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EAN : 9782221114018
204 pages
Robert Laffont (21/10/2010)
3.95/5   10 notes
Résumé :
Au cœur des Pays-Bas occupés, une voix s’élève face à la barbarie nazie. Cette voix est celle d’Etty Hillesum, jeune femme juive, dont le journal intime et la correspondance attestent d’une confiance dans la beauté de la vie et d’une inébranlable foi en l’être humain.

Passionnée et indépendante, Etty cherche auprès de ses conquêtes amoureuses un remède à son mal-être. Sa rencontre avec le psychologue Julius Spier bouleverse son existence. Il lui appre... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Le 9 mars 1941, une jeune hollandaise de 27 ans, fille d'un proviseur et d'une mère juive ayant fui la Russie tsariste en 1907, entame le journal dans lequel elle décrit sa vie quotidienne sous l'occupation et son évolution spirituelle.

Esther Hillesum (1914-1943), Etty pour les intimes, mêne à la fin des années 30, la vie libre d'une « garçonne » (à l'instar de l'héroïne de Victor Marguerite) en étudiant à Amsterdam le droit et les langues slaves, devenant la maîtresse de Han Wegerif, un veuf qui lui loue une chambre. Elle a pris ses distances avec sa famille et notamment sa mère au caractère instable.

Sa vie bascule le 3 février 1941 quand ses amis lui présentent Julius Spier, un gourou encensé par la gente féminine. Né allemand en 1887, Julius Spier émigre aux Pays-Bas en 1939, laissant à Berlin ses deux enfants et leur mère Hedwig Rocco, dont il s'est séparé en 1935. Spier devient l'amant et le mentor d'Etty et lui suggère de rédiger son journal. En 18 mois ce psychologue, adepte de morphologie et lecteur des lignes de mains, a une profonde influence psychologique et spirituelle sur la jeune femme. Il meurt de maladie le 15 septembre 1942.

« Tu m'as appris à prononcer sans honte le nom de Dieu. Tu as servi de médiateur entre Dieu et moi… Et je servirai moi-même de médiatrice à tous ceux que je pourrai atteindre. » confesse alors Etty qui rejoint volontairement en juillet 1942 le Conseil Juif et devient assistante sociale auprès des détenus du camp de Westerbock. Elle observe les conditions de détention et de transit vers les camps d'extermination et rédige des courriers qui sont diffusés clandestinement par les réseaux de résistants et alertent la population sur la « solution finale ».

En juin 1943, Etty est emprisonnée à Westerbock et sa famille la rejoint après la rafle des 21 et 22 juin. C'est « le grand saut » vers une destinée qu'elle perçoit lucidement. Son journal est interrompu le 12 octobre 1942 ; elle est déportée à Auschwitz avec sa famille et disparait le 30 novembre 1943.

Son journal, puis sa correspondance, sont publiés et traduits progressivement dans les années 80 et en France l'association « Les Amis d'Etty Hillesum », présidée par Cécilia Dutter, s'emploie à diffuser ses écrits et les outils de développement personnel et spirituel qu'ils renferment en suivant les trois étapes majeures du parcours que cette dernière a emprunté : se connaître soi-même, rencontrer l'autre, s'ouvrir à l'Absolu.

L'essayiste, présente en quelques chapitres, la substantifique moelle des enseignements de Julius Spier et des réflexions d'Etty Hillesum :
- « En chemin vers soi » (ch.V) : « ne pas parler, ne pas écouter le monde extérieur, mais observer un silence total et laisser raisonner en soi ce que l'on a de plus personnel et privé, et cela, l'écouter. » résume cette approche.
- « De l'amour d'un seul à l'amour de tous » (ch. X) part des enseignements de Saint Augustin, le libertin d'Hippone que Monique, sa mère, arracha aux séductions féminines pour en faire, avec l'aide de Dieu, un saint et un docteur de l'église.
- « Dieu, ultime refuge » (ch. XVI) montre comment la jeune femme, d'éducation laïque, découvre avec le concours de Julius un Dieu fusion des méditations de Confucius, Lao Tseu, Saint Augustin, « Je vis constamment en intimité avec Dieu »

Le Pape Benoît XVI, lors d'une audience en 2013, a déclaré : « Je pense aussi à la figure d'Etty Hillesum, une jeune Hollandaise d'origine juive qui mourra à Auschwitz. Initialement éloignée de Dieu, elle le découvre en regardant en profondeur à l'intérieur d'elle-même et elle écrit : « Un puits très profond est en moi. Et Dieu est dans ce puits. Parfois, j'arrive à le rejoindre, le plus souvent la pierre et le sable le recouvrent : alors Dieu est enterré. Il faut à nouveau le déterrer ».

