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Critique de sultanne


Voilà qui risque de remettre en question notre vision exotique de la colonisation. Ce récit, d'une grande justesse, nous transporte au fond de l'abîme colonial. Là où les blancs sont traités aussi misérablement que les "indigènes", où l'administration broie avec froideur et avidité des vies entières, Marguerite Duras nous fait traverser une frontière insoupçonnée, marquée de sang et de sueur, celle perdue dans les fameuses concessions coloniales, machines à fric incultivables qui fait le bonheur des plus riches.

L'atmosphère, constamment tendue, explore avec sécheresse et froideur les relations ambivalentes entre les êtres humains revenus à une vie quasi-primitive où le lien social, ne tenant qu'à un fil, fait osciller le malheureux entre son statut d'homme et celui d'animal. Les sentiments et les émotions n'ont pas leur place dans ces sociétés où la survie occupe la tête de la pyramide des besoins. Les personnages sont dénués d'humanité, à l'image de cette mère dévastatrice, de ce frère sauvage, de ce M. Jo anihilé ou de cet Agosti trompeur...

En toile de fond de cette Indochine rêvée, un questionnement existentiel sur le sens de la vie laisse entrevoir une pensée presque marxiste, crachant sur un capitalisme écoeurant. Une réflexion sur l'évolution, lente et invisible de l'espèce humaine et sur la liberté de l'être humain saisit le lecteur incrédule. Celle qui n'a pas de nom (la "mère"), être informe qui, avec son prénom, semble avoir perdu toute forme d'humanité, la "mère", étrange matrice stérile dont ne sortent plus que l'injure et l'entêtement, va laisser place à une génération nouvelle, plus forte et plus vivace, prête à reconstruire une réalité nouvelle à la lueur des erreur commises.

Du Marguerite Duras splendide, choquant, intrigant.
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