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Quarante-deux (Éditeur scientifique)
EAN : 9782843440946
640 pages
Le Bélial' (13/11/2009)
4.07/5   82 notes
Résumé :
Le Mot de l'éditeur : Océanique

« Il devait venir ici pour être rendu à la chair. »
Un match de football quantique pratiqué par des joueurs âgés de plusieurs millénaires.
Des mathématiques en guise d’arme de destruction massive dans une guerre interunivers.
Le premier voyage de l’homme vers les étoiles, bien après l’Âge de Chair, en pleine ère transhumaine. L’amour négocié par le biais des nanomachines.
Des jingles publicit... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Je crois, de toute ma vie de lectrice, n'avoir jamais rien lu qui bousculât à ce point mes schémas mentaux et mon système de représentation du monde. Je sors à la fois complètement subjuguée, infiniment reconnaissante et très chamboulée de la lecture d'Océanique, le troisième recueil de l'intégrale raisonnée des nouvelles de Greg Egan.
Patrick Modiano dans son discours de réception du prix Nobel de littérature, disait de l'acte d'écrire :
« C'est un peu comme d'être au volant d'une voiture, la nuit, en hiver et rouler sur le verglas sans aucune visibilité. »
Eh bien, je dirais qu'entrer dans l'oeuvre de Greg Egan produit le même effet. Je réalise aujourd'hui que lors de ma précédente lecture, celle d'Axiomatique, qui constituait pour moi une découverte, ma toute première entrée dans cet univers fascinant, déstabilisant, à la fois merveilleusement poétique et terriblement hard-science, j'étais un peu crispée sur le volant. Peut-être que j'avais peur de ne pas parvenir à sortir du brouillard, peur de ne rien comprendre au soubassement mathématique de la plupart de ses nouvelles, peur de perdre pied ? Je ne sais pas. Ce que je sais, c'est que cette fois-ci, en dépit d'un démarrage compliqué avec une partie de match de foot quantique à laquelle je n'ai à peu près rien compris, je me suis sentie d'emblée en totale confiance. Je savais, pour l'avoir expérimenté la fois précédente, que je pouvais faire confiance à Greg Egan pour me guider, je savais qu'il sèmerait des indices sur ma route, autant de petits cailloux qu'il me suffirait de suivre, à condition d'être extrêmement attentive, pour accéder à la lumière, ou du moins, à défaut de lumière, à une forme de compréhension gratifiante et féconde. Et puis, j'avais pour m'accompagner mon ami Bernard (@Berni_29), pas vraiment un familier de la SF, encore moins de la hard-SF (!), et je me sentais investie d'une sorte de mission à son égard : faire en sorte qu'il ne se perde pas (et moi non plus) dans les méandres de la pensée eganienne.

Et quelle pensée ! S'interrogeant sans répit sur l'essence de l'humanité, Greg Egan nous place face à des choix, des dilemmes moraux qui pourraient bien être les nôtres d'ici peu. En nous immergeant dans des situations paradoxales et complexes, il nous pousse à nous poser des questions cruciales en se gardant bien de leur apporter des réponses définitives.
À partir de quel moment cesse-t-on d'être un humain et devient-on une machine? Cette question a l'air simple en apparence mais en apparence seulement. Imaginez qu'on substitue à votre rein, foie ou coeur défaillant un rein, foie ou coeur artificiel, cesserez-vous pour autant d'être un humain? Bien sûr que non. Supposez que vous êtes atteint de surdité profonde et que le seul moyen pour entendre de nouveau est un implant cochléaire logé dans votre crâne. Rien de plus légitime, penserez-vous. Imaginez à présent que vous choisissez de vous faire installer un implant qui augmente vos capacités cognitives ou qui induit des émotions, des ressentis auxquels vous n'accèderiez pas sans lui (« LAMA »). Déjà plus contestable, penseront certains d'entre vous, surtout quand un nombre croissant de parents essaient d'obtenir de la cour suprême l'autorisation d'en doter leurs nouveaux-nés. À présent, supposez que votre cerveau organique peut être reproduit à l'identique dans un processeur, le Cristal, et que, le moment venu, vous choisissiez qu'on transplante ce dernier dans votre crâne en lieu et place de votre cerveau d'origine. Êtes-vous toujours un humain, ou êtes-vous devenu une machine ?
Imaginez qu'on soit capable d'induire, à partir de l'ADN humain, des logiciels extrêmement sophistiqués fonctionnant comme un cerveau, capables d'auto-apprentissage. Vous placez l'un de ces logiciels dans un corps ressemblant à s'y méprendre à un corps humain. Vous avez devant vous une iada, une intelligence artificielle au développement autonome (« Singleton »). Elle s'appelle Helen, ses parents, un couple de mathématiciens, l'ont adoptée tout bébé parce qu'ils ne parvenaient pas à faire d'enfant, ils l'aiment passionnément, elle apprend par l'expérience comme tout enfant humain, interagit avec son environnement comme tout enfant humain, bref elle est absolument indiscernable d'un enfant humain… maintenant allez leur expliquer si le coeur vous en dit qu'Helen est une monstruosité parce qu'elle n'est pas humaine, parce qu'elle n'a pas d'âme.
D'ailleurs, qu'est-ce que l'âme, qu'est-ce que la conscience? La conscience nécessite-t-elle de vrais neurotransmetteurs traversant des synapses entre neurones réels ou n'est-elle que pur traitement de l'information ? du reste, nous dit Greg Egan, il est impossible de trancher ce débat. La seule issue au problème, à supposer qu'il y en ait une, serait d'être soi-même une I.A ou un Cristal. Alors, il se place et nous place dans la « tête » d'Helen, l'iada, dans celle de divers transhumains dotés d'un cerveau numérisé hérité de leur ancêtre humain, logé dans un corps pouvant prendre les formes les plus diverses (« Gardes-frontières », « Les tapis de Wang »). Il nous immerge dans la « tête » de Paul, la Copie numérisée de l'humain Paul Durham (« Poussière »). L'humanité n'a pas, dans cette nouvelle, atteint la technologie du Cristal et il faut se contenter d'être un cerveau sans corps évoluant dans une réalité virtuelle imitant (presque) parfaitement la réalité. On se croirait dans Ubik de Philip K. Dick : la réalité est mouvante, floue, instable, insaisissable, le sol se dérobe sous nos pieds, c'est un véritable cauchemar.