Le témoignage d'Esther Hillesum (1914-1943) s'insère parmi celui d'autres martyrs :
- Edith Stein (1891-1942), juive devenue religieuse (Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, co-patronne de l'Europe)
- Irène Némirovski (1903-1942)
- Hélène Berr (1921-1945)
- Anne Frank (1929-1945)

La vocation d'Etty tranche par son originalité, son amour, son espoir et sa terrible lucidité « Bien sûr, c'est l'extermination complète, mais subissons-la au moins avec grâce. » Une grâce qui éclaire aujourd'hui ses lecteurs, dans un contexte où l'antisémitisme menace insolemment.
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Etty (diminutif d'Esther) Hillesum, naît le 15 janvier 1914 à Middelbourg aux Pays-Bas. Issue d'une famille juive libérale peu pratiquante, elle est d'origine russe par sa mère qui a fui les pogroms pour s'établir à l'ouest. Elle y rencontrera son futur mari, un professeur de lettres classiques. Etty avait deux frères cadets, Jaap et Mischa. Les trois enfants ont mené de belle études, le droit pour elle, la médecine et le piano pour ses frères. En 1939, elle ovtient sa maîtrise et poursuit dans le même temps des études de russe.
Etty est une jeune femme libre et libérée. Elle est aussi une grande amoureuse et elle aura plusieurs amants, toujours plus âgés qu'elle. L'un d'eux est Julius Spier qu'elle rencontre en 1941. Célèbre psychologue, elle va entamer avec lui une thérapie. Il sera son conseiller spirituel. Spier lui conseille d'entamer la rédaction d'un journal pour se raconter et surtout, apprendre à se connaître. C'est ce journal qui est parvenu jusqu'à nous.
Car Etty est une jeune femme fragile : elle collectionne les relations, elle souffre de boulimie et elle a des pensées sombres. Sa mère n'y est peut-être pas pour rien dans son mal-être.
A partir de mai 1940, les nazis envahissent son pays. Dès lors, son quotidien est compliqué. Elle subi les interdictions, les discriminations, les vexations. Bon gré mal gré, elle supporte ce nouveau quotidien, toujours aidée et soutenue par son mentor.
En 1942, elle est transférée à sa demande au camp de Westerbork, un camp de transit qui sera bientôt l'antichambre d'Auschwitz. Alors qu'elle aurait eu l'occasion d'en partir libre, elle préfère rester et éprouver le calvaire de ses pairs. Ses parents et son petit frère vont bientôt la rejoindre, raflés eux. Son frère Jaap échappe un temps à la rafle car il parvient à se cacher.
Son statut va malheureusement changer et elle ne bénéficiera plus d'aucune protection. Elle ne se défile pas et accepte son destin. Déportés en famille début septembre 1943, tous seront décimés. Ses parents sont probablement gazés dès leur arrivée, Mischa meurt durant l'hiver alors qu'Etty meurt le 30 novembre 1943 (sûrement d'épuisement). Jaap s'en réchappe pas non plus, il meurt début 1945 a priori lors de son transfert à Bergen-Belsen.
Ce qui frappe lors de la lecture de ce livre c'est l'exposé du parcours de la jeune Etty. Souvent qualifiée de mystique, elle a été initiée par Spier à la pensée chrétienne. Cela l'aide à supporter son quotidien et la guerre. Elle prend de la hauteur. Elle se détache de son propre cas particulier pour penser au collectif. Elle pense qu'un monde meilleur naîtra d'un amendement personnel. de plus, elle fonde une sorte de rédemption universelle sur l'amour de son prochain. Ses réflexions sont poussées et lui ont demandé un grand détachement. C'est sûrement là sa force. Elle aurait peut-être pu s'en sortir - pour un temps ou définitivement -, elle aurait pu être aidée par ses proches non juifs, elle aurait pu profiter de son statut semi privilégié au camp de Westerbork. Mais il n'en fut rien. Elle a accepté son sort, elle a accepté son destin. Elle attend la mort presque paisiblement. Elle vit ses derniers mois comme un sacrifice d'elle-même.
J'ai été époustouflée par ce portrait. Je dois avouer que je ne connaissais pas Etty Hillesum avant de débuter ma lecture. Je n'ai même entendu parler d'elle que récemment en lisant un livre sur Hélène Berr. Je ne regrette pas ma découverte. L'autrice nous propose une biographie exigeante d'une femme libre et certainement en avance sur son temps. Son degré de réflexion, malgré son jeune âge, démontre une personnalité volontaire capable d'introspection et d'auto-analyse. On peut rapprocher Etty Hillesum d'Hélène Berr car elles auraient sûrement fait de l'écriture leur métier. Pour l'aspect mystique, on peut la rapproche de Edith Stein, même si elle alla plus loin en se convertissant au christianisme. Etty Hillesum, par le truchement de l'écriture de Cécilia Dutter, nous introduit à une philosophie de vie peu commune : confrontée à l'horreur, à la torture et à la mort, elle s'efforce à déceler l'amour et à cultiver la bienveillance à chaque instant. Bien sûr, l'humain reste humain et Etty n'est pas parfaite dans le sens où elle-même reconnaît qu'il est plus facile de prier pour ceux qui souffre que d'être témoin de leurs souffrances. Mais quel beau parcours de vie. Quelle belle jeune femme.
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Cécilia DUTTER nous narre ici une biographie intéressante et plaisante à lire sur une jeune israélite hollandaise au destin tragique pendant les années noires du nazisme. Etty HILLESUM est tout d'abord une jeune femme au parcours "sinueux" mais qui, du fait de rencontres, est amenée à porter un regard introspectif sur sa personnalité et son Etre.

