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EAN : 9782707303240
101 pages
Editions de Minuit (01/03/1981)
3.51/5   74 notes
Résumé :

«Au début de l'été, Serge July m'a demandé si j'envisageais dans les choses possibles d'écrire pour Libération une chronique régulière. J'ai hésité, la perspective d'une chronique régulière m'effrayait un peu et puis je me suis dit que je pouvais toujours essayer. Nous nous sommes rencontrés. Il m'a dit que ce qu'il souhaitait, c'était une chronique qui ne traiterait pas de l'actualité politique ou autre, mais d'une sorte d'actualité parallèle à celle-ci, d'... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
N°1840 – Février 2024.

L'été 80 – Marguerite Duras – Les éditions de Minuit.

A l'invitation de Serge July, alors rédacteur en chef au journal Libération, l'auteure s'engage à rédiger une chronique au cours des mois de juin à août 1980. Après avoir hésité et devant l'insuccès de ses films et son absence de projets, elle accepte ce qui est pour elle une sorte de défit puisque July précise qu'il ne voulait pas qu'elle soit politique mais s'inscrive dans une actualité parallèle. Pour un écrivain qui n'est pas journaliste une telle proposition ne pouvait que la séduire mais son hésitation tenait au fait que l'acte d'écrire est forcément différent pour un chroniqueur et pour un romancier mais surtout peut-être que ses articles, imprimés sur « du papier d'un jour », soient lus puis jetés avec le journal lui déplaisait. Elle avait déjà écrit dans « L'illustration » à son retour d'Indochine et cela lui avait peut-être déplu de voir ses textes ainsi détruits après lecture. Elle a peut-être considéré qu'un texte dû à un écrivain méritait mieux que le destin éphémère d'un quotidien jetable et qu'il ne devait pas être perdu. Elle préféra donc la forme classique du livre et porta son manuscrit complet comportant dix articles aux Éditions de Minuit qui l'éditèrent en 1981, ajoutant du même coup un élément supplémentaire à sa bibliographie personnelle. Je me suis demandé si cette proposition n'arrivait pas à point nommé dans un parcours où l'écriture est une épreuve toujours recommencée. Écrire a toujours fait partie de sa vie mais c'est une discipline exigeante où l'inspiration n'est pas toujours au rendez-vous et qu'un hasard peut opportunément provoquer. C'est un long travail, parfois ingrat, souvent une souffrance et demande de la disponibilité. C'est aussi un besoin vital parce que, en tant qu'écrivain elle ne peut vivre, exister, sans écrire. Cela fait partie de son être. C'est un phénomène étrange que l'écriture, soit elle s'impose à l'écrivain, s'invite à travers sa solitude ou à l'occasion d'une rencontre, soit elle se dérobe à lui, parfois sans raison, parfois parce que les évènements extérieurs sont si révoltants ou si enthousiasmants que cela devient impossible et la page blanche impose son vide. Pourtant l'écriture transcende la mort et c'est un peu une victoire contre elle. Sans lire non plus, parce que les deux actes sont complémentaires et, devant le spectacle de la mer elle lit le livre dont elle nous dit qu'il n'est pas terminé. Alors je l'imagine dans sa maison de Trouville-sur-mer, tout simplement.
Il y a bien quelques allusions à l'actualité avec des remarques personnelles sur certains chefs d'État, des allusions historiques rapprochées de l'actualité, des mentions d'évènements alternativement rapportés soit comme des faits importants à ses yeux parce que la mort en fait partie, soit comme de simples faits divers et des considérations sur la vie, la banale marche du temps, le quotidien, les espoirs suscités, les pensées personnelles et politiques qu'elle exprime, Elle décrit le spectacle autour d'elle à travers les yeux de David, un enfant en colonie de vacances et cette évocation devient un conte où la Camarde n'est pas absente. Mais l'été c'est les vacances, le soleil, la plage avec ses planches et ses parasols, les estivants, les cerfs-volants, les enfants, le bruit de l'écume du flux et du reflux, la saveur salée des vagues, les rues vides écrasées de chaleur, les pétroliers au large du Havre ...C'est très différent de son Indochine natale, ce n'est pas la même lumière. Ce n'est pas vraiment un monde parallèle mais c'est plutôt une période entre deux parenthèses qu'on refermera à la fin de l'été.
Ce livres est dédié à Yann Andréa qui fut son dernier compagnon. A la fin du recueil, elle évoque à demi-mots la présence d'un amant auprès d'elle, peut-être lui  ou peut-être pas?

