Par coeurs

Vous allez penser que je suis vraiment difficile, mais plus je lis ces oeuvres destinées à des adolescents, ici des nouvelles, plus je me dis que le genre est vraiment très difficile. Avec « Par coeurs », on sent bien l'intention de l'auteur de capter l'attention de ce public avec des thèmes qui le touchent, d'utiliser un langage qui lui soit familier, et d'instiller un certain message pédagogique…
Ici, sous prétexte d'un devoir de français « libre » sur l'amour idéal, Dominique Dyens a écrit onze nouvelles, une introduction, neuf devoirs d'élèves et une conclusion.
Les thèmes abordés sont bien dans l'air du temps et parleront aux jeunes lecteurs qui pourront facilement se retrouver dans les situations, même si celles-ci, de par la brièveté des nouvelles, sont parfois un peu exacerbées et plus ou moins subtiles.
Si les nouvelles sont dans l'ensemble assez réussies, j'ai regretté la dernière, portrait du professeur à l'initiative du devoir, vraiment trop conformiste et stéréotypé.
Quand les ados prennent la parole le ton est direct, simple, dynamique. Parfois même l'auteur évite avec talent des clichés faciles et ne craint pas de dérouter ses lecteurs, comme en particulier dans « A table !!! », nouvelle vraiment excellente.
Les parents sont souvent compréhensifs et prêts au dialogue. Sans doute l'auteur a voulu transmettre avant tout une pensée positive et encourageante à ses jeunes lecteurs, au risque de peindre un monde un peu trop idéal, mais cette observation est probablement due à ma lecture « adulte »..

Le jour de la rentrée, Mlle Lêveque, prof de français, demande à ses élèves de seconde un sujet de rédaction pour le moins surprenant : " Quelle est votre vision de l'amour. Que représente l'amour idéal. Comment voyez-vous votre vie amoureuse plus tard." Imaginez un peu la tête des gamins ! Surtout que cette prof ressemble à un vieille fille, d'après une élève, qui, du coup, révise rapidement son jugement. L'autre particularité c'est que les copies doivent être anonymes et que rendre le devoir n'est pas une obligation. Pourtant, la plupart des ados feront le devoir, évidemment puisqu'il s'agit-là d'un sujet qui les touche à coeur...

Le livre s'articule autour de onze "nouvelles" (pour reprendre le terme de la couverture) qui donnent la parole aux élèves de la classe. L'amour et ses conséquences y sont examinés sous toutes les coutures : première fois, sentiments, amour filial, physique, homosexuel, impossible, séparation, risque de grossesse... Chaque ado y va de son expérience : de celle qui n'a d'yeux que pour "le plus beau mec du lycée", (et qui du coup dit "thank you" au CPE pour son idée de constituer les classes par ordre alphabétique) à celle qui fait l'amère expérience d'un test de grossesse, en passant par celui qui pense que le mariage, c'est l'anti-amour :
"Il n'y a rien de plus dur que d'être fils de parents mariés. Ouais, ouais, marrez-vous ! Mais qu'est-ce que vous croyez ? Au moins quand tes vieux sont divorcés, t'as deux piaules, deux vaisselles, deux façons de manger, deux emplois du temps, deux façons de vivre, deux environnements et tu ne t'ennuies jamais ! Et encore, je ne vous parle pas des cadeaux et des vacances multipliés par deux ! Alors que mes parents ! Ils sont mariés depuis seize ans et ils ont l'air de se faire tellement chier ensemble que tous les jours, je me pose la même sempiternelle question : Mais pourquoi ils ne se quittent pas ?!"
"A table !!!" dont est tirée l'extrait, est la nouvelle que j'ai préférée. Sa chute met une claque au gamin avec humour. "Mademoiselle", qui ferme le recueil, permet au lecteur de comprendre le leitmotiv l'enseignante. Mais si c'est une surprise, cela met aussi à plat le mystère qui l'entourait au début du livre pour en faire un personnage complètement crétin. Dommage !

Pour le reste, j'ai apprécié ces récits dynamiques, bourrés d'humour mais aussi cyniques, qui restituent le parler inventif (et parfois agaçant) des ados, leur vision parfois "brut de décoffrage", leur naïveté et leur égocentrisme. Mais aussi leur fragilité. Une découverte sympa.

Onze nouvelles et (presque) autant de confidences de lycéens de seconde sur leur conception de l'amour, illustrée par leur propre expérience.

Amour muet non partagé, liaison impossible, rupture, désir, fantasme, identité sexuelle, solitude, vision adolescente des quadras, des parents, des "vieux" couples... le programme est complet.

Le style m'a d'abord fait craindre des histoires gentillettes pour midinettes, l'auteur adoptant le parler adolescent. La plume s'avère finalement parfaite, sans excès, sans caricature. Tout est extrêmement bien vu, subtil, plein de bon sens, de sagesse, mais aussi d'humour, d'émotion, de tendresse. Vous aurez une jolie surprise après deux ou trois nouvelles si vous n'avez pas lu la quatrième de couverture.

Encore un grand coup de chapeau à cette collection, qui propose des textes excellents.

Les éditions Thierry Magnier ne cessent de me surprendre par leur diversité et leur cohérence ; après avoir découvert la collection dirigée par Jeanne Benameur (alors, là, je voulais remettre le nom de la collection sus-dite, ça fait 15mn que je gratte sur le site des éditions Thierry Magnier et non, rien à faire, je ne la trouve pas!!!! le principe de cette collection était d'écrire un genre de monologue pour ado), je découvre ce sympathique recueil de nouvelles de Dyens, qui sont autant de chapitres d'un même roman que des nouvelles séparées : une prof demande à ses élèves d'écrire une dissertation sur l'amour, et en quelque sorte, on se retrouve à lire les copies ;-)
Alors je dirai que ce n'est pas très original (pour une lectrice de 40 ans comme moi), que les thèmes abordés étaient courus d'avance (les risques de l'amour sans capote, la sexualité, l'homosexualité, le modèle parental...) et que donc, c'est un super bouquin pour une lecteur de 14-15 ans, d'abord parce qu'il est très accessible (court, très découpé, donc même pour un gamin qui lit pas très bien ça le fait), que c'est parfois un peu cru et qu'on n'hésite pas à parler de longueur de teub, de queue, mais jamais ave vulgarité, juste parce que c'est le parler des jeunes et que pour être entendu, lu, compris, pour que le message passe (= chacun se dessine l'amour qu'il veut mais jamais on ne doit s'arrêter de rêver), il faut être sur la même longueur d'onde (= sur les mêmes communiquants/lexique).
Donc un très sympathique bouquin, à conseiller dès la 3ème!

Des nouvelles sous la forme de témoignages de lycéens de seconde, garçons et filles, à propos de leur vision de l'amour idéal. Leur ton est juste et, pour le lecteur extérieur que j'étais, souvent plein d'humour.

Un très agréable moment de lecture pour moi.