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Cycle indien tome 1 sur 5
EAN : 9782070368105
190 pages
Gallimard (30/11/-1)
  Existe en édition audio
3.61/5   1181 notes
Résumé :
Lola Valérie Stein doit épouser Michael Richardson. Mais tout bascule un soir d'été : durant un bal, Anne-Marie Stretter ravit à Lol son fiancé aux yeux de tous. La jeune femme sombre alors dans une forme d'indifférence et de folie. Dix ans après ce traumatisme, Lol V. Stein rencontre Jacques Hold, le narrateur. Séduit et fasciné, il tente de comprendre cette femme et de reconstituer son histoire.
Un roman mystérieux qui ne cesse de fasciner les lecteurs par ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (108) Voir plus Ajouter une critique
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sur 1181 notes
Chère Marguerite,

Me permettras-tu de te tutoyer Marguerite ? Quel joli prénom ! Marguerite, ô Marguerite, j'effeuille ton nom parce que je t'aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout.
Enfant, je te voyais dans les émissions télévisées, je te trouvais austère, intellectuelle brumeuse, imperméable, indécodable. Aujourd'hui que je te relis pour la première fois depuis le lycée, je m'aperçois que certains de ces aspects se retrouvent dans ton livre mais pour autant ils ne m'apparaissent plus aussi négatifs, au contraire tu as ouvert une petite porte dans mon esprit que je croyais fermée.

Pour être honnête avec toi, au départ cette histoire de ravissement ne m'enchantait guère, mais je me devais de la découvrir pour supporter mon fils dans son effort pour te comprendre, lui qui n'a pas le choix de te lire.

J'ai d'abord cru que je ne me trompais pas. Chère Marguerite, ton écriture est ardue, presque étrangère, combien de fois ai-je dû relire certains passages pour en saisir la substance, je ne le sais plus moi-même. Ta poésie semble une bulle de savon suivant les fantaisies d'une brise d'été, virevoltante, imprévisible, arc-en-ciel humide et flamboyant, éphémère qui se meurt dans un plop éclatant de surprises. Mais je le sens Marguerite, tout est travaillé, rien n'est laissé au hasard, c'est même comme ça que tu m'as cueillie.

Non que l'histoire de Lol soit exceptionnelle, mais elle est intentionnellement floue. Car enfin Lol est-elle folle ou bien guérie ? Subjuguante, on voudrait l'atteindre, la posséder même, mais elle reste insaisissable, fuyante, absente. Enlevée à elle-même par la force de la sensualité d'une danse, elle est pourtant bien là, avec nous, raisonnante et rayonnante. Vivante d'amour et d'absolu, elle se cherche et elle nous trouve.

Tu te joues de nous Marguerite, tu casses les codes, judoka des mots tu m'as mise au tapis. Je me connais, j'aurais dû détester ce livre et pourtant… Quelle magie incantatoire as-tu utilisée pour qu'à mon tour, à l'instar du narrateur : “À sa convenance j'inventerais Dieu s'il le fallait.”, je me retrouve fascinée par Lol ? Car j'ai été ravie par “Le Ravissement de Lol V. Stein”, ravie par son mystère, par ses non-sens, ses non-dits mais aussi par sa poésie brute et insaisissable. Cette Lola, est-ce un peu de toi Marguerite ? Mystérieuse et déterminée, peut-être un peu “perchée”.

Je ne suis peut-être guère plus claire que toi Marguerite, je crains de ne pas t'avoir toujours comprise, de n'avoir pas toujours suivi les chemins de traverse que tu as tracés, mais ce qui me reste de ton roman c'est un mystère enivrant et une poésie qui, lorsqu'elle m'a atteinte, m'a ravie. Je ne sais si c'était ton désir, Marguerite, mais je voulais que tu saches qu'à force de mensonges, d'omissions, d'imprécisions, d'abstractions et de douce folie, jamais je n'oublierai Lola Valérie Stein.

De ton effeuillement je garde “à la folie”, merci Marguerite,
Sophie
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Lol V. Stein voit se produire lors d'un bal l'événement qui va la conduire au seuil de la folie. Michael Richardson, son fiancé, tombe amoureux au premier regard d'une autre femme. Un événement qui sur l'instant ne semble pas l'atteindre, ce n'est que par la suite que Lol semble payer " l'étrange omission de sa douleur pendant le bal ", passant par tous les stades de la sidération, des cris assourdissants à la prostration.

