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EAN : 9782070361878
224 pages
Gallimard (08/05/1973)
3.65/5   401 notes
Résumé :
"Il n'y a pas de vacances à l'amour, dit-il, ça n'existe pas. L'amour, il faut le vivre complètement avec son ennui et tout, il n'y a pas de vacances possibles à ça. Il parlait sans la regarder, face au fleuve." Et c'est ça l'amour. S'y soustraire, on ne peut pas. Marguerite Duras Perso - L'Italie et les rapports familiaux "Les petits chevaux de Tarquinia", c'est le roman de vacances passées en Italie, au bord de la mer. Au bout d’une route, au pied d’une montagne, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (43) Voir plus Ajouter une critique
3,65

sur 401 notes
La chaleur écrase d'emblée. Anesthésie des sentiments. L'action sédative des vapeurs d'alcool imbibant les pages achève l'abattement du lecteur.

Cet engourdissement fait de Duras une lecture immersive. La mort, l'adultère, le drame paraissent en apesanteur. On croit bien que quelque chose se passe, mais on ne peut pas vraiment réagir, l'action est inhibée. Pour le personnage comme pour le lecteur. Une sorte de nivellement des évènements.

« Qu'est-ce qu'on ne fait pas trop tard dans la vie ? Et qu'est-ce que ça veut dire se lever à l'heure ? »

Les petits chevaux, c'est la chaleur, “égale à elle-même”, du matin jusqu'à dix heures et demi du soir en été. La chaleur est un personnage du roman, l'été un adjuvant. C'est le désir en tension, la lassitude des couples qui s'aiment. Inextricable. Ils rient de ça. de cet ennui-là. le rire chez Duras rend toute dramatisation convenue, exagérée, impossible. Pas de guimauve. le rire est résilience chez Duras. Il est recul, il est dépassionné, fatalité ou rédemption. On rit pour parler. Pour pas parler.

« Si tu n'aimes faire l'amour qu'avec un seul homme, alors c'est que tu n'aimes pas faire l'amour.” Liberté tranquille des moeurs, sans militantisme, « la littérature doit être scandaleuse, représenter l'interdit » disait Marguerite Duras. L'interdit (très relatif) de l'adultère confine au plaisir quasi-avoué du partage de l'être aimé. Il y a une connaissance de ça. du désir de l'autre. Comme une anesthésie locale de la jalousie. Une acceptation, une anticipation. L'envie d'être l'amie du désir de lui. Comme un avant-goût de ce que sera le fameux ravissement de Lol V. Stein.

« Les couples sont fatigants à vivre. Tous ». La villégiature de Sara, Jacques, Diana, Ludi et Gina en Italie, juste après l'accident mortel d'un jeune homme, semble insupportable à ce groupe d'inséparables. Ils voudraient être ailleurs, partir à Pointa Bianca ou Tarquinia. Duras déploie une mythologie des vacances bourgeoises, ces moments arrachés au travail, où tout peut basculer, les jours, si peu nombreux, qui passent avec leur programme sans cesse reporté, la tentative d'instaurer une routine éphémère, les boules à telle heure, l'apéro à tel endroit.
« Pourquoi on est tous méchants comme ça ? » Gina et Ludi s'adressent tous les reproches du monde et une assiette de vongoles suffit à créer l'étincelle, Sara aussi voit s'allumer l'étincelle dans les yeux de l'homme au bâteau, sous le regard de Jacques.
« Nous arrivons chargés d'encombrants paquets de vie » écrivait Tristan Tzara. En réalité, le groupe peut bien être en congés estival, “il n'y a pas de vacances à l'amour. Ça n'existe pas. L'amour, il faut le vivre complètement avec son ennui et tout, Il n'y a pas de vacances possibles à ça.”

« Ce n'était pas si grave, dit-elle, des vacances que je voulais prendre de toi. - je sais. Tu es libre de les prendre.” quelques mots, quelques caresses esquissent un autre avenir possible, mais on ne peut pas vivre toutes les vies ensembles. On ne saura pas ce qui aurait pu être, si après la partie de pétanque, on va à l'autre bal, sur l'autre rive. On ne saura pas non plus si le « macadam a jamais tué aucun arbre ».

