Ce beau livre est plus une méditation et une rêverie sur le Zohar, qu'un commentaire savant, orthodoxe ou critique. L'auteur lit le texte et nous donne les clefs de lecture individuelles ou culturelles qu'elle a trouvées et utilisées, dans un ouvrage très attachant et très personnel. Le Zohar n'est donc plus un texte sacré à étudier à la façon des Cabalistes, ni un document médiéval à décortiquer comme le font les philologues, c'est un grand poème qui donne à l'imagination les images et les mots nécessaires à la pensée : c'est de la poésie qui pense, à quoi l'auteur nous invite en son cheminement très innovant dans cette "troisième Bible" du peuple juif, venue après la Bible proprement dite, et le Talmud.
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Comme le notait le rabbin Hazan, lors d'une conférence à Jérusalem même, le nom hébreu Yeroushalaïm (Jérusalem) est un duel (forme de pluriel spécifique aux choses qui vont par deux). Contrairement à la Pax Romana qui est une paix imposée, le nom de Yeroushalaïm signifie que ma paix ne va pas sans ta paix (shalom / shalaïm). En passant on peut noter aussi que le duel grammatical se dit en hébreu zoughi, "couplé", sans la connotation de confrontation agressive que l'on peut trouver dans le mot "duel". Yeroushalaïm, avec sa connotation de restauration fraternelle, ponctue toute la liturgie hébraïque comme référence constante, centrée autour du Psaume 137 : "Si je t'oublie Jérusalem, que ma droite m'oublie, que ma langue colle à mon palais ..." L'Occident, qui reconnaît dans ses sources Athènes, Rome et Jérusalem, ne reconnaît cette dernière que de façon nominale et, de par son oubli de sa référence à l'Orient, se trouve par là même désorienté.
Pour le peuple juif, le rapport à la Terre, à cette Terre, à Jérusalem, constitue un double symbole. Restauration et sanctification de la fraternité d'une part, réanimation des thèmes bibliques de l'Exil et du Retour d'autre part. On peut comprendre d'avance que si l'on se liasse immerger dans la poétique du Zohar, tous ces thèmes vont resurgir, nous baigner de toute part, solliciter notre attention au passé, au présent et à l'avenir, dans un rappel perpétuel, issu d'une thématique essentielle.
pp. 131-132
Le Zohar est une mine pour explorer dans ses profondeurs ce que recèle l'inconscient des nations, voire la brèche qui parfois fend la pâte de l'histoire et qui se glisse entre Israël et la Loi... En cette fin de siècle, la civilisation d'Edom, occidentale et chrétienne, a suffisamment fait ses preuves. La Shoah, l'usurpation chrétienne de l'Eglise qui se voulait nouvel Israël, voire "Verus Israel", a engendré ce qui la niait elle-même : l'hitlérisme, Hitler se voulant le nouveau peuple élu, appartenant à la race des Seigneurs, caricature du Peule élu. Car élu, Israël ne l'est que pour être une bénédiction pour toutes les familles de la terre, selon la formule consacrée, et non dans un but de domination comme ce fut le cas pour Hitler. Et, d'une autre manière, pour Staline. A l'heure où l'empire russe s'écroule, alors que germent çà et là d'autres ferments diaboliques, - dirait le Zohar -, les jeux ne sont pas faits. Néonazisme, fanatismes arabes exploités, pétrole en main, par l'Occident toujours en quête de pouvoir, on peut se demander - on doit se demander - si le Zohar ne fait pas une place particulière à Ismaël.
p. 144
Les tenants du projet de l'interprétation critique (du Zohar) n'avoueront jamais qu'il consiste à priver le livre de ses lecteurs au profit du discours de l'interprétation. L'élucidation d'un texte réputé difficile, parfois obscur, en voulant en finir avec ce qui échappe à la rationalité, à l'explication, à la compréhension réfléchie, aplatit l'abîme insondable de la réalité poétique et fixe les turbulences qui naissent de sa lecture ...
Préface de Charles Mopsik, p. VIII
Quand la Prophétie se tait, le ciel parle par la voix des Sages (...) à defaut des Sages, l'avenir est révélé dans les songes, et à défaut de songes, on peut le lire dans le pépiement des oiseaux.
Zohar I-183b
cité en épigraphe de l'épilogue, p. 217.
Vidéo de Eliane Amado Lévy-Valensi