Puis, Lol se marie et devient mère de trois enfants. Elle est joyeuse, semble heureuse, on pourrait la dire guérie. C'est à ce moment, qu'après dix ans d'absence, elle vient se réinstaller avec sa famille dans la ville de sa jeunesse, celle du bal, et y retrouve Tatiana Karl, l'amie témoin de l'événement initial.

Dans ce lieu retrouvé, Lol rejoue le passé. Mais inverse les rôles. La femme trompée sera l'autre, son amie, dont elle prend l'amant. Lol passe de l'autre côté du miroir. La fin de l'amour, la minute où l'amour se sépare, dont il ne reste : " que son temps pur, d'une blancheur d'os ", c'est Tatiana qui va la connaître.

Lire Marguerite Duras me subjugue, me transporte. Je lis, relis les mots, les fulgurances, les phrases magnifiques. M'en imprègne. Quelque chose m'impressionne. Quelque chose qui est peut-être en nous comme l'amour, la sensualité, la passion, la folie qu'on reconnaît dans Le Ravissement, qui nous saisit et nous éclaire sur l'amour absolu - l'amour pour l'amour, l'amour dont l'objet serait lui-même.
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En terminant «Le Ravissement de Lol V. Stein» de Marguerite Duras, je ressens comme un soulagement, vraiment un gros soulagement, car ce livre est bien loin de nous offrir une «lecture détente ou plaisir», comme on dit...

C'est vrai que j'ai eu du mal avec ce livre, je l'ai trouvé très inégal. En fait, j'ai terminé ma lecture comme je l'ai commencée : je n'ai rien appris et j'ai l'impression d'être passée à côté de tout, je ne garde rien de cette lecture qu'un sentiment étrange, comme un échec. L'atmosphère malsaine –folie, mensonges, non-dits- m'a énormément pesé également, il est donc très difficile d'entrer dans l'histoire, de comprendre les personnages qui ne se révèlent que très peu tout au long du récit, qui restent distants, ce qui ne nous les rend pas vraiment passionnants et intéressants… le thème de l'amour absolu qui nous hante, nous bouleverse, nous fait souffrir, au-delà d'être troublant, se révèle tout aussi pesant, et je l'ai trouvé trop froidement évoqué ; j'ai eu beaucoup de mal avec cela, ainsi qu'avec l'omniprésence d'un passé qui inhibe et emprisonne l'héroïne…
Marguerite Duras donne l'impression de vouloir se rendre inaccessible, élitiste dans son écriture… et ça fonctionne. J'ai eu beaucoup de mal à suivre certains passages, là ou d'autres sont empreints d'un mystère délicieux, et d'une réelle beauté… Il faut s'arrêter pour les relire et s'en imprégner pleinement, et, bien qu'ils soient assez rares, ils sont les seuls à ne pas m'avoir fait regretter ma lecture.

