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Critique de Apoapo


Un ami s'inspirant d'un poète célèbre, peut-être Pessoa, disait souvent qu'une conversation, surtout docte, était comme une vache : il faut la laisser paître où ça lui chante, sans lui mettre ni bornes ni cloisons.
Dans cette conversation entre deux grands auteurs, J-C. Carrière et U. Eco que de nombreuses similitudes rassemblent, le point de départ est le destin du livre à l'heure de la numérisation et de l'e-book ; mais les craintes sont vites dissipées, car "le livre, c'est comme la roue, une fois qu'on l'a inventée, on ne trouve rien de mieux." d'autant plus que "Rien n'est plus éphémère que les supports durables"...
Ainsi, à bâtons rompus, de fil en aiguille, en passant du coq à l'âne, les deux lurons bibliophiles abordent les thèmes de la mémoire confiée à l'écrit (et autres mnémotechniques de l'époque des codex chères et rares), des filtres dans la transmission du savoir - des bibliothèques incendiées à la censure - ou de leur absence sur Internet, du baroque et du pouvoir, du rôle de la bêtise, de l'imbécilité, du crétinisme (très différents, s'il vous plaît) dans ladite transmission, alors qu'un sujet s'affirme progressivement par itération apparemment stochastique : celui de la bibliophilie. Là, les compères s'en donnent à coeur joie et le lecteur partage leur émotion enfantine pour leurs incunables et leurs collections respectives, en vrai complice, même si la bibliophilie est un vice solitaire, "masturbatoire". Carrière, outre sa collection de Voyages en Perse, nous révèle celle des contes et légendes de tous pays ; Eco, plus sémiologue quand même, nous dévoile la sienne faite d'erreurs, de faux, d'hermétisme et autres folies. Ils éprouvent un gai plaisir à nous parler de leurs bonnes affaires (dont certaines dues à l'ignorance relative des vendeurs) ainsi que des affres du surpeuplement subi de leurs bibliothèques (l'espace occupé par chaque nouveau livre chez les Eco ayant un coût calculé à 40 euros, prière d'inclure un chèque de ce montant si vous songez lui offrir un ouvrage, et pas d'art, merci, ça prend trop de place !) , ainsi que de leurs phobies du feu (mais non du cambriolage !), pour terminer - âge oblige - en répondant à l'interrogation sur le destin de leurs bibliothèques post mortem.

Cit. de J-C. C. parlant du XVIIIe siècle :
"Nous pourrions presque dire que la période du plus grand rayonnement de la France est celle où elle s'est privée de poésie. [...] Au même moment l'Allemagne traversait la révolution du Sturm und Drang. Parfois je me demande s'il n'y a pas dans le pouvoir contemporain, que représentent des hommes comme Berlusconi et Sarkozy, qui se flattent en toute occasion de ne pas lire [ce dernier semble s'être repenti de l'avoir laissé croire...], une certaine nostalgie de ce temps-là, où les voix insolentes s'étaient tues, où le pouvoir n'était que prosaïque." (p. 108)
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