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EAN : 9782365750202
160 pages
Marivole Editions (25/01/2013)
3.56/5   24 notes
Résumé :
En 1913, Marc Elder succédait à André Savignon au palmarès du prix Goncourt. L’île de Noirmoutier prenait, en quelque sorte, la suite de l’île d’Ouessant en tant que héros principal du roman primé...

Situé au port de l’Herbaudière, face à l’îlot du Pilier, au nord-ouest de l’île de Noirmoutier, Le Peuple de la Mer se présente en trois séquences liées (la Barque, la Femme, la Mer) ; y est mis en scène le petit peuple noirmoutrin des marins, des pêcheur... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
J'ai plutôt une histoire contrariée avec le Prix Goncourt. Quelques chefs d'oeuvre découverts mais sans avoir besoin du prix pour les connaitre (La Vie devant soi, A l'ombre des jeunes filles en fleur) hormis les Bienveillantes de Littell. Des bonnes lectures comme Alabama Song, L'Amant, La Carte et le Territoire. Des lectures plus mitigées, comme Trois femmes puissantes, L'Anomalie, le sermon sur la chute de Rome. Et une vraie déception avec Chanson Douce. Bref un palmarès contrasté, qui ressemble à un bilan global de mes lectures sans que le prix semble avoir une incidence sur les statistiques.

Il semblait logique de se diriger vers les lauréats plus anciens puisque ce furent ceux qui m'apportèrent plus de plaisir... et de tenter un auteur totalement méconnu, pour donner sa chance au prix de me guider totalement. Mon choix se porta sur Elder et son peuple de la mer, dont je n'avais jamais entendu parler.

Le livre rejoint les bonnes surprises, sans révélation transcendantale mais avec un vrai plaisir de lecteur. La peinture de ces hommes frustres, de ces iliens de Noirmoutier amoureux de la mer, d'un amour passionnel qui mélange donc la peur et le désir, est une vraie réussite. L'auteur sait adapter son style, se faire lyrique et poétique parfois mais le plus souvent bourru. Il dépeint parfaitement la violence de la plupart des rapports, mais toujours empreints de solidarité et de camaraderie. L'alcool lie les personnes tout en les poussant parfois à se battre. On se retrouve quasiment tout du long dans cette ambiguïté de rapports humains où le pire comme le meilleur peut arriver. Même si l'humour et le rire sont très présents, le drame n'est jamais loin.

Le choix du découpage en trois parties est judicieux, trois récits à la fois bien indépendants car ils se concentrent sur trois histoires distinctes, mais totalement reliés par le cadre et les personnages qui se retrouvent en fond. La méthode de narration me semble original pour l'époque même si j'ai peu de points de comparaison, ayant finalement assez peu lu de romans du début du XXème siècle. Les titres des parties (La Barque, La Femme, La Mer) résument d'ailleurs assez bien ce qui se joue dans la vie de ses hommes. Une lutte jalouse entre la Femme et la Mer qui s'arrachent ses hommes, l'une pour le garder à terre, l'autre pour l'emporter au loin. Avec la barque comme alliée de chacune, source de revenus du ménages et trait d'union avec l'amante-mer. Des récits passionnants qui nous racontent ces hommes qui ne savent se raconter que par le récit d'exploits maritimes mais qui ne transmettent jamais leurs ressentis les plus profonds.