Je ressors donc de cette lecture à l'image de ce qu'elle est : troublée, frustrée aussi de ne pas avoir tout compris, égarée. Je crois qu'une relecture s'impose, mais pour bien plus tard…
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J'ai lu plusieurs livres d'elle, je ne connais pas bien son œuvre mais Marguerite Duras me fascine. Sa personnalité, son talent, une écriture atypique, pas forcément facile à aborder. Quand elle parle, je me sens pourtant si proche d'elle, tout semble fluide. Je sais qu'elle agace, je sais qu'elle fascine. Je pense que je ressens un peu tout cela puisque je me sens proche d'elle. J'aime son écriture qui lui ressemble. Ici l'écriture est magnifique, poétique, emporte...
Le ravissement de Lol V. Stein m'attendait. J'avais peur d'y entrer, peur de passer à côté de l'essentiel, je voulais le vivre comme une nouvelle expérience de lecture, j'avais peur pour cela, parce que c'est un récit totalement emblématique de son œuvre, difficile d'accès, je le savais, je savais tout cela et en même temps je voulais y entrer avec mes propres clefs, allégé de tout ce qui avait pu être dit ou écrit sur l'ouvrage, que ce soit par l'auteure elle-même ou par d'autres personnes, des critiques, des journalistes. Cependant, une référence à ce texte avait jusqu'alors plus particulièrement retenu mon attention, celle de Laure Adler lors d'une émission de radio sur France Inter, elle exprimait sa fascination pour ce récit...
Le titre déjà invite comme à un mystère, une énigme à résoudre, il y a tout d'abord ce mot à double sens, - ravissement - , j'avoue n'y avoir pas fait attention tout au début du roman. Je me demandais d'ailleurs tout au fil des pages : pourquoi ce titre ? C'est plus tard que cela m'est venu, à un moment précis, au milieu du roman, comme une révélation ; perdue au bord de la nuit Lol V. Stein observant depuis un champ de seigle la fenêtre éclairée de la chambre d'un hôtel où deux amants font l'amour... Lorsque j'ai compris que Lol V. Stein, dans sa folie amoureuse, non encore accomplie à ce stade, vivait dans sa trajectoire une extase quasiment au sens religieux du terme.
Et puis ce titre évoque quelqu'un dont on voudrait cacher l'identité tout en dévoilant un peu qui elle est, c'est un peu comme un jeu de piste. Il nous faut alors reconstituer sa trace, son chemin.
Il y a ici l'écriture sublime de Marguerite Duras, elle est faite de respirations, de silences, de vides aussi. C'est une écriture, me semble-t-il, qui permet de solliciter le lecteur dans ces vides. Lui permet d'exister en quelque sorte. Car le vide invite à être comblé. C'est comme une loi naturelle. Il faut le combler de mots, de paroles, d'imagination peut-être. Inventer à notre tour. J'aime Marguerite Duras pour cela. Elle a son langage, elle apporte une parole. Ce style, son style, ce n'est pas qu'un effet de style. Il sert le récit, le porte.
L'histoire de Lol V. Stein, qui s'appelle en réalité Lola Valérie Stein, débute lors d'un bal dans une station balnéaire d'Angleterre, T. Beach, où elle se rend avec son fiancé Michaël Ridcharson. La scène qui débute est forte et va écrire, figer tout le reste de l'histoire de Lol V. Stein. Lors de ce bal, elle assiste impuissante au désastre de son amour, c'est un spectacle inouï qui la sidère, la foudroie, la détruit, en même temps la fait entrer déjà dans cette sorte de ravissement : l'invitation pour une danse de son fiancé avec une femme plus âgée que lui, une femme inconnue, nommée Anne-Marie Stretter, ils vont s'éprendre dans cette danse jusqu'à l'aube, sous le regard figé de Lol V. Stein qui assiste à ce coup de foudre, à cet amour naissant, auprès de son amie Tatiana Karl, toutes deux dissimulées derrière les plantes vertes de la salle de bal.
Il est possible d'être hermétique à l’œuvre de Marguerite Duras. Il est possible de ne jamais lire ce roman tout en aimant d'autres livres de Marguerite Duras. Il est possible de l'abandonner en cours de route, il est possible de le fuir. Il est possible de l'aimer aussi, comme un ravissement.