Vous me direz, mais pourquoi les humains s'acharnent-ils (ou se sont-ils acharnés par le passé) à fabriquer des cerveaux artificiels? Pourquoi? Pour devenir immortels, répond Greg Egan. L'immortalité est le graal auquel l'humanité n'est pas près de renoncer. Qu'elle soit déjà advenue (« Garde-frontières », « Les tapis de Wang ») ou en devenir (« Le Réserviste », « Poussière », « Singleton »), elle traverse toute l'oeuvre. Dans certaines nouvelles, elle a amené, combinée à la conquête de nouveaux territoires inter-sidéraux, la paix, la fin des guerres, des violences et des souffrances. Dans d'autres, elle passe par des moyens si effroyables qu'il est difficile de ne pas se sentir révulsé par cette perspective.
Car si Greg Egan évite de prendre parti et de nous assener ses points de vue, préférant faire appel à notre intelligence plutôt qu'à nos tripes, il y a indéniablement pour lui une limite à ne pas dépasser, celle de ne jamais transformer un être vivant en chose. Que ce soient des clones au cortex atrophiés (« le Réserviste ») dressés dans l'optique de fournir des organes ou un corps sain à leur propriétaire vieillissant, que ce soit une iada (« Singleton ») élevée avec amour par ses parents mais conspuée, maltraitée par les bigots et les fanatiques, que ce soit un réfugié fuyant les guerres et les massacres (« Le Continent perdu ») enfermé dans un camp, traité comme un parasite par le pays où il a trouvé refuge, tout être a droit au respect, tout être est une fin en soi et ne doit jamais, sous aucun prétexte, être traité comme un moyen.
Et si Greg Egan pousse très loin le réalisme de certaines scènes au risque de choquer, il ne verse jamais dans le cynisme. C'est tout le contraire. Conspuant le cynisme, le fanatisme et l'hypocrisie, il se tient aux côtés des faibles et des opprimés dans la vie comme dans ses livres.


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« le vrai monde est plus riche, plus étrange et plus beau que tout ce qui a pu être imaginé. »