Bilan positif donc pour cette lecture, à rapprocher d'Alabama Song en tant que livre que je n'aurais jamais eu le plaisir de découvrir sans ce prix Goncourt à la fois si prestigieux et si décrié.
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Incontestablement, Marc Elder signe là, avec "le peuple de la mer", un roman, plus qu'une peinture sociale, un bon roman mais un roman de terroir plus qu'un récit de littérature maritime.
Car à qui connaît bien les gens de mer et sa littérature de genre, il apparaît évident que Marc Elder y est hors-sol.
"Le peuple de la mer" est le premier roman d'un intellectuel, d'un homme qui, s'il semble assez bien connaître le milieu qu'il dépeint, le décrit pourtant de manière assez caricaturale et grossière.
Il en exagère les vices et les rudesses.
Il fait du Zola plus que du Pérochon.
Car certaines scènes du livre sortent tout droit d'un imaginaire populaire qui s'est ancré à tort dans une certaine littérature du genre.
Quel pêcheur irait s'en prendre à la barque d'un autre qu'il déteste sans se mettre à dos tout le village ?
Quelle bourgade se livrerait au pillage sans avoir été préalablement porter secours aux naufragés ?
Tout ceci est impensable, à l'époque où Elder situe son roman, lorsqu'on sait les risques qu'ont pris, et les sacrifices qu'ont fait certains sauveteurs en mer qui étaient bien souvent des pêcheurs eux-mêmes.
Enfin le vocabulaire et le style du livre ne sont pas ceux d'un marin, mais bien plutôt ceux d'un bon écrivain qui regarde vers la mer.
Certes, Marc Elder fait patoiser quelque peu ses personnages, ce qui ajoute à son roman quelques graines d'authenticité.
Mais ce patois est bien celui de la glaise et non du flot.
Pour autant ce roman est un bon roman, excellent même.
En 1913, après bien des hésitations et de nombreuses tractations du jury, il a emporté le prix Goncourt devant "le grand Meaulnes" d'Alain-Fournier et "Barnabooth" de Valery Larbaud.
"Le peuple de la mer" est articulé en trois scènes d'un même tableau, en trois nouvelles qui forment un roman :
Urbain Coët fait faire une barque de vingt-sept pieds dans le petit chantier naval du père Goustan où trois générations se prêtent la main et le rabot.
Une nuit, un homme a tenté de porter le feu dans la sciure de bois du chantier.
La barque sera baptisé "le dépit des envieux" ...
Jean-Baptiste Piron et Sémelin le taciturne sont gardiens de phare sur l'îlot du Pilier.
A quelques centaines de mètres de là, Gaud et sa femme est "épanouie au grand vent comme une algue en pleine eau".
Et la tête de Jean-Baptiste n'est pas aussi solide que son sang est bouillant.
Le drame passionnel guette ce petit coin de côte déchirée ...
Dominique-Augustin Bernard, ancien brigadier des douanes, vient de prendre sa retraite.
Il ne demande qu'à finir sa vie tranquillement entre sa petite maison et son potager.
Mais la mer semble s'acharner à lui prendre ses fils, implacablement les uns après les autres ...
Ce livre est un récit puissant, sensuel et salé, plein d'une violence primaire et d'une sauvagerie non maîtrisée.
Il contient à la fois des tableaux tristes et sordides, et de de belles et tendres descriptions comme cette jeune veuve qui pleure son amour perdu, comme cette petite maison de retraité entourée de coquillages.
Marc Elder, écrivain nantais discret, en 1913, à mon sens, avec ce livre puissant, a marqué la littérature par l'obtention du prix Goncourt, mais surtout et plus encore celui d'un genre, celui de la littérature régionale que l'on nomme souvent par pudeur "roman du terroir" ...
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En voyant le titre de ce roman récemment mis à disposition par les éditions ÉFÉLÉ, je me suis laissée tenter sans rien savoir sur ce livre, juste parce qu'avec un tel titre, c'était une lecture à mettre de côté pour un jour où j'aurais été en manque d'air salé. Ce n'est que peu avant de commencer ma lecture que j'ai appris que j'avais entre les mains le livre qui avait obtenu le prix Goncourt en 1913, année que l'on cite en général comme l'archétype des aveuglements de ce jury littéraire, puisque le lauréat est tombé dans l'oubli alors qu'il était en lice avec des romans qui ont fait date, du côté de chez Swann de Proust et le Grand Meaulnes d'Alain Fournier.
Je n'ai pas lu Proust et je n'ai pas un souvenir impérissable du Grand Meaulnes, et puis de toute façon je ne suis pas amatrice de Goncourt en général, donc cette polémique littéraire m'intéresse peu, mais je tiens probablement à mon snobisme à rebrousse poil, car je suis contente de dire que moi j'ai plutôt bien aimé ce livre.