J'y ai découvert une narration, contre toute attente. Certes Marguerite Duras casse les codes narratifs traditionnels, tous les repères auxquels le lecteur est habitué à rencontrer et à s'accrocher comme une bouée lorsqu'il perd pied sont ici abolis, elle les piétine et nous égare dans les variations des personnages, les sautes d'humeur de la conjugaison, les mensonges peut-être. Je trouve cela d'une modernité formidable. L'écriture est une promenade intérieure. Pourtant, il y a ici un cheminement, une intrigue. Un dénouement. Mais tout se joue dans la psychologie des personnages et principalement celle de Lol V. Stein.
Dans le récit, il y a cette pause de dix ans où Lol V. Stein est une épouse et mère exemplaire de trois enfants. C'est une parenthèse. Un désert où rien ne se passe. Durant ces dix ans, elle a porté en elle cet événement du bal, elle l'a porté comme quelque chose qui fait désormais partie d'elle, presque comme un enfant. Elle le porte comme quelque chose de vivant, qui a muri, et en même temps elle le porte comme une tragédie. Comment oublier ?
Brusquement, au bout de ces dix ans, une rencontre va donner sens à la folie amoureuse de Lol V. Stein qui perdure.
C'est une lecture qui m'invite à y revenir, revenir à ce livre, le relire, revenir aux personnages. J'ai l'impression d'avoir laissé des choses derrière moi. Au fur et à mesure que j'écris cette chronique, je trébuche sur mes mots, je voudrais revenir au texte initial. Jamais l'écriture d'une chronique ne m'avait autant donné envie de revenir au texte, de le relire. N'avez-vous jamais senti ce sentiment étrange, revenir sur vos pas ?
Alors, je me suis laissé porter, emporter, par le rythme, vers le ravissement, vers ce changement d'état de l'être, vers ce transport de l'âme hors d'elle-même qui conduit à l'extase.
Lol V. Stein incarne une forme de vide sidéral, terrifiant. Elle avance à chaque instant au bord de ce vide, portant jusqu'au bout cette folie amoureuse. Sans doute est-elle morte, broyée, détruite, dix ans auparavant, lors de ce fameux bal. Et pourtant elle se réveille dix ans plus tard, à la faveur d'une rencontre...
C'est alors que l'extase s'incarnera...
Sans doute est-elle un fantôme... Sans doute renaît-elle parce que j'existe, moi lecteur égaré dans ce récit, je lui donne une existence, une renaissance, un rebond, un sursaut, dans ce vide où l'auteure m'invite aussi à m'inscrire dans ce parcours. Il y a des manques, des vides où brusquement, écartant les mensonges, mettant mes pas dans les mots de l'auteur, j'existe.
Il y a des des femmes jalouses, rivales, qui s'effleurent comme contemplant une ultime fois l’effondrement de leur vie, Lov V. Stein et Tatiana Karl s'aimant d'une amitié ambiguë, d'un amour idéal jamais imaginé sauf par nous-mêmes peut-être... Elles s'aiment forcément et passent à côté de cela.
Trois femmes, trois hommes... J'aurais voulu vous parler aussi des hommes de cette histoire, il faudrait en parler, ils n'ont pas la part belle, animés par le désir. Ils paraissent si insignifiants même si Marguerite Duras offre la narration du récit à un homme. Est-ce un roman féministe ? Pourquoi pas ?
L'écriture de Marguerite Duras est peut-être militante.
Le texte est riche, immense, inépuisable, je m'en rends compte au moment où je vous écris. C'est un grand livre qui parle d'amour. Il faudrait que je le relise une ou deux fois encore.
Et dire que ce texte date de plus de cinquante ans !
Immensément moderne, transgressif, subversif... Ébouriffant de le lire, le découvrir dans notre période qui devient complètement aseptisée, normée ; Marguerite Duras, vous nous manquez !
Pour moi, c'est à ce jour le plus beau livre que j'ai lu de cette auteure.
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Dans son excellente biographie, Laure Adler décrit "Le ravissement de Lol V. Stein" comme une oeuvre clé dans la production littéraire de Duras et explique son obsession pour le personnage de Lol V. Stein, qui reviendra ensuite dans plusieurs romans. Il n'en fallait pas plus pour me donner envie de le lire et je viens de profiter des rééditions célébrant le centenaire de la naissance de Marguerite Duras pour me le procurer.