« C'est ceux qui se plaignent le plus de leur vie qui en changent le moins volontiers ». Un livre presque scénaristique. Les dialogues avant tout. Tantôt brumeux, tantôt obsessionnels, martelés, comme un rythme implacable, un jour, deuxième jour, la ritournelle des vieux sur la colline, avec l'épicier, de la vieille qui ne signera pas, elle refuse ça encore à la douane. La moindre banalité revêt, par sa solennité impromptue, le caractère d'acmé du livre.

« Si dure qu'elle eut été, chacun tenait à son existence et était prêt à la justifier comme étant la moins mauvaise » Les personnages sont comme filmés. le lecteur n'accède pas davantage à leurs pensées que le spectateur dans une salle de cinéma, tout au plus quelques traits qu'en projection nous lirions aisément sur un visage nous sont retranscrits. C'est formidable pour le lecteur, la liberté que ça lui laisse de construire son décor, sa chaleur, son désir.

“Avant tout, c'est contre la vie qu'elle en a ou... contre leur fidélité, c'est pareil. -est ce qu'il y a des fidélités qui ont un sens ? (...) - je crois que oui (...) celles-là précisément, auxquelles on ne peut se soustraire.” Ressemblances dans l'architecture avec « dix heures et demi du soir en été », écrit 7 ans plus tard. le décor est toujours la sueur de l'été, dans un pays sec, comme l'Espagne ou l'Italie. On retrouve certains tropismes de la romancière : le triangle amoureux, les vacances, l'enfant unique, l'alcool, un drame : l'accident du démineur ou le meurtre par Rodrigo Paestra.

“Il faut toujours se mêler des histoires des autres”. Ce ne sont pas seulement les camparis bitter qui causent l'ivresse littéraire que l'on ressent face à Tarquinia, publié en 1953, si la jeune romancière de trente-neuf ans n'a pas encore l'économie de mots et de moyens de ses derniers livres, elle impose déjà son style, reconnaissable entre tous.

Bel été,
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Vacances en Italie, entre la plage et les montagnes. Sara, Jacques, l'enfant, Ludi, Gina, Diana et l'homme au bateau passent leurs journées écrasés par le soleil, sans cesse indécis quant au programme de la journée. « Il n'y avait rien à faire, ici, les livres fondaient dans les mains. Et les histoires tombaient en pièces sous les coups sombres et silencieux des frelons à l'affût. Oui, la chaleur lacérait le coeur. Et seule lui résistait, entière, vierge, l'envie de la mer. » (p. 18) du lever au coucher, la chaleur est discutée, haïe et fuie. Les journées s'écoulent mollement entre deux verres de bitter campari, une partie de boules et l'espoir de la pluie. L'indolence saisit chacun et en même temps la haine de cette indolence. « le mal vient de ce qu'on fait tout trop tard, on dîne trop tard, on joue aux boules trop tard. Alors le matin on ne peut pas se lever et on se baigne trop tard, tout ça recommence... » (p. 204)

À se côtoyer de si près et à ne rien faire, les esprits s'échauffent et les disputes éclatent au sein des couples. Il n'y a guère que le projet d'un voyage jusqu'à Tarquinia, pour voir les chevaux sur les tombes étrusques, qui donne une perspective à ce séjour étouffant. Il y a aussi l'ébauche d'une histoire d'amour, les continuels reproches de la bonne, les caprices de l'enfant et l'histoire des deux vieux qui ont entassé dans une caisse à savon les morceaux du corps de leur fils, sauté sur une bombe de la dernière guerre.

La chaleur omniprésente et étourdissante se pose comme moteur de la non-action ou comme anti-moteur de l'action. Elle enraye toutes les volontés et retarde tous les projets. D'elle naissent la lassitude et l'écoeurement. On perçoit une violence latente et un drame en suspend, comme un ressort qui se ramasse et attend le bon moment pour se détendre. Mais ce n'est pas dans ces pages qu'il sautera, tel le diable hors de sa boîte.

