. Rien d'étonnant à cela quand on constate à quel point son atmosphère est éloignée de celles de la plupart des romans du jovial et optimiste écrivain romantique ! Ici, pas ou peu de chevauchées effrénées dans les bois, de batailles épiques et de duels flamboyants. L'action se déroule presque entièrement au Louvre et prend la tournure d'un quasi-huis-clos, franchement claustrophobique par moment. Intrigues et personnages baignent dans une ambiance de méfiance, de peur et de haine refoulée : on se bat un peu, bien entendu, mais surtout on ment, on trompe, on manipule, on trahit, on empoisonne… Délicieux programme, n'est-ce-pas ?

Le sanguinaire film de 1993 de Patrick Chéreau est parvenu à merveille à retranscrire cette atmosphère venimeuse. Dommage en revanche qu'il n'ait pas su conserver la qualité de la prose de Dumas, la vivacité de ses dialogues, l'humour toujours présent qui parviennent à contrebalancer ce que « La Reine Margot » pourrait avoir de trop étouffant. Mais ce que je ne pardonne pas à Chéreau, c'est d'avoir à ce point raté le personnage d'Henri de Navarre… Oh, le roman regorge de beaux personnages, complexes et tourmentés, mais, moi, c'est Henri de Navarre que j'aime ! J'aime son bagout de gascon, son humour goguenard et égrillard, sa finesse de jeune renard, son sourire de paysan matois, sa prodigieuse agilité d'équilibriste, ses petits défauts et mesquineries sans lesquels un grand homme ne serait jamais véritablement humain. Je l'aime tellement que je me trimballe dans un sac, depuis maintenant plus d'une semaine, une monstrueuse biographie qui me scie littéralement les muscles de l'épaule. Merci qui ? Merci, m'sieur Dumas, pardi !

(Oups, je ne comptais pas faire si long. Comme quoi, quand on se laisse emporter par l'enthousiasme...)
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