Je vous écris de la planète Orphée, à quelques milliers d'années-lumière de vous. Dans cette distance qui n'est pas si éloignée de vous finalement, il m'arrive parfois de me souvenir d'une lecture qui m'avait marqué il y a de cela dix-huit mille ans. Je me souviens de cette lecture commune menée dans un moment jubilatoire avec une certaine Anna (@AnnaCan) à laquelle je continue de penser souvent.
Ce livre s'appelle Océanique, c'est un recueil de treize nouvelles écrites par un certain Greg Egan, écrivain australien, spécialisé en science-fiction...
À l'époque, j'avais lu ce livre sur un étrange format qu'on appelait papier. Je me souviens de l'avoir emprunté à ma médiathèque préférée et il pesait son poids dans mon bagage en retournant chez moi. Il m'aurait presque fallu une brouette pour contenir tous les livres que je ramenais à chaque fois. Je viens de le relire en format numérique avant de poser ces quelques mots. Cela m'a pris exactement trois nanosecondes, je pourrais même être plus précis, mais cela ne vous parlera pas.
Trois nanosecondes, me direz-vous ? Oui, je vous avoue avoir un peu traîné en chemin. Cela tient à plusieurs choses. Tout d'abord le livre est volumineux, il n'empêche que pour un lecteur doté désormais d'une intelligence artificielle, cela n'est plus un souci. Cependant, le texte nécessite parfois de revenir en arrière sur certains passages, pour mieux les comprendre, ce ne sont pas les détails scientifiques qui m'ont freiné ici, ces choses-là me sont désormais très familières. Non, ce qui m'a fait revenir sur certains passages, ce sont des éléments incompréhensibles à mon niveau d'intelligence artificielle, des choses qui tiennent à un monde ancien et qui me reviennent comme un écho, pour tout vous dire ce sont des choses qui convoquent les émotions. Oui, des émotions et je dois vous avouer que j'en suis désormais totalement démuni comme tous les transhumains de mon genre, quoiqu'il m'arrive encore d'en ressentir exceptionnellement, par erreur ou par errance, ou lorsque je me connecte clandestinement à ce programme étrange qui permet de revivre les émotions que ressentaient les humains il y a dix-huit mille ans. Cependant il ne faut pas le faire trop souvent, c'est comme une drogue, il y a toujours le risque de l'addiction et d'être tenté de replonger, je voudrais vous en parler un peu plus loin...
Je vous écris à quelques années-lumière de vous pour vous dire que ce livre m'avait touché lorsque je l'ai lu pour la première fois. J'ai découvert alors un auteur qui écrivait ce qui nous est arrivé aujourd'hui. Pas tout à fait, mais presque... Il n'avait seulement pas imaginé le plus horrible à venir. Il en avait juste esquissé les contours. Comment cet homme, un écrivain du XXIème siècle a-t-il pu trouver l'exigence et l'acuité d'écrire cela ? Et la dérision aussi...
Je vous écris d'où je suis et je ne suis pas sûr d'être entendu aujourd'hui.
Lorsqu'Anna m'invita à lire ce livre en sa compagnie, elle connaissait mes craintes pour la littérature de science-fiction. Qui plus est, ce livre est injustement qualifié de Hard SF et rien que le qualificatif pourrait déjà rebuter à jamais les plus novices d'entre nous.
Je me souviens que ce livre fut un vertige quasi permanent tout au long de ma lecture, comme lorsque je me penche vers les constellations qui embrassent le paysage d'ici. Je me suis perdu dans ses fractales, dans ses mondes infinis et multiples, dans ses océans sidéraux, dans ses agencements de poussière...
Aussi, il m'est apparu important de vous partager mon ressenti, celui du novice que j'étais alors lorsqu'Anna est venue me chercher il y a dix-huit mille ans pour me faire sortir avec enthousiasme de ma zone de confort... Je la remercie pour sa bienveillance et la finesse de son regard.
Ce que Greg Egan imagine lorsqu'il écrit ces nouvelles est de l'ordre du pensable, de l'imaginable. Ce qu'il imaginait, certaines choses sont survenu qu'on n'imaginait pas. Je vous le confirme à des milliers d'années-lumière de vous.
Certes, je ne vous cacherai pas qu'il est question ici de théories scientifiques, de physique quantique, de discontinuités mathématiques, de mondes infinis non dénombrables et autres multivers...
D'ailleurs la première nouvelle, Gardes-frontières, démarre sur un match de football quantique. Vous imaginez Thierry Roland commenter un match de football quantique ?
Mais il n'est pas nécessaire de disposer d'un doctorat en mathématiques, ni en physique quantique, pour saisir le propos et aimer ce livre, je vous rassure. On rentre dans les idées par la rencontre des personnages, ce qui leur arrive et c'est suffisamment étonnant pour donner envie de continuer la lecture...
Greg Egan porte un regard généreux sur le monde. Dans chacune des histoires, il nous situe à hauteur des personnages qu'il met en scène.
Et si Greg Egan ne parlait ici que d'humanité et d'immortalité ? Chacune de ces histoires pourraient être vue comme un angle d'approche différent sur le sujet. Et ce qui couture l'ensemble comme un collier de perles quantiques est une quête éperdue de sens dans l'odyssée humaine, oscillant entre deux versants qui s'opposent et se parlent à jamais, celui du déterminisme et celui du libre-arbitre.
Allez, allez ! Je calme vos ardeurs, vous les aficionados de la SF. J'oserais bien vous dire qu'Océanique est un prétexte scientifique pour parler de libre-arbitre, de l'âme humaine, de notre rapport à autrui, de notre rapport au monde, une SF incroyablement humaniste, métaphysique, philosophique, anthropologique.
L'humanisme, le sens d'être humain, le sens d'exister en tant que personne, la réflexion sur la conscience, sur la condition humaine... Voilà ! Tous ces thèmes sont ici abordés par Greg Egan, visités, dépliés, décortiqués, livrés dans une façon de dire et d'imaginer cela plus tard, après nous.