Ayant le courage d'affronter ses démons, elle prend conscience de l'Unité de l'Univers et s'imprègne de la démarche de Saint THOMAS D'AQUIN pour apprendre à se regarder et à regarder le monde. Malgré l'hostilité de son environnement, liée à l'antisémitisme nazi, elle connaît l'Eveil et choisit librement d'Aimer. Jusqu'à se sacrifier dans les camps de la mort où la vie la quittera.

Son existence s'inscrit sur une voie analogue à celle, plus connue, d'Anne FRANCK mais avec beaucoup plus de maturité, en particulier sur le plan spirituel. Sans coller à un dogme particulier mais dans le cadre d'Amour Universel très proche de celui de la Chrétienté.

Cet ouvrage se lit avec une grande facilité et l'auteur, grâce à un grand nombre de citations originales, permet au lecteur d'apprécier la subtilité de la pensée d'Etty HILLESUM. Personnage relativement méconnue mais qui mérite l'attention.
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Un excellent livre qui explique bien le parcours d'etta et donne envie de (re)lire son journal.
Une vie assez étonnante dans une Europe d'avant-guerre où la femme avait un statut social bien inférieur à celui d'aujourd'hui.
Mon regret (ou mon étonnement) est que l'auteur (mot neutre) veuille à tout prix en faire une chrétienne qui s'ignore avec son amour du prochain.
Pourtant, l'amour du prochain se trouve aussi dans l'Ancien Testament (Levitique 19, 18) : "tu aimeras ton prochain comme toi-même".
C'est d'ailleurs le propre de l'Eglise d'avoir poussé à une compréhension "Ancien Testament : Dieu jaloux et vengeur" et "Nouveau Testament : Dieu d'amour".
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Quelle lecture!
J'ai demandé à “ma” bibliothèque le journal de cette femme étonnante et dont on se sent si proche . Je me suis retrouvée dans cette quête d'elle-même.À chaque livre lu sur des périodes de notre histoire , je me demande, toujours : qu'aurais-je je fait ? Toujours pas de réponse.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
C’est donc en qualité de volontaire et non comme déportée qu'Etty arrive le 30 juillet 1942 à Westerbork. Elle découvre la lande de la Drenthe, proche de la frontière allemande, où le camp a été édifié. À l’origine, ce sont les autorités hollandaises qui l’ont construit en 1939 pour accueillir les réfugiés juifs allemands entrés légalement ou clandestinement aux Pays-Bas. Il s agissait d'offrir à ces populations démunies un lieu d'hébergement transitoire en attendant leur émigration definitive en Palestine. On les loge dans de petits bâtiments en bois, divisés en appartements d'un relatif confort. Ironie de l'Histoire : ce lieu destiné à abriter un temps les premières victimes de la persécution nazie en Allemagne va devenir, sous l’Occupation, le plus grand camp de concentration du territoire. En mai 1940, lorsque les troupes allemandes envahissent la Hollande, celui-ci regroupe un peu plus de sept cents personnes.
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Il n'est plus temps de tergiverser. Au pied du mur, il lui faut choisir : « Aujourd'hui, c'est tout l'un ou tout l'autre : ou bien on en est réduit à penser uniquement à soi-même et à sa survie en éliminant toute autre considération, ou bien on doit renoncer à tout désir personnel et s'abandonner. »Jusqu'ici, sans opter pour la première proposition, Etty s'était plus ou moins protégée. Or, le processus d’anéantissement engagé par les nazis est irréversible.

