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EAN : 9782845900318
112 pages
Arfuyen (16/10/2003)
3.5/5   2 notes
Résumé :
C`est le privilège d`un écrivain aussi subtil que Michael Edwards, fin connaisseur des deux littératures anglaise et française et, précisément, titulaire de la chaire européenne de littérature comparée au Collège de France, que de parvenir à nous faire sentir absolument les exigences différentes de cette double fidélité, à deux langues si proches et si différentes.
Rien de mieux cependant que de donner à entendre ici un exemple de ce double chant.

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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique

N°656– Juillet 2013.
RIVAGE MOBILE – Michael Edwards - Arfuyen.

C'est un cas bien intéressant que celui-là puisque l'auteur écrit des poèmes directement en anglais et les traduit en français. Ce recueil est donc une édition bilingue. Cette « opération » n'est, en elle-même pas banale mais, sous la plume de l'auteur, c'est moins une traduction qu'une véritable recréation [« A travailler le poème français, à observer sa façon autre de faire résonner et de changer le moi, le monde, je suis venu aussi, parfois, à modifier ou à récrire entièrement le poème anglais » confesse-t-il]. On a beaucoup associé le mot « trahison » au mot « traduction » surtout quand ce travail est effectué par un tiers, si complice soit-il avec l'auteur. Dans la traduction, non seulement les mots se dérobent parfois, leur sens prend des chemins détournés, mais la personnalité et celle de son traducteur sont nécessairement différentes, les sensibilités parfois éloignées... Effectivement les langues sont dissemblables mais aussi les règles de prosodies ne sont pas les mêmes. Ici, tout cela n'existe pas puisque Michael Edwards écrit en français sous la forme libre et prend prétexte d'un des poèmes qu'il a personnellement écrit en anglais, sa langue maternelle, pour le repenser et et le récrire en français. C'est ainsi par exemple que le texte intitulé « Gravestone », p66-67, exprimé en anglais avec une grande économie de mots, une remarquable concision, donne en français « Pierre tombale », un poème beaucoup plus long, plus poétique, une vrai réflexion sur la mort, sur la condition humaine, une occasion aussi de « jouer » sur les mots (Humour, Humus, Humble). Dans ce recueil on mesure plus aisément les avantages de cette double culture de l'auteur.

Dès lors, les mots prennent un sens nouveau, différent, enrichi peut-être, paradoxale parfois en passant d'une langue à l'autre[ dans le poème « On meaning », « du sens » en français »], le tilleul anglais devient le platane plus dans le décor français, le message a une autre ampleur, le texte une autre dimension, le rythme un autre balancement à cause des allitérations et de l'enjambement. N'oublions pas que la langue anglaise est accentuée et que le français l'est beaucoup moins ce qui se traduit pas une musique forcément transformée. C'est d'autant plus sensible quand le lecteur lit à haute voix ces textes dans les deux versions, ce qui n'est pas sans instiller une sorte d'étrangeté due sans doute aux techniques poétiques différentes ou à un univers pourtant familier mais finalement dessiné autrement [le poème, « Lines », p76-77 qui en français est traduit par « Du vers », me semble à ce propos significatif ].

Un simple déménagement devient sous sa plume une maison qui bouge [« Moving house » p 8 et suivantes], comme les êtres, avec à la fois l'idée du vide, du changement, de la transition, l'image de la vanité des choses humaines, le parallèle avec les êtres qui l'ont habitée. A travers les mots, il y a un hymne à l'instant, à la fois fugace, unique et perpétuellement reproduit [« La mer par la force électrique du clair de lune frissonne... le phare folle girouette du rivage ferme les yeux...Les oiseaux illuminés de la ville vont leur cage, et dresse la carte des longues courbes de la terre sous un soleil qui tourne le monde dans sa tête »p.23] , une vision éphémère et porteuse d'émotion et d'amour [« Des murmures descendent sur ton livre ouvert par une odeur de pomme...Le jardin respire le vent caresse tes feuilles, ta robe »p.63]. Je ne puis m'empêcher de faire le rapprochement avec « Le bonheur d'être ici », thème qui est cher à l'auteur. Il l'habite par le spectacle du réel et c'est pour lui l'invitation à un moment d'exception dont il faut jouir simplement. Écouter, voir, maintenir tous ses sens en éveil pour la richesse de l'instant et la célébration de la vie dans ce qu'elle a d'éphémère et d'éternel. [« La pierre et la jeune fille »p.33], telle est sans doute la leçon de ces poèmes.

Le texte poétique, sans doute plus que celui écrit en prose, se prête davantage à l'interprétation personnelle, s'ouvre à la sensibilité intime du lecteur, laisse libre cours à son imagination.[« Nous entendions une autre voix qui n'était pas la votre seulement mais le son humain, votre voix véritable, arrivant vers nous d'un monde plus lointain. » in « The voice » p.68-69]. Si nous y prêtons attention, les mots se chargent de sens pour célébrer simplement la pierre, l'eau, les feuilles, le vent, la lumière parce que tout cela vit en eux et par eux.

Nous sommes au quotidien entourés d'images parfois agressives et de paroles « orales » qui ne le sont pas moins. Pour ma part, je suis toujours étonné par l'univers des mots écrits, apaisants et ouverts à l'interprétation personnelle que sont les poèmes. Un recueil de ces textes peut paraître anachronique, voire inutile dans cette société tournée vers le rendement, l'efficacité entendue sur le seul plan économique, il n'en est pas moins, à mes yeux, un moment d'exception, un jalon, l'occasion de voir le monde autrement.

La lecture attentive de cette poésie a été pour moi l'occasion de renouer avec ce qui a été la raison d'être initiale de cette revue.



© Hervé GAUTIER - Juillet 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com










































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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Le clair du seuil
6

Tes yeux couleur de terre
Mes yeux, soleil et ciel
Reflets à mi-chemin
Le monde ayant cessé.

Ni toi ni moi n'existe
Mais nous serons un jour :
Sommes ailleurs, ici
Mystère au fond du qui.

En l'autre nous voyons
La voie au loin où le
Possible nous appelle :

Un corps pour la demeure
Prochaine et qui attend
Dans l'âme sa prison.
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La mer par la force électrique du clair de lune frissonne... Le phare folle girouette du rivage ferme les yeux...Les oiseaux illuminés de la ville vont leur cage, et dresse la carte des longues courbes de la terre sous un soleil qui tourne le monde dans sa tête 
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Videos de Michaël Edwards (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Michaël Edwards
Leçon inaugurale de Michael Edwards prononcée le 07 décembre 2000. Michael Edwards est professeur invité sur la Chaire européenne (2000-2001).
Texte intégral de la leçon inaugurale : https://www.college-de-france.fr/media/michael-edwards/UPL23687958405001965_UPL15821_LIEdwards_1.pdf
Retrouvez ses enseignements : https://www.college-de-france.fr/site/michael-edwards
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