La force narrative tient à cette générosité, à cette empathie envers les personnages pour lesquels il nous invite à nous mettre à la place de chacun d'eux, qu'ils soient cyniques, désabusés ou touchants.
Je fus Margit dans la nouvelle Gardes-frontières, dont le rêve d'immortalité était de survivre aux blessures infligées par la barbarie humaine. Je fus Paul Durham, dans la nouvelle Poussière, évoluant entre réalité et virtualité, questionnant l'essence même de l'humanité. Je fus le cynique Daniel Gray dans la nouvelle le Réserviste, narguant sa sinistre collection de clones de beaux gosses. Je fus Daniel dans la nouvelle au titre éponyme, jeune héros océanien questionnant avec jubilation l'origine du sentiment religieux à l'aune des pouvoirs facétieux de la chimie. Je fus la touchante Helen dans la nouvelle Singleton, cette enfant IA adoptée qui m'a tellement touché par la part d'elle qui ressemble tant à l'âme humaine. Je fus Robert Stoney dans la nouvelle Oracle, une version alternative du génial mathématicien inventeur de l'ordinateur, Alan Turning au destin tragique. Je fus Ali dans la nouvelle le Continent perdu, ce réfugié afghan, s'expatriant dans le temps et l'espace et évoquant une vision humaniste de l'immigration.
D'ailleurs moi-même à l'heure où je vous écris, suis-je l'original ou la copie de ce que je fus, de ce que je suis, de ce que je serai, réellement ? Je n'en sais rien et cela devient génial.
Dans chaque nouvelle, Greg Egan sublime avec beaucoup de force et de délicatesse la différence en la projetant dans une poésie futuriste inouïe. Qui plus est, offrant la part belle aux personnages féminins qui sont loin d'être cantonnés au second rôle, Greg Egan nous invite à une littérature inspirante, faite aussi pour m'enchanter. Elles sont parfois devenues immortelles ou d'autres fois simples mortelles elles se rebellent, voulant à toutes forces être actrices de leur destin.
L'intelligence artificielle nous a permis de supprimer les guerres, les souffrances, les maladies, tous les malheurs du monde. Nous savons désormais revenir en arrière, même si nous avons échoué à savoir effacer certaines horreurs comme Auschwitz ou Hiroshima...
L'immortalité pour ne plus être confronté à la mort des autres...
L'immortalité, est-ce s'aimer pour toujours, comme l'espère Kate dans la nouvelle Fidélité ?
Nous rêvions d'immortalité et nous l'avons trouvée, mais à quel prix ?
Y a-t-il chez Greg Egan une forme de désenchantement partant du constat que le monde qu'il observe est déjà un monde à la dérive ?
Il y a chez cet écrivain une lucidité et un talent incroyable pour savoir se saisir de toutes les extrémités du temps, d'en étirer son élasticité, une capacité à penser le futur, non pas en transposant sottement des éléments du présent dans le futur mais en les faisant vivre à la manière d'un futur imaginé et augmenté.
En regardant notre monde d'aujourd'hui, parfois je me penche sur le monde d'avant. Je vous avoue n'y avoir pas pensé avant de me confronter à l'écriture de cette chronique.
Je me souviens des premières fois. La beauté fragile et maladroite des premières fois, la magie des premières fois. L'étonnement, les malentendus, le hasard, le ralenti des instants, le risque de perdre pied, l'intensité et le sel des commencements... D'où vient cette étrange beauté née peut-être du simple hasard ?
Jamais la performance de l'intelligence artificielle ne saura reproduire ces instants. Helen dans la nouvelle Singleton a soif de ces instants.
Je me souviens de celui qui venait avec sa brouette remplie de livres dans une école raconter des histoires primesautières et facétieuses aux enfants d'une classe de CE2...
Tout ceci est peut-être perdu à jamais.
Est-ce qu'on est aux limites des possibles ? Est-ce ici le pire qui puisse jamais arriver ? À quel moment avons-nous décidé que nos enfants organiques deviendraient des IA ?
Dans chacune des treize nouvelles du recueil, Greg Egan procède à l'introduction d'une donnée qui peut tout changer, le grain de sable, dans un futur où tout est écrit, quel est notre libre-arbitre, ce qui nous reste comme part d'incertitude... ?
Parfois certaines de ces nouvelles ont un goût d'inachevé, nous laissant comme au bord du vide, sans réponses. Greg Egan nous dit ce qu'il voit, sans nous donner de leçons, nous projette un monde futuriste qui est devenu présent dans la réalité des personnages et c'est alors qu'il s'efface, nous laissant seul devant cette béance, seul devant l'immensité de ce futur devenu possible, c'est à nous désormais de dresser le constat et de façonner notre propre jugement.
Bien sûr je me suis parfois cassé les dents, - quelle drôle d'expression devenue désuète, sur une SF très fondée scientifiquement et qui peut s'apparenter à des expériences de pensées philosophiques, c'est une SF exigeante, c'est aussi une SF follement humaniste, philosophique à souhait, mais qui ne peut pas laisser indifférent...
Mais en évoquant les sciences, les théorèmes et les axiomes, le pouvoir des mathématiques, Greg Egan déploie avec virtuosité une imagination surprenante qui ne parle de rien d'autre que de nous.
Vous l'aurez compris, Océanique est composée de nouvelles vertigineuses, belles et philosophiquement stimulantes. Et ce fut pour moi une lecture pas si hard que ça !
Parfois avec Anna, nous continuons de correspondre à travers les galaxies qui nous séparent et qui nous relient et ce, depuis dix-huit mille ans, devisant avec joie sur l'humanité.
Allez, à présent ! je vais déconnecter mon disque dur, ce soir j'ai besoin de faire entrer en moi un peu d'émotions...