Quand j'ouvre un livre de Marguerite Duras, je le fais toujours avec une appréhension mêlée de méfiance, je ne sais pas trop pourquoi, à cause du style sans doute. Je n'ai pas eu cette impression à la lecture de ce court recueil choisi au hasard. Peut-être une invitation à lire différemment ?


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Marguerite Duras n'a pas son pareil pour créer une ambiance qui me met en émoi.
J'ai relu "L'été 80" après avoir lu "La jeune fille et l'enfant" récemment. Ces deux textes sont liés, le dernier étant une réécriture de certains éléments du premier.
Mais, « L'été 80 » reste un livre très particulier.

En 1980, Marguerite Duras a accepté l'offre de Serge July, directeur de rédaction au journal Libération, de publier une série d'été hebdomadaire sous la forme de chroniques sur l'actualité et le temps qu'il fait. Et l'été 1980 est maussade.
Marguerite Duras est à Trouville. Il pleut. Elle regarde de son balcon des Roches noires les plages mouillées et la mer. Elle voit à la télévision les informations et cela la touche. Tout se condense sous son regard qui donne sa vision du monde : les chantiers en grève de Gdansk en Pologne, la famine en Ouganda, les jeux olympiques de Moscou, les obsèques du chah d'Iran, les chars russes à Kaboul… Et puis, il y a l'enfant aux yeux gris, le requin qui parle « Rakete, Raketaboum », la jeune monitrice de la colonie, le cerf-volant dans le ciel…
Ce livre est vraiment singulier car il mêle la fiction à la réalité. Et Marguerite Duras réussit un texte sobre elle qui ne l'était pas à cette époque.
C'est donc la partie fiction qui est reprise et réécrite dans « La jeune fille et l'enfant ». Seul le décor, la plage de Trouville et le chemin de planches sont bien réels.

Avec ses 10 chroniques qui forment un feuilleton, Duras tient le lecteur en haleine. D'ailleurs, la parution du recueil aux Editions de Minuit sera un grand succès dès sa sortie et je m'en réjouis.


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🌅 En 1980, Duras est approchée par Serge July, fondateur du journal Libération, pour savoir si l'auteure envisagerait la rédaction d'une chronique quotidienne dans ses pages. Pas forcément pour traiter de l'actualité, mais plutôt de sa vue à elle sur ce qui se passe dans le monde, une sorte d'actualité parallèle. Elle accepte, mais pour une chronique hebdomadaire. Ces chroniques sont réunies dans ce recueil des éditions de Minuit.

🌅 Duras met donc sa plume au service du journal, et en émane un recueil inédit, qui traite de manière subjective les évènement de cet été 80, les jeux olympiques de Russie, la grève du chantier naval de Gdansk, la mort du Shah d'Iran et la famine en Ouganda. Mais il n'y a pas de que cela. Il y a ce fil rouge, cette histoire sur la plage, cet enfant qui ne parle pas, ses yeux gris emplis de mer, sa main tendue vers cette monitrice qui voit en lui la faille. Un drôle de lien unit ces deux personnages, vingt ans les séparent, une promesse de se revoir plus tard. C'est étrange, malaisant.