Dans une Amérique un peu floue, l'histoire repose sur le bal du Casino municipal de T. Beach où la jeune Lola Valérie Stein se fait ravir son amoureux, le beau Michael Richardson, par une femme d'âge mûr : Anne-Marie Stretter. Comme envouté, il danse toute la nuit avec elle, sous les yeux de sa fiancée Lol V. Stein et de son amie du collège, Tatiana Karl.

Le "ravissement" symbolise à la fois le rapt de l'amoureux et l'hébétude de Lol devant cet événement qui la rend malade, d'abord prostrée, puis indifférente. Jean Bedford fait d'elle sa femme en sachant cela et l'emmène loin de S. Tahla. Il est prêt à assumer son comportement bizarre et semble ne l'en aimer que davantage. Avec ce mari musicien, trois enfants, une maison et un jardin impeccablement entretenus, la folie de Lol se cache pendant 10 ans sous une apparence de normalité.

Quand ils reviennent s'installer à S. Tahla après la mort des parents de Lol, celle-ci y retrouvre Tatiana Karl et le traumatisme du bal refait surface. Une douleur sur laquelle elle n'arrive pas à mettre un mot : « un mot-absence, un mot-trou », « le chien mort de la plage en plein midi ».

Chacun cherche alors à revivre cet épisode encore et encore, comme si l'on pouvait changer le passé. Employant une narration déstructurée, Duras reconstitue le parcours de Lol V. Stein sous les mots d'un autre : Jacques Hold, l'amant de Tatiana Karl, fasciné par Lol. Les tournures elliptiques, les phrases hachées qu'il faut parfois relire 2 fois pour comprendre, montrent l'impuissance du langage ordinaire à décrire un état mental ou à s'approcher de la vérité personnelle de chacun.

C'est un curieux roman : j'ai éprouvé à sa lecture une impression de malaise, à cause du style et de la folie larvée, du mélange d'amour et de voyeurisme. Et en même temps, j'admire la clairvoyance d'une analyse psychologique qui ne dit pas son nom et la justesse du ressenti des émotions. Ce récit a été écrit il y a 50 ans, il aurait pu l'être hier. L'indifférence de Lol ne peut laisser le lecteur indifférent.
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Citations et extraits (161) Voir plus Ajouter une citation
Elle avance vers moi, toujours, au même pas. Elle ne peut pas avancer plus vite ni ralentir. La moindre modification dans son mouvement m'apparaîtrait comme une catastrophe, l'échec définitif de notre histoire : personne ne serait au rendez-vous.
Mais qu'est-ce que j'ignore de moi-même à ce point et qu'elle me met en demeure de connaître ? qui sera là dans cet instant auprès d'elle ? [...]
A la voir je pense que cela sera peut-être suffisant pour moi, cela, de la voir et que la chose se ferait ainsi, qu'il sera inutile d'aller plus avant dans les gestes, dans ce qu'on se dira. Mes mains deviennent le piège dans lequel l'immobiliser, la retenir de toujours aller et venir d'un bout à l'autre du temps. [...]
Elle arrive, regarde, nous ne nous sommes jamais encore approchés. Elle est blanche, d'une blancheur nue. Elle embrasse ma bouche. Je ne lui donne rien. J'ai eu trop peur, je ne peux pas encore. [...]
Son regard luit sous ses paupières très abaissées. Il faut s'habituer à la raréfaction de l'air autour de ces petites planètes bleues auxquelles le regard pèse, s'accroche, en perdition. [...]
Elle se met elle-même dans mes bras, les yeux clos, attendant qu'autre chose arrive qui doit arriver et dont son corps disait déjà la proche célébration. [...]

Nous sommes enfermés quelque part. Tous les échos se meurent. Je commence à voir clair, petit à petit, très très peu. Je vois des murs, lisses, qui n'offrent aucune prise, ils n'étaient pas là tout à l'heure, ils viennent de s'élever autour de nous. On m'offrirait de me sauver, je ne comprendrais pas. Mon ignorance elle-même est enfermée.
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- Je n'ai jamais attendu autant ce jour où il ne se passera rien.
- Nous allons vers quelque chose. Même s'il ne se passe rien nous avançons vers quelque but.
- Lequel !
- Je ne sais pas. Je ne sais quelque chose que sur l'immobilité de la vie. Donc lorsque celle-ci se brise, je sais. [...]

Elle s'endort.
Sa main s'endort avec elle, posée sur le sable. Je joue avec son alliance. Dessous la chair est plus claire, fine, comme celle d'une cicatrice.
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Des pensées, un fourmillement, toutes également frappées de stérilité une fois la promenade terminée - aucune de ses pensées jamais n'a passé la porte de la maison - viennent à Lol V. Stein pendant qu'elle marche. On dirait que c'est le déplacement machinal de son corps qui les fait se lever toutes ensemble dans un mouvement désordonné, confus, généreux.
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Tatiania en présence de ses amants s'émeut toujours du souvenir des après-midi à l'Hôtel des Bois. Qu'elle se déplace, se relève, ajuste sa coiffure, s'asseye, son mouvement est charnel. Son corps de fille, sa plaie, sa calamité bienheureuse, il crie, il appelle le paradis perdu de son unité, il appelle sans cesse, désormais, qu'on le console, il n'est entier que dans un lit d'hôtel.
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Le lendemain est là. Tatiana habillée d'une peau d'or embaume l'ambre, maintenant, le présent, le seul présent, qui tournoie, tournoie dans la poussière et qui se pose enfin dans le cri, le doux cri aux ailes brisées dont la fêlure n'est perceptible qu'à Lol V. Stein.
- Dieu ! Dix ans que je ne t'ai pas vue, Lola.
- Dix ans, en effet, Tatiana.
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