« Il n'est rien de si précieux que ce temps de notre vie, cette matinée infinitésimale, cette fine pointe imperceptible dans le firmament de l'éternité, ce minuscule printemps qui ne sera qu'une fois, et puis jamais plus. » Vladimir Jankélévitch, le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien.
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De la hard-science-fiction à la sauce Greg Egan c'est toujours plus hard…c'est du lourd qu'il faut savoir appréhender comme un col « hors catégorie » du Tour de France. Il faut prendre son élan avec une bonne dose de courage et beaucoup de patience dans les faux plats et tout donner pour attaquer les pentes à 12 %, sans oublier de s'arrêter de temps en temps pour reprendre sa respiration. Même si ça peut aider, il n'est pas nécessaire d'avoir fait des études scientifiques pour se mesurer à Greg Egan (quoique). J'avoue avoir été largué de temps en temps dans certains raidillons mais n'est pas Bernard Hinault qui veut…c'est vrai que la physique quantique peut en rebuter plus d'un, sans vous parler des mystères de son intrication. Et là, j'en vois déjà certains au fond de la classe qui ne nous suivent pas ou plus.

640 pages d'écriture nette et précise, dans un style acéré et tranchant, Greg Egan se montre plus comme un sculpteur de la littérature qu'un doux peintre des lettres. Il manie plus le burin que le pinceau. C'est bien écrit et heureusement car chez cet auteur l'exigence scientifique se retrouve souvent à toutes les pages. Si on se perd dans ses approches théoriques, on se retrouve dans ses histoires qui savent être intéressantes, voire captivantes. Ses personnages n'ont pas toujours la profondeur humaine qu'ils méritent mais ils le sont suffisamment pour qu'on s'y attache. Les quinze nouvelles qui composent le recueil Océanique se laissent parcourir et c'est déjà bien pour ce style de littérature.

Intelligence artificielle, voyage dans le temps, thérapie génique, biotechnologie, univers quantique Greg Egan nous fait voyager dans tous les domaines des avancées scientifiques actuelles. Il nous tire par la main et nous entraîne sèchement et sans ménagement, dans des réflexions métaphysiques sur des questions technologiques qui nous échappent souvent. La force de Greg Egan n'est pas dans les hypothèses scientifiques mais dans les conséquences de la réalisation de celles-ci. Dans ses nouvelles, il nous projette dans des mondes hyper futuristes où l'on peut élever son IA chez soi comme un enfant adopté, où les immigrants et autres refugiés politiques du passé viennent chercher asile dans le futur et où les implants neuronaux se sniffent comme on peut avaler des gélules gastro- résistantes.

Je remercie les éditions le Bélial et Nicolas de Babelio pour m'avoir fait découvrir Greg Egan. Pas encore très connu en France à l'inverse d'un Stephen Baxter, il a le mérite d'avoir une originalité et une singularité nouvelle qui surprend et interpelle à la première lecture. Passé l'écueil du côté scientifique assez hard qui peut heurter le commun des mortels, les nombreuses réflexions philosophiques qu'il sait nous proposer en font un auteur qui sort des sentiers battus et qui ne laisse pas indifférent. Il me donne l'envie pour ma part de poursuivre l'expérience d'une nouvelle lecture en sa compagnie.