🌅 L'actualité vue par Duras, c'est un privilège inouï. Mon seul regret, c'est de ne pouvoir lire ce genre de récits, aujourd'hui.
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C'est un recueil charmant constitué des rencontres improbables et forcées entre Duras et le quotidien (ou l'hebdomadaire voir le mensuel !). Des grèves en Pologne, une fiction et son couple en toile de fond ; tout s'articule avec le plus grand naturel. Une actualité brûlante qui confirme sa veine sociale et son humour. Elle, de sa fenêtre des Roches Noires donnant sur la plage de Trouville, imagine des couples improbables faisant inévitablement écho au sien : une jeune fille majeure avec un garçon de huit ans, un orphelin avec un requin. Une plume intime, plus que dans "L'Amant" ou dans "Un barrage contre le pacifique" : la promesse d'une immersion complète dans son été. L'intérêt du texte par rapport à l'Oeuvre, réside justement dans l'entremêlement de la fiction et la réalité. Elle a tant brouillé les pistes entre le biographique et le fantaisiste qu'un lecteur peu aguerri serait tenté -avant cette lecture ! de reconstituer sa vie par les livres. Depuis, la rupture est consommée et les chroniques (comme le reste) sont prises pour ce qu'elles sont : « un égarement dans le réel ». ("L'été 80", p.8) M.B
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Une colonie de vacances, un enfant qui se détache du groupe, une jeune monitrice qui s'y attache. Des promenades sur la plage en cet été 80 qui à l'air pluvieux, brumeux. S'y mêlent des éléments de l'actualité, les ouvriers en grève des chantiers de Gdansk, la mort du Shah d'Iran. Et, imbriqué, un conte pour enfants racontant l'histoire d'un requin vorace et d'une source qui voudrait mourir. Au départ, ces textes sont des chroniques pour Libération, publiées ensuite en livre pour ne pas les perdre. Un livre un peu particulier.
Lien : https://redheadwithabrain.ch..
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Il y a des signes avant-coureurs d’un nouveau bonheur, d’une nouvelle joie, cela circule déjà dans ce désastre chaque jour tristement relaté par nos gouverneurs. Dans les rues il y a des gens seuls qui marchent dans le vent, ils sont recouverts de K-way, leurs yeux sourient, ils se regardent. La nouvelle est arrivée à travers la tempête d’un nouvel effort demandé aux Français en vue d’une année difficile qui vient, de mauvais semestres, de jours maigres et tristes de chômage accru, on ne sait plus de quel effort il s’agit, de quelle année pourquoi tout à coup différente, on ne peut plus entendre ce monsieur qui parle pour annoncer qu’il y a du nouveau et qu’il est là avec nous face à l’adversité, on ne peut plus du tout le voir ni l’entendre.
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Le parti le plus fort se reconnaît à sa potentialité de mort, sa faculté plus ou moins grande de l’administrer. Ils ont tué des voleurs à la tire, ils tuent des trafiquants de drogue. Et ils tuent des homosexuels. Cela parce qu’en Iran, comme en Russie soviétique, l’aveu de facto de l’homosexualité face à l’opprobre populaire et gouvernemental se pose en équivalence à un acte politique majeur qui a valeur souveraine d’exemple quant à l’expression de toutes les autres libertés de l’être humain, depuis celle du choix de sa spiritualité jusqu’à celle de la conduite de son corps. Il est dans la logique du fascisme de punir les homos et les femmes.
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Je vois que le crime quel qu’il soit relève de la bêtise essentielle du monde, celle de la force, de l’arme, et que la majeure partie des peuples craignent et révèrent cette bêtise comme le pouvoir même. Que la honte c’est ça. L’enfant qui se tait regarde toujours tout alentour de lui, la haute mer, les plages vides. Ses yeux sont gris comme l’orage, la pierre, la mer, l’intelligence immanente de la matière, de la vie. Gris, les yeux couleur du gris, comme une teinte extérieure posée sur la force fabuleuse de leur regard.
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Un pays socialiste, par définition, est un pays dans lequel la faim a disparu. Les autres aspects de l’homme ne sont pas évoqués. L’homme qui mange est considéré comme l’homme libre, l’homme suffisant. L’homme suffisant n’a plus à se plaindre de rien, du moment qu’il mange à sa faim. L’homme des pays socialistes s’est donc retrouvé enfermé dans une définition limitée à sa nourriture. La société n’avait besoin de rien de plus que de lui, de cet homme bien nourri, pour construire le socialisme. Or, ce n’est pas parce que la famine est un état de souffrance et de stérilité de l’homme que la suppression de cette souffrance crée un état de bonheur et de fertilité.
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Il fallait un jour entier pour entrerdans l'actualité des faits, c'était le jour le plus dur, au point souvent d'abandonner. Il fallait un deuxième jour pour oublier, me sortir de l'obscurité des faits, de leur promiscuité, retrouver l'ari autour. Un troisième jour pour effacer ce qui avait été écrit, écrire.
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