Désormais, elle veut être sur un pied d'égalité avec ses frères juifs. Elle se sent prête à aller au bout de la tragédie avec eux. « Ce que des dizaines et des dizaines de milliers de gens ont supporté avant nous, nous serons bien capables de le supporter à notre tour. Pour nous, il ne s'agit déjà plus de vivre, mais plutôt de l'attitude à adopter face à notre perte », écrit-elle fin juillet 1943.

De toutes les qualités d'Etty, c'est son extraordinaire lucidité qui la rend si exceptionnelle. Ici, tout est dit de son absence totale d'illusions. Elle sait qu un pan de l'Histoire juive se déroule sous ses yeux. Et, au moment le plus critique, il n est pas question pour elle de se désolidariser du groupe. Elle entend assumer un sort commun.
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Traduit en plus de soixante-dix langues, le journal d’Anne Frank a connu un retentissement populaire mondial. À ce jour, trente-cihq millions d'exemplaires ont été vendus.

Quant à Etty, en 1943, sa longue lettre à deux sœurs de La Haye fut publiée dandestinement par des journalistes hollandais engagés dans la résistance, qui voulaient alerter la population sur le sort des juifs déportés à Westerbork. Elle fut rééditée à trois reprises après guerre. Klaas Smelik, malgré tous ses efforts, ne parvint pas à faire publier le reste des écrits d'Etty. II fallut attendre 1981 pour que le fils de Klaas, héritier du journal, convainque les Éditions Balans aux Pays-Bas de diffuser une version partielle de son journal.

Tout comme celui d'Anne Frank, ce texte fit le tour du monde et rencontra un succès considérable. Deux autres éditions, comprenant de nouveaux extraits et une partie de la correspondance d'Etty, suivirent. Enfin, en 1986, la Fondation Etty Hillesum d'Amsterdam, gestionnaire des droits sur l'œuvre, fit publier une édition intégrale de ses écrits.
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Dans Le Roi se meurt, Eugène lonesco fait dire à la jeune reine : « Tout le monde est le premier à mourir. » Il souligne par là que la manière dont chaque homme conçoit l’étape finale lui est parfaitement propre et qu'il ne saurait y avoir de règles du « bien mourir » tout comme il n'y en a pas du « bien souffrir ».

Pour sa part, Etty a déjà théorisé l'idée de la mort. Elle l’a peu à peu apprivoisée puis acceptée comme partie intégrante de la vie. « Cela semble un paradoxe : en excluant la mort de sa vie, on se prive d'une vie complète, et en l’y accueillant on élargit et on enrichit sa vie », écrit-elle.
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Trois mois, c'est exactement le temps qu'Etty aura tenu en enfer.

« Même si l'on doit connaître une mort affreuse, la force essentielle consiste à sentir au fond de soi, jusqu'à la fin, que la vie a un sens, qu'elle est belle, que l'on a réalisé toutes ses virtualités au cours d'une existence qui était bonne, telle qu'elle était », avait-elle écrit dans son journal en juillet 1942.

À n'en pas douter, elle se sera envolée avec cette intime conviction.
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