« Les matérialistes, voyez-vous, prétendent que nous ne sommes tous que des ensembles d'atomes sans finalité, qui se heurtent au hasard. Tout ce que nous faisons, tout ce que nous ressentons, tout ce que nous disons se résume à une séquence d'événements quelconque qui pourrait aussi bien être une rotation d'engrenages ou l'ouverture et la fermeture de relais électriques ».
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Océanique est le plus récent des recueils de Greg Egan, en français en tout cas (et ce n'est vraiment pas un auteur que j'essaierais à lire en langue seconde).

La nouvelle la plus récente date d'environ 2006. Puis, Egan a pris presque 10 ans de pause pour s'occuper des réfugiés en Australie et à combattre la montée du fascisme. Il recommence tranquillement à republier.

Bref, ce recueil m'a beaucoup frappé. C'est vraiment de la Hard SF, dans sa forme la plus distillée. Sauf que, contrairement aux ténors du genre, Egan approche les sciences sociales et la philosophie avec autant de considérations que les sciences naturelles ou les mathématiques.

On n'y trouve pas, d'ailleurs, les défauts de ses oeuvres précédentes. Les thèmes et intrigues sont diversifiés. Les personnages solides et le worldbuiding est incroyable.

On y trouve sa plus célèbre nouvelle : celle du match de Foot quantique.
Une nouvelle explore les limites hardware du téléversement de l'esprit.
Une autre est une modernisation étrange mais excellente de Solaris.

Mais ma préférée est une novella queer, façon Ursula le Guin. Elle décrit une société dans laquelle les gens échangent leur sexe (anatomiquement) à chaque relation sexuelle. On y suit l'histoire d'un garçon de "campagne", très religieux, qui perd sa virginité, seulement pour apprendre que la fille en question n'est pas amoureuse de lui. Ses valeurs lui imposent donc qu'il devrait recoucher avec elle pour récupérer son sexe d'origine. Mais les gens de la ville, dans valoir, ont pour la plupart perdu la trace de leur sexe d'origine depuis longtemps. (Et ça, c'est juste une petite partie de l'histoire.)
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Il y a plusieurs années je lisais beaucoup plus de fantasy et moins de science-fiction. J'étais aussi persuadée qu'une partie de la SF n'était pas pour moi par manque de connaissances scientifiques principalement. Puis j'ai commencé à m'intéresser à la collection Une heure lumière et je me suis dit qu'en fait j'aimais bien découvrir de nouveaux textes, apprendre de nouvelles choses et me poser plein de question en rapport avec la science. Mes lectures ont évolué au fil des mois, et puis l'année dernière j'ai eu le bonheur de lire Axiomatique de Greg Egan. J'en ai pris plein les yeux, complétement scotchée par le nombre d'idées dans chacun de ses textes.

Les éditions le Bélial' continue de rééditer les recueils de nouvelles de l'auteur australien qui étaient épuisés. Cette année parait Océanique, troisième volume de l'intégrale raisonnée des nouvelles de la collection « Quarante-Deux ». le recueil réunit 13 textes assez longs, et a obtenu le Grand Prix de l'Imaginaire 2010 catégorie « Meilleur recueil étranger ». La nouvelle éponyme a remporté les Prix Hugo, Asimov's et Locus 1999. L'illustration de couverture est de Nicolas Fructus et le livre a le même rendu au toucher que le précédent. En deux mots, cette réédition est un incontournable pour tout lecteur d'imaginaire. En plusieurs, voilà le détail des différentes nouvelles:

Gardes-frontières: au cas où vous vous êtes demandés si on ne s'ennuyait pas en étant immortel, Greg Egan a la réponse. Les êtres ayant la vie immortelle grâce à la technologie font des matchs de football quantique, sport dont l'auteur a mis les règles à disposition sur son site. le texte parle aussi de la sauvegarde de la mémoire quand on vit autant d'années.

Les Entiers sombres: une nouvelle au thème intéressant mais un peu complexe. Les mathématiques sont utilisées comme arme de guerre dans des mondes invisibles. le texte est lié à la nouvelle Radieux (parue dans u autre recueil) que je n'ai pas encore lu.

Mortelles ritournelles : une nouvelle plus courte, mais vraiment excellente, avec un peu d'humour. Greg Egan y aborde les méfaits de la publicité à travers l'histoire d'un commercial travaillant dans la publicité qui va entendre des airs conçus spécialement pour rester en tête. L'histoire est prenante et reste à l'esprit longtemps, un peu comme une ritournelle » à la volette ».

