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Critique de clairejeanne


Nous avions beaucoup aimé "La fiancée américaine" de cet auteur québecois ; les lecteurs retrouveront dans ce dernier livre, où chaque chapitre porte le nom d'un animal, son grand talent de conteur !
Sur un mode sarcastique et un peu "foutraque" le narrateur nous raconte son enfance : on sent que c'est du vécu, qu' il s'agit très certainement d'un roman (au moins en partie) autobiographique.

Eric et sa soeur ont un père qu'ils appellent Henri VIII et une belle-mère Anne Boleyn. Leur mère étant Catherine d'Aragon ou plus exactement "Micheline Raymond, cuisinière de métier". "Henri VIII" car le père, par ailleurs officier de police, est un grand coureur de jupons et aura plusieurs femmes successives. La vraie mère, aimante et rieuse, ne pouvant plus faire face (ils se retrouvent un jour devant un réfrigérateur complètement vide) les a dans un premier temps confiés aux "Thénardier" avant qu'ils ne rejoignent père et belle-mère. Ainsi, dans leur vie, il y eut, entre autres, le "Grand Dérangement" et la "Grande Epouvante".
Extrait : "C'est après l'un de ces dimanches de culte que j'avais osé, dans la maison du roi, évoquer le nom de ma mère devant Anne Boleyn. Je ne sais pas ce qui m'avait pris, à six ans, de parler de choses si inconvenantes. J'avais pourtant compris qu'il ne fallait parler d'elle qu'en cas de stricte nécessité. je dus être frappé de démence pour dire à voix haute le nom de ma mère. c'était pure provocation. Heureusement Anne Boleyn veillait au grain. le censure frappa fort et frappa dur, d'une voix râpeuse, juste un degré au-dessus du zéro absolu : "De votre mère, je ne veux plus jamais entendre parler. Elle vous a abandonnés. Ne me parlez plus jamais d'elle"." (p 27)
Interdit de parler de leur mère, interdit de rire, de manger du chocolat Cadbury... Mais ce n'est pas une simple histoire d'enfants avec une marâtre, d'abord à cause de la vision très originale qu'a l'auteur de son enfance, et parce que Anne Boleyn avait quelques qualités tout de même.

Le jeune Eric, toujours très pince-sans-rire, compare la cour de récréation à son poulailler ; il donne aux poules les prénoms des filles de sa classe et parle de caquetages et de coups de bec de façon très drôle. Souvenirs d'école donc et leurs cortèges de cruautés enfantines, avec comme toile de fond l'exploration des changements des années 70-80 au Québec : montée du souverainisme et prises de distance avec la religion.Le tout bien filtré par les rêveries très imaginatives d'un jeune garçon qui aime les livres et leurs histoires.
Extrait : "Je me dis que la littérature était impénétrable, qu'elle ne pouvait, en fin de compte, servir qu'à appeler les divinités animales des forêts canadiennes et qu'elle n'avait d'autre finalité que de provoquer un changement brusque et venteux quand tout le reste a échoué. de toute évidence, je n'en étais pas encore là. La littérature redevint pour moi ce continent vierge que je continuai d'explorer seul, à coups de machette et de fusil, découvrant derrière chaque rocher couvert de mousse des univers qui n'auraient d'autre utilité que de changer le mien, petit à petit." (p 220)

Un livre formidable, drôle et émouvant, qui confirme les capacités poétiques et humaines de son auteur.
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