Dans le genre lent, chaud et contemplatif, j'ai de loin préféré le désert des Tartares de Dino Buzatti. Voilà le premier roman de Marguerite Duras qui me déplaît. Les pages se tournent finalement sans difficulté, mais quel ennui ! C'était peut-être le but recherché, faire partager au lecteur l'indolence assommée des personnages. Mais ce n'est pas ce que je recherche dans un roman. J'attends d'une oeuvre qu'elle m'éveille à un ailleurs et à un autre que je ne connais pas, pas qu'elle me renvoie à la vacuité d'une existence dont j'ai suffisamment conscience.
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Retour de lecture sur "Les petits chevaux de Tarquinia" écrit par Marguerite Duras et publié en 1953. Ce roman qui préfigure la Nouvelle Vague était d'une grande modernité en son temps, il est maintenant un peu daté et doit être remis dans le contexte social de l'époque. Il raconte l'histoire d'un couple avec un enfant, qui passe ses vacances dans une villa d'un village isolé d'Italie, en bord de mer, sous une chaleur de plomb, en compagnie d'autres personnes notamment d'un autre couple d'amis et d'un étrange inconnu. Comme souvent dans son oeuvre, Duras s'intéresse avant tout aux relations amoureuses dans ces couples, et à la difficulté de les vivre. le tout se passe sous une chaleur de plomb, et Marguerite Duras nous fait ressentir tout au long du roman cette torpeur qui écrase tout. Une torpeur qui rend tout plus compliqué, comme peut le faire quelquefois la vie elle-même. Elle nous expose avec beaucoup de maîtrise la complexité des relations, en insistant bien sur tout ce qui n'est pas exprimé clairement, sur les non-dits. Duras nous parle de routine, de passion, d'ennui, d'usure du couple, de tentations. Elle ne veut rien démontrer, elle veut juste en exposer la complexité avec beaucoup de sentiments et d'émotions, cela avec une écriture au style très simple. Les infos données par Duras sont toujours très minimalistes, on sait à peine à quoi ressemblent les protagonistes, et il n'est pas toujours évident de la suivre, de comprendre de qui ou de quoi il s'agit. On s'attache à ces personnages, à leurs histoires, malgré tout, et malgré leurs contradictions. On retrouve dans ce roman l'illustration d'une des idées de base de l'auteure qui considère que l'amour absolu est à la fois nécessaire et impossible. C'est un livre au rythme très calme, lent, avec une atmosphère très pesante. Un très bon roman d'amour, profond et réaliste, d'une puissance diffuse.
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L'impossible vacance de l'amour. Il n'y a pas de repos à ça. La torpeur voilà peut être le lieu de la douleur.
La fresque de l'« être ensemble ». Dont la cohérence ne peut être maintenue que par un savant dosage des tensions qui relient les êtres entre eux, ces atomes d'humains.
Le groupe, le couple, la famille. Leur crépitement électrique qui annonce tous les orages.
Ce crépitement qui n'est que le cri de nos mémoires. L'instant de nos rencontres.
La torpeur, cette chose établie, qui enraye la mécanique des passions à leur faire perdre leur temps.
Le temps, c'est le fleuve. le possible, c'est l'océan. L'amour, c'est l'enfant. La mort, c'est l'enfant également. le risque, c'est la traversée du fleuve, la peur, c'est de savoir déjà l'autre rive du fleuve. C'est l'amitié chez Duras qui est le grand passeur des sentiments. le maître de la barque et le gardien des rives,
Qu'il soit continu ou alternatif, le sens du courant, chez Duras, c'est toujours l'achèvement, jamais le renoncement. L'amour chez Duras n'est pas un sentiment, c'est une force. On peut ressentir de l'amour, le voir, le presque toucher, mais l'amour on le vit. Entre celui qui connaît le fleuve et celui qui le sait, demeure l'océan.