Le réserviste: dans un futur plus ou moins proche, le clonage est possible pour des raisons de santé. On peut garder des clones comme réserve pour changer des organes en cas de besoin. On peut ainsi vivre en parfaite santé de longues années, enfin du moment que l'on a l'argent pour bien entendu. Puis un jour, le personnage se dit pourquoi pas essayer de transplanter son cerveau dans le corps d'un clone jeune? Une nouvelle assez cynique mais réaliste sur l'humanité.

Poussière : ce texte est le premier chapitre de la Cité des permutants. Un texte intéressant mais un peu difficile à suivre. le héros créé des copies numériques de lui-même. Ces doubles numériques sont prisonniers des systèmes, ce qui entraine des réflexions sur la conscience et sur l'intelligence artificielle.

Les tapis de Wang : dans le futur, le clonage est possible ce qui permet d'aller dans l'espace à la recherche d'une autre forme de vie. Une découverte inattendue va entrainer tout un lot de réflexions.

Océanique: un très beau texte sur la question de la foi, un sujet pas évident mais très bien traité. Des humains sont exilés sur un nouveau monde et divisés en communautés. le texte suit un jeune homme qui appartient aux océaniques, une communauté vivant sur des navires. Il va avoir la foi suite à une noyade. Cette foi va guider une partie de sa vie et de ses décisions jusqu'à ce que des analyses soient pratiquées sur l'eau. La nouvelle est tout en finesse, on suit le parcours de ce jeune homme tout en comprenant ses questionnements.

Fidélité: le texte suit un couple dont la femme est inquiète pour l'avenir. Elle a peur que les sentiments de son mari changent et s'interroge sur une technologie qui permette de figer les sentiments que l'on ressent à un moment pour qu'ils restent les mêmes toute la vie. A partir d'une histoire assez simple, le texte entraine sont lot de questions sur la vie à 2, sur les sentiments que l'on peut ressentir, l'emprise de la technologie face aux émotions.

Lama: un texte original qui mêle plusieurs thèmes avec une enquête policière menée par une détective privée. Celle-ci est engagée par une femme pour trouver le meurtrier de sa mère. Cette dame avait une puce de technologie « lama » liée au langage, et a été retrouvée morte chez elle visiblement d'un infarctus. Cette affaire pourrait avoir des retombées importantes au niveau politique. Les questionnements sur le langage sont passionnants.

Yeyuka: une technologie a été mise au point : grâce à un simple anneau passé au doigt on peut savoir si la personne qui le porte a des prémices de maladie et les soigner. Mais si cette technique est répandue dans les pays riches, ce n'est pas le cas dans les pays pauvres. En Afrique, un nouveau virus s'est développé, le « yeyuka », qui fait se développer des cellules cancéreuses. Un chirurgien part en Afrique pour opérer des cancers, chose qu'il ne peut plus faire dans son pays où il n'y en a plus. le texte aborde un sujet politique au travers des soins pour les plus pauvres, le rôle des compagnies pharmaceutiques et l'engagement face à la misère.

Singleton: la nouvelle suit la vie d'un homme depuis ses années étudiantes jusqu'à ses 60 ans environ. Un événement à priori banal va le faire changer, il va se mettre en couple, faire des études scientifiques et mettre au point une intelligence artificielle autonome. L'IA doit rester dans un état classique. Cette nouvelle fait penser à plusieurs épisodes de Black Mirror par certains côtés. Elle fait se poser pas mal de questions.

Oracle: ce texte est en lien avec le précédent dont il reprend un personnage. C'est mon préféré du recueil, à la fois pour le côté décalé, parfois loufoque, mais sérieux aussi. Dans le texte précédent, on parlait aussi de la multiplicité des univers. On comprend pourquoi avec l'histoire de Robert Stoney, mis en cause pour son homosexualité dans les années 50. Son personnage est inspiré d'Alan Turing, et la nouvelle se questionne sur quelle aurait été sa vie s'il ne s'était pas suicidé. Un autre personnage est inspiré par l'écrivain C.S. Lewis. J'ai trouvé ce texte touchant par les questionnements soulevés autour du personnage de Stoney, juste et très bien écrit.

Le Continent perdu : à nouveau un texte engagé qui parle du problème des réfugiés. Un jeune homme d'un pays imaginaire se retrouve réfugié dans un autre espace temps avec les difficultés que cela suppose. C'est un texte émouvant, qui ne peut que nous parler et questionner.