Certes, c'est (ce n'est qu') un roman de terroir, qui se passe à Noirmoutier parmi les pêcheurs de l'Herbaudière, ou plus exactement trois épisodes indépendants ayant pour cadre ce port et ses habitants. Mais je n'ai pas boudé mon plaisir. Les trois nouvelles mettent en scène des aspects différents de la vie des ports de pêche, et sont émaillés de petits éléments concrets qui donnent une couleur d'authenticité au récit. J'ai par exemple appris que les vareuses de ces pique-assiettes de Bretons venant pêcher dans les eaux au large de Noirmoutier étaient ocres (de même que leurs voiles), et que c'est à cela qu'on pouvait les identifier avant même qu'ils ne se mettent à parler leur langue incompréhensible (et les tabasser au passage pour les empêcher de venir casser les prix de vente du poisson aux conserveries locales), puisque les vareuses des Noirmoutrins étaient bleues.
J'ai aimé ces histoires, relativement classiques pour un roman de terroir, mais auxquelles Marc Elder donne un relief particulier. La première, « La Barque », parle de la rivalité, parfois jusqu'à l'absurde, entre bateaux, et est probablement la plus originale des trois nouvelles. La seconde, « La Femme » est un classique triangle amoureux, à mon avis la partie la moins intéressante du livre, car le huis-clos de l'île et du phare ne sont guère exploités (je n'ai pu m'empêcher de penser au film L'Equipier de Philippe Lioret, à tort probablement). Enfin, la troisième, « La Mer » est la description de la fascination irraisonnée pour l'océan, un classique, une partie prévisible, mais que Marc Elder écrit avec beaucoup de subtilité et, m'a-t-il semblé, de justesse. J'ai suivi le débat intérieur de P'tit Pierre comme s'il était le mien, partagée entre l'envie de monter à bord et celle de rester sur le quai.
Marc Elder sait sans contexte décrire la relation ambivalente à la mer, nourricière et faucheuse, proche et lointaine, et il a de plus une bien jolie plume pour décrire les paysages et les ciels. Alors je ne boude pas mon plaisir, ce fut une très agréable lecture, qui m'a déposé un goût d'iode sur les lèvres, alors que la distance qui me sépare de la mer d'Iroise me pèse de plus en plus, et que je ne sais quand je pourrai revoir ces vagues qui me sont chères. J'ai, au moins par la lecture, pu passer quelques jours de mes vacances sur les rivages de l'Atlantique, avec ses temps changeants et sa houle. J'étais sur ces bateaux avec ces hommes et sur la jetée dans la brume avec ces femmes, ambivalence de la mer, tout ce qu'elle offre et tout ce qu'elle prend. « Il y a trop de luttes dans la vie des marins pour qu'ils puissent se séparer jamais de la grande Ennemie, qu'ils aiment à cause de ses ruses et de ses furies même, autant que pour sa coquetterie câline, et ses romances nostalgiques. Ils vieillissent par là sur ses bords, traînent à la plage ou sur le port leurs rhumatismes noueux, parlent d'elle et la couvent des yeux, en buvant à son souffle pour achever de vivre. » (p. 118, Chapitre 1, Partie 3, “La mer”).
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La mer et la femme ont ce point commun pour les hommes de Noirmoutier, au début du 20e siècle, qu'elles les attirent, irrésistiblement, qu'elles sont leur moteur, leur raison d'exister; mais elles sont aussi parfois leur malheur, leur tourment, la raison de leur chute.

Dans ce roman, lauréat du Prix Goncourt en 1913, l'auteur breton qui est difficilement passé à la postérité, place le lecteur au centre de la communauté des noirmoutrins; ces hommes et ces femmes, rudes à la tâche, avec la mer comme paysage et Dieu comme seul espoir. Ce qui fait de ce roman presque une étude sociologique de ce microcosme au début du 20e siècle. Bien entendu qu'il y a des personnages, mais aucun n'a une psychologie construite, tout le roman part d'un point de vue extérieur. Un peu comme un tableau qui donne une vue d'ensemble, dont on peut apercevoir les détails mais qui reste en surface des personnages qui y sont représentés.
Marc Elder a fait le choix de découper son roman en trois parties, trois tableaux et use d'un style assez naturaliste pour dérouler ses histoires. Si les dialogues sont souvent écrits en patois de l'époque, le reste du texte est riche en vocabulaire, comme peuvent l'être les oeuvres d'antan, tout en ne sentant pas la naphtaline rendant la lecture très agréable, même plus de cent ans plus tard.

S'il n'avait pas gagné le Goncourt, je pense que ce roman ne me serait jamais passé entre les mains. C'aurait été dommage, car ce fut pourtant une bien belle découverte, d'un auteur, d'un roman, et des noirmoutrins.