Astrid Shriqui Garain
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Les petits chevaux de Tarquinia, voilà le premier Duras que j'ai lu pour entrer dans l'univers Durassien. Et je n'ai pas été déçue, conseillée par une amie pour commencer et découvrir cette auteure.

Cette lecture m'a envoûtée, j'étais à Malte en août 1999, je n'étais pas en Italie mais la torpeur y était bien de même intensité, la faute au Sirocco, obligée de placer un paréo autour du volant de la voiture brûlant à chacune de nos étapes ! Bref je m'égare.

Quel plaisir que cette lecture qui m'a enveloppée, bercée et invitée au farniente après nos escapades parfois étouffantes sous un soleil de plomb, ravie de découvrir cette île ravissante mais si peu ombragée.
Je me suis sentie happée par cette atmosphère estivale et atone. Je n'ai pu m'empêcher de faire le parallèle avec certains films de Rohmer, que pourtant je n'apprécie que modestement, mais il y a du Rohmer dans cette lenteur, et la paresse des personnages de ce roman dont les activités sont paralysées par la chaleur mais arrosées de nombreux Campari.

Moi à Malte je me suis désaltérée avec des « sparkling water » (très coûteuses par ailleurs, par absence d'eau douce, Malte doit désaliniser l'eau de mer), or bien qu'aimant le Campari, il aurait eu raison de mes efforts pour découvrir l'île.
Pour une analyse plus fine de cette oeuvre, je renvoie les lecteurs à la très belle chronique de Fabinou7 sur ce roman. Et d'autres lecteurs encore tout aussi intéressantes.
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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
“il n’y a pas de vacances à l’amour. Ca n’existe pas. L’amour, il faut le vivre complètement avec son ennui et tout, Il n’y a pas de vacances possibles à ça.”
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Une des parois du golfe projetait sur la mer une ombre assez vaste. L'homme décida de la traverser et de suivre le mouvement des falaises. Une fois l'ombre atteinte, le fond de la mer apparut. Sara cria. L'homme se retourna, sourit mais ne sortit pas de l'ombre du golfe. Il dit d'essayer de continuer à regarder. C'était l'envers du monde. Une nuit lumineuse et calme vous portait, foisonnante des algues calmes et glacées du silence. La course des poissons striait son épaisseur d'insaisissables percées. De loin en loin, la vie apparemment cessait. Alors des gouffres nus et vides apparaissaient. Une ombre bleue s'en élevait, délicieuse, qui était celle d'une pure et indécelable profondeur, aussi probante sans doute de la vie que le spectacle même de la mort. Mais Diana cria qu'il fallait partir.
- Vous ne savez pas, dit Diana, que nous ne sommes pas des gens à pouvoir supporter le fond de la mer ?
- Mais personne ne le peut, dit l'homme. (Folio, Gallimard, 1953, p. 131)
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« Ce n'était pas si grave, dit-elle, des vacances que je voulais prendre de toi.
- je sais. Tu es libre de les prendre.”
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c'était un petit village au bord de la mer, de la vieille mer occidentale la plus fermée, la plus torride, la plus chargée d'histoires qui soit au monde et sur les bords de laquelle la guerre venait encore de passer.
Ainsi, il y a trois jours de cela, exactement trois jours et une nuit, un jeune homme avait sauté sur une mine, dans la montagne, au dessus de la villa de Ludi.
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Une fois arrivé là, il cria à Sara :
-On va passer plus près pour voir le fond de la mer.
Il diminua de vitesse et s'approcha obliquement des falaises qui étaient hautes d'une centaine de mètres.Il passa à l'arrière du bateau, près de Sara. Il retira les lunettes sous-marines du coffre, frôla de sa tête le pied nu ballant de Sara et embrassa ses orteils. Personne ne le vit, ne pouvait le voir. Il regarda Sara en riant, comme il n'avait pas fait encore, et comme si une audace lui venait subitement à regarder ces choses.
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