Ce copieux recueil de 13 nouvelles et 600 pages se déguste sans modération. Les nouvelles sont d'une richesse folle, et il faut un peu de temps entre chacune pour en assimiler le contenu, y réfléchir, essayer d'analyser les concepts scientifiques. Greg Egan a des thèmes favoris, des concepts récurrents, mais il n'a pas son pareil pour interroger notre monde sous l'impact des avancées de la science et de leurs répercutions sur l'homme. Ce recueil est véritablement étourdissant, efficace et brillant.
Lien : https://aupaysdescavetrolls...
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Le bateau montait et descendait doucement sous l’effet de la houle. Ma respiration se fit plus lente, se mit en phase avec le grincement de la coque jusqu’à ce que je ne puisse plus faire la différence entre le faible mouvement rythmique de la cabine et la sensation de remplir et de vider mes poumons. C’était comme flotter dans le noir : à chaque inspiration, je remontais légèrement ; à chaque expiration, je coulais à nouveau.
« Est-ce que tu crois en Dieu ? » dit distinctement mon frère Daniel dans la couchette au-dessus de moi.
Le sommeil se dissipa aussitôt mais je ne répondis pas immédiatement. Je n’avais pas fermé les yeux mais j’avais l’impression, dans la cabine sombre, d’une obscurité en mouvement, de flocons de lumière fantomatiques s’agitant comme un nuage d’insectes qu’on aurait dérangés.
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Cette nuit-là, alors que nous étions couchés ensemble, je n'arrivais pas à extirper l'expérience de Delft de ma tête.
" Penses-tu qu'il existe d'autres versions de nous-mêmes ? demandai-je à Francine.
- Je suppose qu'il doit bien y en avoir. " Elle admit cela comme s'il s'agissait de quelque chose d'abstrait et de métaphysique, dont la simple évocation relevait du pinaillage. Les gens qui déclaraient croire en la théorie des mondes multiples ne semblaient jamais vouloir vraiment prendre la chose au sérieux et encore moins à titre personnel.
" Et ça ne te dérange pas ?
- Non, dit-elle allégrement. Comme je n'ai aucun moyen de changer la situation, ça servirait à quoi d'en être troublée ?
-C'est très pragmatique ", dis-je. Francine tendit le bras et me donna une tape sur l'épaule. " C'était un compliment! protestai-je. Je t'envie d'avoir réussi à accepter ça si facilement.
- Ça n'est pas le cas, crois-moi, admit-elle. J'ai simplement décidé de ne pas me tracasser avec ça, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. "
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Quand le jet frais de l'anesthésique toucha sa peau, il éprouva un moment de panique absolue. Ils allaient découper son cerveau. Pas celui d'un Réserviste grognant et bavant, pas celui de quelqu'ignare des bidonvilles, mais son propre cerveau, rempli de souvenirs de grande musique, de littérature et d'art, rempli de moments de bonheur et de lucidité procurés par les meilleures drogues psychotropes, rempli d'ambitions qui, avec le temps, pourraient changer le cours de la civilisation.
Il tenta de visualiser l'une de ses toiles favorites, pour lui fournir une image sur laquelle se fixer, un souvenir qui prouverait que l'essence de Daniel Gray avait survécu à la transplantation. Ce Van Gogh qu'il avait acheté l'année dernière. Mais il ne put se rappeler son nom, encore moins ce à quoi il ressemblait. Il ferma les yeux et dériva, impuissant, dans l'obscurité.
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Elle fit glisser ses mains le long des flancs de Paolo, jusqu'à ses hanches. Ils firent l'amour avec leur corps et leur cerveau traditionnels ou presque. Lorsque son système limbique passa la surmultipliée, Paolo trouva la chose amusante au point de perdre toute concentration ; il se souvenait cependant suffisamment de ce qui s'était passé la dernière fois pour cesser de s'observer et se laisser aller à cet étrange détournement. Ce n'était pas comme faire l'amour de manière civilisée — le taux d'échange d'informations était minuscule, par exemple — mais ça avait cette qualité brute et pressante qui caractérisait la plupart des plaisirs ancestraux.
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L'espoir avait miroité, tout juste hors de portée pendant des dizaines d'années. Pratiquement aucun de ses contemporains n'avait cru que ça arriverait, alors que tout aurait dû être parfaitement clair depuis des siècles : le corps humain n'était qu'une chose matérielle. Avec le temps, avec suffisamment de connaissances et d'effort, il serait possible de le protéger contre toute détérioration, contre tout danger. L'évolution stellaire et l'entropie cosmique s'avéreraient ou non insurmontables à terme, mais il y aurait une durée incommensurable pour faire face à ces défis. Au milieu du vingt et unième siècle, les obstacles à surmonter étaient plutôt le vieillissement, la maladie, la violence et une planète surpeuplée.
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