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Ce roman, séquencé sous la forme de trois nouvelles liées entre elles, est une belle fenêtre ouverte sur une époque et un monde révolus. On est happé par le parlé simple, le parlé vrai de ces marins de l'ouest. On prend plus qu'un bol d'air dans cette lecture vieille d'un siècle, ce sont des embruns glacés et salés que l'on reçoit en pleine face. Il n'est nul besoin d'être fils de la mer pour apprécier ces pages, tant leur simplicité, authentique, nous parle. On éprouve une vraie tendresse et un profond respect pour ce peuple de la mer, confronté à la rudesse d'une vie réglée sur la puissance et la dureté des éléments, et l'on reçoit une belle leçon d'humilité.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Chaque matin, en quittant son lit, Coët sortait juger le temps, selon la coutume des gens de mer. Il faisait quelques pas sur la dune basse où sèchent la salicorne et le chardon bleu, parmi un jonc court et dru qui pique les mollets.
Devant lui s’arrondissait la plage sur laquelle le jusant abandonnait des lianes en guirlandes vertes et des méduses d’opale affaissées sur leur chevelure. Des tas de goémons pour l’engrais, deux bouées galeuses, quelques centaines de casiers blanchis allaient à la file, jusqu’à la cale qui monte doucement, vers la remise du bateau de sauvetage. Puis la jetée haute et puissante avançait de cinq cents mètres dans la mer, comme un bras protecteur, devant les barques claires mouillées près à près sur leur corps mort.
Tout brillait au soleil jeune qui s’enlevait là-bas, de l’autre côté de la baie : le sable, le granit, l’océan, les balises et les tours qui marquent les rochers du large, et la terre, comme une ligne de métal à l’horizon. C’était un paysage de lumière, limpide, frais, sous un ciel blanc, insondable, balayé d’une légère brise d’est qui sentait l’iode et le sel.
Près de la cabane du gabelou, le brigadier Bernard amorçait des lignes. Les hommes descendaient du village, parcouraient la jetée à grand bruit de galoches, embarquaient dans les canots. Ils parlaient peu. On entendait surtout sonner le bois, battre l’eau, grincer les chaînes et crier les poulies à l’appareillage.
Les sloops sortaient un à un, dressant haut dans l’air lumineux leurs voiles rousses, bleues ou jaunes, cambrant leur coque grise, largement ceinturée de vert ou d’écarlate.
Et sitôt la jetée doublée, les voilures déployées au vent arrière, ils couraient vers l’horizon en emportant du soleil. (p. 15, Chapitre 2, Partie 1, “La Barque”).
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Coët l'avait épousée par amour bien qu'elle fut fille de terrien et que son père, le vieux Couillaud, fermier à Linières, eut tout fait pour le dégoûter des marins qui sont soulards et crève misère jusqu'à ce que la mer les mange.
Coup sur coup, il lui avait fait trois enfants, parce qu'il faut des bras pour manœuvrer les barques et qu'un mousse de plus dans la famille, c'est un étranger de moins à entretenir à bord. Car les pêcheurs procréent surtout pas intérêt, comme les bourgeois s'en gardent pour la même cause, et non pas tant, selon la commune croyance, à cause des ivresses qui les culbutent, dans une poussée de rut, sur leurs femmes maîtrisées.
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L'homme et le chien couchaient ensemble, mangeaient ensemble, allaient à la mer ensemble. Également taciturnes, ils ne pensaient sans doute pas plus l'un que l'autre. Mais Tonnerre avait conscience de sa supériorité et savait bien que l'autre était une bête puisqu'il ne buvait pas d'alcool.
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Des youyous, des plates débordent de partout , chargés de gars robustes qui montrent leur poitrine et des bras nus bleuis de tatouages. Les peaux basanées, fermes sur les muscles durs, les gueules barbus, rutilantes, les poings massifs, les reins sanglés grouillent tumultueusement sur les pilotis, les échelles et dans les canots secoués par le flot vif. On chante, on jure, on s'interpelle. Des casquettes sont brandies et des litres vidés à même le goulot. Et sur tout cela du soleil à profusion, une atmosphère lumineuse et chaude qui excite encore la vie déchaînée sur cette mer transparente, féconde, gonflée, vivante aussi.
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Le coucher du soleil avait, ce soir-là, un lustre automnale comme il arrive parfois que d’une saison à l’autre, des jours semblables jusqu’en leur atmosphère, se répètent en mystérieux écho. Le grand ciel ouaté, qui se mouvait tout d’une pièce, s’était arrêté, ouvert, et du soleil avait coulé à flot sur la mer calme. Et maintenant, la lumière rejaillissait sur l’océan frappé, des brumes cernaient les barques et les roches, tandis que l’horizon s’exhaussait vers l’astre rouge, comme un peuple entier soulevé vers son dieu. (p. 94, Partie 2, “La Femme").
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